Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 29 novembre 2011 à 14h30
Loi de finances pour 2012 — Santé

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la discussion de la mission « Santé » a toujours une dimension un peu surréaliste, les 1, 38 milliard d’euros qui lui sont alloués paraissant bien modestes au regard des quelque 200 milliards d’euros de dépenses de santé que nous avons votés lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Elle permet cependant d’examiner les priorités du Gouvernement en matière de santé publique.

La progression des crédits de plus de 12 % par rapport à 2011 est essentiellement due – cela a déjà été souligné – à la budgétisation des moyens de l’AFSSAPS, appelée à devenir l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Il était temps de mettre fin au financement direct de cet établissement par l’industrie pharmaceutique, car ce système n’était pas sain.

La mise en œuvre de la réforme de l’expertise sanitaire, que j’ai appelée de mes vœux dès 2005 en tant que président de la mission d’information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, devrait, je l’espère, nous préserver des défaillances que nous avons connues dans l’affaire du Mediator.

Cette évolution en faveur de l’AFSSAPS masque de profondes disparités parmi les opérateurs, qui reçoivent d’ailleurs la majorité des crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». La plupart d’entre eux, en particulier l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, voient leurs moyens et plafond d’emplois baisser.

Cela fait quelques années que je plaide pour une restructuration des autorités de santé. Malgré l’indéniable valeur ajoutée résultant de la souplesse de gestion et de la réactivité des différentes agences, leur multiplication, en réponse à des crises sanitaires spécifiques, a contribué à rendre le dispositif de plus en plus complexe, manquant de coordination et de transparence. Dans un récent rapport, notre collègue député Yves Bur a formulé un certain nombre de propositions intéressantes sur ce sujet. Quelles suites comptez-vous y donner, madame la secrétaire d'État ?

J’en viens aux différentes actions du programme 204.

Tout d’abord, je note avec satisfaction la hausse de 4 % des crédits dédiés à la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins.

Comme chaque année, j’insiste sur la nécessité de ne pas relâcher nos efforts en matière de lutte contre le sida, une maladie qui continue à faire des ravages. Les résultats très encourageants d’une importante étude internationale sur les effets des traitements antirétroviraux, qui a été publiée au mois de mai dernier, consolident fortement l’intérêt d’un traitement précoce, en termes à la fois de réduction du risque de transmission et de bénéfice thérapeutique. Il nous faut donc parvenir à un dépistage beaucoup plus large et systématique de l’infection.

Par ailleurs, et je soulève ce problème chaque année, la politique de réduction des risques en faveur des personnes sous main de justice est incomplète. Ces dernières ne bénéficient toujours pas du programme d’échange de seringues, accessible en milieu libre. Il y a là une injustice qu’il faudrait corriger.

Je m’interroge sur la restriction budgétaire, de l’ordre de 3, 9 %, qui frappe l’action n° 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades. Près de 84 % des moyens mobilisés viendront financer l’Institut national du cancer, l’INCa, qui pilote plusieurs mesures du plan cancer.

Au-delà de la généralisation des dépistages, qui est tout à fait nécessaire, il serait utile d’agir en amont pour réduire les causes des cancers. Alors qu’on s’apprête à lancer auprès des femmes enceintes une campagne d’information sur le bisphénol A, qu’en est-il, plus généralement, des moyens accordés pour la constitution d’un réseau de bio-surveillance qui permettrait d’élargir l’action à l’ensemble des perturbateurs endocriniens ?

L’idée que de telles substances jouent un rôle important dans l’augmentation de l’incidence de certains cancers hormono-dépendants paraît de plus en plus crédible, l’Académie nationale de médecine ayant par exemple publié un rapport sur le sujet voilà quinze jours. Pour ma part, après avoir mené six mois d’auditions pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, je suis convaincu que le temps de l’action est venu.

Outre la lutte contre le cancer, plusieurs actions bénéficient de crédits. Je pense à la lutte contre les pratiques addictives et à risques, aux dispositions en faveur de la santé mentale ou encore aux mesures face à la maladie d’Alzheimer.

Par ailleurs, il me paraît urgent de revoir la prise en charge des toxicomanes, notamment en augmentant la capacité d’hébergement des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie.

La progression des maladies chroniques et des problématiques de santé environnementale justifierait non seulement de consacrer une part plus importante du budget à ces domaines, mais également de redéfinir nos objectifs. La grande loi de santé publique se fait malheureusement toujours attendre.

Autre motif de satisfaction, les crédits consacrés à la formation médicale initiale progressent de près de 9 %, ce qui traduit la volonté d’une large diffusion des stages en médecine générale.

En effet, si l’on souhaite assurer une présence médicale de premier recours équilibrée sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les zones dites « sous-denses », il est essentiel de valoriser une spécialité de plus en plus délaissée par les étudiants en médecine. Quels que soient les forfaits, les maisons de garde et les maisons de santé pluridisciplinaires éprouvent des difficultés grandissantes à recruter des médecins libéraux, qui préfèrent de plus en plus se tourner vers le salariat.

Afin de répondre pour un coût maîtrisé aux besoins de nombreux territoires qui désespèrent, le ministère de la santé réfléchit-il à des solutions autres que les mesures coercitives, qui ne changeront évidemment pas la donne ?

Pour autant, l’objectif retenu en 2012, c’est-à-dire 6 660 externes de deuxième cycle effectuant un stage de sensibilisation à la médecine générale, est ambitieux. Il suppose que les lieux de stage soient en nombre suffisant, ce qui n’est pas acquis au vu des résultats des années précédentes. On peut évidemment espérer que la situation s’améliore, notamment grâce à la reconnaissance du statut de praticien agréé-maître de stage des universités.

Enfin, le Gouvernement propose de régler la question de la responsabilité civile des professionnels de santé. Je me réjouis d’une telle initiative. En effet, avec d’autres collègues, j’ai évoqué ce problème chaque fois que le Sénat était saisi d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

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