Loin de là, monsieur le président de la commission !
En quoi la politique fiscale peut-elle favoriser le développement des PME ? La question est cruciale, car leur poids et leur rôle dans l’économie française est fondamental. Ces entreprises représentent plus de la moitié de l’emploi salarié, 42 % de la valeur ajoutée et sont essentielles pour l’insertion professionnelle des jeunes, dont nous avons beaucoup parlé aujourd’hui.
Si l’État souhaite réellement améliorer la situation de l’emploi, il doit résolument se tourner du côté des PME, car elles enrichissent l’économie réelle du pays.
Au printemps 2011, dans notre proposition de loi tendant à améliorer la justice fiscale, à restreindre le « mitage » de l'impôt sur les sociétés et à favoriser l'investissement, nous nous étions notamment penchés sur l’injustice fiscale entre entreprises. Malheureusement, aucune suite n’a été donnée à ce texte.
Aujourd’hui, la situation semble évoluer dans le bon sens. L’actualité est à la dénonciation des inégalités fiscales entre les grands groupes et les PME. Le Gouvernement a fini par les reconnaître, comme en témoigne la surtaxe d’impôt sur les sociétés, qui serait acquittée à titre provisoire par les grands groupes. J’aurai l’occasion de revenir, au cours de l’examen des articles, sur l’amélioration de l’égalité fiscale des entreprises en France, en reprenant l’idée majeure que nous avions évoquée dans notre proposition de loi.
En rester à cette avancée bien trop modeste et temporaire du projet de loi de finances ne peut nous suffire. Il est aujourd’hui essentiel d’enclencher une stratégie de croissance orientée et adossée au tissu des PME. C’est une vraie politique de l’innovation en France qui créera des emplois dans la durée. Pour retrouver son élan et son dynamisme, notre pays est tout à fait capable de se retrousser les manches. Encore faut-il qu’il valorise bien davantage ses PME par des choix fiscaux plus volontaristes.
Enfin, parce qu’il ne peut y avoir de croissance sans une meilleure justice fiscale, je veux aborder la question de l’iniquité de notre système fiscal et souligner la nécessité de sa réforme globale. Le constat est en effet accablant.
Madame la ministre, cet été, les experts du ministère de l’économie ont identifié, dans un rapport que vous connaissez bien, des niches fiscales et sociales représentant plusieurs dizaines de milliards d’euros et susceptibles d’être abrogées. Sans impact significatif sur l’économie française, la suppression de ces niches engendrerait des recettes très substantielles.
Pourquoi le Gouvernement ne suit-il pas ces préconisations dans ce projet de loi de finances ? À la place, il préfère des hausses d’impôts furtives, et aussi indolores que possible. L’exemple type en est le taux intermédiaire de TVA sur un certain nombre d’activités et produits.
Ne serait-il pas plus juste et plus pertinent de supprimer purement et simplement certaines niches fiscales, repérées comme économiquement inutiles ?
Au contraire, avec sa trentaine de taxes nouvelles, le projet de budget pour 2012 prévoit l’instauration d’un prélèvement de 1, 1 milliard d’euros sur les mutuelles, une augmentation de 800 millions d’euros la CSG et une hausse des taxes sur les tabacs et l’alcool. Rien de très cohérent dans cette cascade de taxes sournoises ! Le système fiscal en sort de plus en plus complexe, illisible et injuste.
Solliciter davantage ceux qui ont le plus de moyens en s’appuyant sur une trajectoire lisible : voilà qui apporterait de la crédibilité à ce budget, tout en répondant au problème actuel des inégalités croissantes.
Le projet de budget qui nous est proposé pour 2012 tourne le dos à ces objectifs. Malgré des mesures d’affichage, l’effort reste très déséquilibré entre les ménages.
La taxe sur les très hauts revenus représentera 400 millions d’euros, alors que les ménages aisés continueront à bénéficier à plein du maintien des niches fiscales « officielles » annexées au projet de loi de finances pour 2012, qui leur permettront globalement de conserver pour eux 65, 9 milliards d’euros !
Comme l’an dernier, les classes moyennes, les jeunes actifs et les femmes seront les grands perdants. En 2012, ils subiront l’effet concomitant du ralentissement de la croissance sur leurs salaires, de la baisse des budgets sociaux et éducatifs et de la poursuite de la remontée du chômage, particulièrement chez les jeunes.
Faut-il le rappeler, en 2013, les nouvelles hausses d’impôts du plan Fillon II pèseront, pour 86 % d’entre elles, sur les ménages.
Tout cela rappelle les inquiétantes conclusions du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, selon lequel les prestations sociales réduisent moins les inégalités de revenus que par le passé, tandis que l’impôt sur les ménages est devenu moins progressif et moins redistributif.
Ce projet de budget pour 2012 ne fait que confirmer la poursuite d’une politique fiscale injuste et inefficace.
Madame la ministre, mes chers collègues, ma conclusion ne surprendra donc personne : la politique fiscale dont la France a besoin ne saurait être un assemblage d’annonces de plusieurs cures d’amaigrissement sans véritable cohérence.
Le projet de loi de finances pour 2012 peut être l’occasion d’une remobilisation des Français au travers de la mise en place de mesures équitables et comprises par tous.
Force est de constater, madame la ministre, que votre texte est profondément éloigné de cette exigence. Soyez donc assurée que la majorité sénatoriale s’attachera, par les amendements qu’elle a déposés, à promouvoir une autre voie financière, plus ambitieuse pour la France et plus juste pour les Français !