Je pense aussi à la suppression de l’abattement de 30 % sur le bénéfice des entreprises imposables en outre-mer. Le Gouvernement avait promis que les mesures de réduction ne toucheraient pas les dispositifs de la croissance économique. L’annonce de la suppression de cet abattement d’un tiers pour les sociétés ultramarines en fournit la preuve contraire. L’objectif de l’instauration de l’abattement d’impôt sur les sociétés en outre-mer était d’abaisser le coût de financement et d’améliorer les capitaux propres des petites et moyennes entreprises ultramarines, qui ont plus difficilement accès au financement externe que les grandes entreprises.
Supprimer dès l’année prochaine cette mesure, qui devait être efficiente jusqu’en 2017, ôterait toute possibilité d’autonomie financière à ces entreprises, pivots du dynamisme ultramarin. Son maintien me semble vital pour ces sociétés.
Nous sommes néanmoins conscients des urgences actuelles. Dès lors, une solution pourrait être de maintenir cet abattement pour les seules entreprises éligibles au dispositif des zones franches d’activités qui réinvestissent leurs résultats dans l’entreprise.
De même, je pense au dispositif du gel de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises ou de la baisse de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, appliqué indistinctement à l’ensemble des chambres de commerce et d’industrie régionales, les CCIR, qu’elles soient ou non constituées de plusieurs chambres de commerce et d’industrie territoriales, les CCIT. Or les chambres de commerce et d’industrie des départements d’outre-mer, de par l’organisation administrative et institutionnelle de ces derniers, ont la double qualité de CCIT et de CCIR, et se trouvent donc, de ce fait, dans l’incapacité de réaliser des mutualisations. C’est pourquoi il nous semble que ce dispositif doit également être revu, la perte correspondante pouvant être prise en charge par le Fonds de péréquation de la recette de la taxe additionnelle à la CVAE.
Madame la ministre, mes chers collègues, il faut arrêter de considérer que les outre-mer coûtent très cher à la nation parce que le total de l’effort budgétaire et fiscal de l’État en leur faveur pour 2012 s’élèverait à 16, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 16, 4 milliards d’euros en crédits de paiement.
En présentant les choses de cette façon, on peut certes montrer que les outre-mer pèsent 4, 6 % des dépenses du budget général et 20, 4 % du déficit budgétaire, ce qui autoriserait ou justifierait aisément toutes les coupes budgétaires. Mais n’oublions pas que les outre-mer constituent aussi une population de 2, 7 millions d’habitants, soit 4, 2 % de la population totale française, qu’ils permettent à la France d’être présente dans toutes les parties du monde et qu’ils lui offrent également une zone économique exclusive de plus de 10 millions de kilomètres carrés, avec un potentiel de ressources énorme – biodiversité, ressources halieutiques, minières, terrestres et pétrolifères – qui fait de la France une puissance maritime de premier ordre, la deuxième au monde.
A-t-on fait l’évaluation de ces richesses et les met-on dans la balance ? Il s’agit d’autant d’éléments qui permettent d’appréhender autrement le rôle et l’importance des outre-mer pour la France, de rompre avec cette vision cartiériste trop répandue.
Les outre-mer ne quémandent pas, mais ne veulent pas non plus de l’assistanat. Ils disposent d’importants atouts, qui sont autant de perspectives de développement à même d’améliorer les conditions de vie de leurs citoyens. Mais encore faut-il qu’on laisse aux acteurs locaux la latitude nécessaire pour valoriser ces atouts dans l’intérêt de leur territoire et que des moyens appropriés soient mis à leur disposition pour l’exploitation de ces richesses. Or, en la matière, les freins sont nombreux – je pense notamment au problème des normes européennes, qui, trop souvent, sont appliquées aveuglément dans nos territoires, ou encore à l’absence de financements bancaires.
Il est aussi essentiel que les collectivités d’outre-mer soient rétablies dans la totalité de leurs droits financiers et, surtout, fiscaux. En effet, en cette période de raréfaction des recettes provenant de l’État, de gel des finances des collectivités locales, les recettes fiscales peuvent jouer un rôle essentiel, à la condition toutefois que leur gestion soit mieux assurée. Or celle-ci incombe à l’État, qui accumule dans ce domaine un certain nombre de lacunes.
Un tout récent rapport de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes d’outre-mer, en date de juillet 2011, est très révélateur à ce sujet. Il établit les constats suivants : aucune actualisation des bases n’est intervenue outre-mer en 1980, contrairement à la métropole ; de nombreux abattements et exonérations mis en place par l’État ne sont pas compensés par ce dernier ; des bases cadastrales sont peu ou mal renseignées, faute de géomètres, d’où des pertes financières très lourdes pour les collectivités locales.
La Cour des comptes prend l’exemple de la Guyane, dont l’écart de potentiel brut mobilisable s’élève, selon la direction régionale des finances publiques, à 32 millions d’euros, ce qui se traduirait par une perte de recettes annuelles de 12 millions d’euros environ pour les communes. Ce chiffre est à rapprocher du montant des recettes réelles de fonctionnement perçu par les communes de Guyane, qui s’élève à 220 millions d’euros environ.
Je tiens à rappeler que, par un arrêt du Conseil d’État du 6 mars 2006, la responsabilité de l’État a déjà été engagée en raison de l’absence prolongée d’actualisation des bases cadastrales de la ville de Kourou et du manque à gagner fiscal qui en est résulté pour les finances locales. Il ne faudrait pas que nous soyons toujours obligés d’en arriver à cette extrémité.
Aussi, madame la ministre, mes chers collègues, j’espère que, en dépit de la priorité donnée à la réduction du déficit budgétaire, certaines propositions que mes collègues ultramarins et moi-même serons amenés à faire, dans l’intérêt des outre-mer – lequel n’est pas contraire à celui de la nation –, recevront votre assentiment.