Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat entame aujourd’hui l’examen d’un projet de budget comportant 362 milliards d’euros de dépenses et 274 milliards d’euros de recettes.
En conséquence, en 2012, la France devra encore emprunter plus de 80 milliards d’euros pour faire face à ses dépenses courantes et, à la fin de l’année, l’endettement sera ainsi porté à 1 807 milliards d’euros, soit 87, 4 % du PIB. Du jamais vu dans notre pays !
Cette dérive de nos finances publiques s’inscrit dans un contexte inquiétant de crise profonde de la finance de marché et d’un système bancaire gangrené par une spéculation sans limites.
À vrai dire, voilà déjà dix ans que l’état de crise s’est profondément installé dans les économies occidentales. Le 2 décembre 2001, la colossale faillite de la société américaine Enron secouait la finance mondiale. Une première bulle spéculative, celle de ce que l’on appelait la « nouvelle économie », explosait, avec toutes les conséquences que l’on sait.
Tirant les enseignements de ce déclenchement de crise, les économistes et les experts furent nombreux à pointer les dérives du capitalisme financier. L’un d’entre eux, Patrick Artus, économiste bien connu, titrait son ouvrage très remarqué : Le capitalisme est en train de s’autodétruire !
Durant cette décennie troublée, qu’a entrepris le gouvernement français pour parer aux effets pervers de cette dérive et entreprendre une meilleure régulation économique ? Très peu de choses à vrai dire !
Pourtant, les véhicules législatifs n’ont pas manqué aux gouvernements de droite en place depuis 2002 pour renforcer les outils d’incitations, de régulation et de contrôle. Je pense à la loi dite « de sécurité financière » en 2003, à la loi de transposition de la directive sur les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF, en 2005, ou encore à la loi de modernisation de l’économie en 2008.
Lors de chacun de ces débats législatifs, j’ai, avec mon groupe, formulé de nombreuses propositions d’amendements pour durcir la régulation, restreindre les rémunérations éhontées des dirigeants ou fiscaliser plus durement les activités spéculatives. Peine perdue...
La vérité, c’est que la philosophie « libérale » des gouvernements en place ces dernières années s’est, dans les faits, accommodée d’une régulation a minima de la sphère financière. Dans ces conditions, la dérive s’est poursuivie, ici comme ailleurs, et de nouvelles bulles se sont constituées.
Le trading à haute fréquence et la cupidité des acteurs ont fait le reste et la crise s’est, comme on le sait, brutalement aggravée en 2008 !
Résultat de cette régulation a minima : depuis 2008, pour aider au rétablissement du système bancaire et atténuer les effets dévastateurs de cette crise du capitalisme financier, l’État s’est endetté encore un peu plus, cela sous l’œil de plus en plus critique des agences de notation.
L’enseignement à tirer est très clair à mes yeux : depuis toutes ces années, les gouvernements se sont endormis en laissant libre cours à la voracité des marchés. Ils se sont satisfaits, de façon coupable, du vœu pieux de l’« autorégulation » des financiers et des banquiers.
D’ailleurs, avant de partir pour Washington, Mme Christine Lagarde ne nous assurait-elle pas, ici même, au printemps dernier, que tout allait bien pour les banques françaises, qui n’avaient, selon elle, nul besoin d’être recapitalisées ? À travers la dégringolade accélérée de cet été, on a vu où menait cette vision pour le moins angélique et déconnectée de la réalité !
Si la crise financière a créé un état de défiance généralisé et gravement affecté l’état de nos finances publiques, appelées à la rescousse, elle n’est pourtant responsable que d’un tiers du très lourd déficit – de 87 milliards d’euros – présenté dans ce budget. Le déficit de la France est structurel pour deux tiers et conjoncturel pour un tiers. Le constat est donc accablant pour les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 !
Madame la ministre, vous nous disiez qu’il fallait retenir trente-cinq années de dérive, de laxisme ou d’incurie. Notez bien que, sur les 1 800 milliards de dette, 500 milliards s’expliquent par la politique menée en France depuis l’élection de Nicolas Sarkozy !