Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je voudrais vous résumer les quatre arguments qui ont conduit la commission des affaires étrangères à recommander au Sénat de marquer sa désapprobation à l’égard du sort réservé au programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » par un rejet des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
Premièrement, et comme l’a lui-même regretté le ministre d’État, les moyens du programme 185 ont atteint, après quinze années de coupes budgétaires, un palier extrêmement bas qui s’apparente à un seuil de survie.
Paradoxalement, le Gouvernement nous a pourtant demandé d’approuver leur croissance zéro, prévue par le projet de loi de finances pour 2012.
Je ne peux, au nom de la commission, que souligner le décalage excessif auquel nous sommes arrivés entre la faiblesse des moyens de la diplomatie culturelle – 758 millions d’euros – et l’immensité de ses tâches.
De plus, ces crédits n’ont pas échappé à un « rabotage » de 8, 4 millions d’euros, ce qui, dans la réalité concrète, est considérable pour ce budget dont l’unité de mesure est la centaine de milliers d’euros.
Deuxièmement, la nouvelle maquette a progressé dans sa conception générale, mais, sur le plan technique, elle ne facilite pas la compréhension synthétique de ce budget.
Par exemple, l’évaluation du montant global de l’effort en faveur des bourses attribuées aux étudiants étrangers est un exercice difficile ; ces dernières sont recensées sur cinq lignes différentes dont le total ne donne qu’une idée partielle des crédits alloués par d’autres canaux budgétaires.
Plus fondamentalement, le périmètre de la mission ne permet pas d’optimiser les arbitrages financiers entre les différents vecteurs d’influence.
Je rappelle que la commission des affaires étrangères avait déploré l’an dernier que les crédits consacrés à l’audiovisuel extérieur continuent de relever de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Elle n’a pas été entendue.
En son nom, je réitère de façon énergique l’idée du rattachement de l’audiovisuel extérieur à la mission « Action extérieure de l’État » et à la tutelle du ministre des affaires étrangères.
Ici, au Sénat, dans la nuit de vendredi dernier, le ministre de la culture a écarté cette suggestion en nous disant : « Que je sache, le corps diplomatique n’est pas à même de réaliser des émissions de télévision. »
Compte tenu de l’évolution tumultueuse de la société chargée de l’audiovisuel extérieur de la France, ces propos nous semblent un peu désinvoltes.
J’ajoute que, en 2008, la Cour des comptes faisait observer que la dotation de l’audiovisuel extérieur est d’un ordre de grandeur à peu près comparable au coût pour l’État de l’ensemble du réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger. Il serait tout à fait logique de les rassembler dans la même « famille budgétaire » pour que le Gouvernement et, surtout, le Parlement puissent statuer sur les priorités respectives à accorder aux différents outils du rayonnement culturel et linguistique de la France.
Je rappelle aussi que le taux d’autofinancement des établissements à autonomie financière, les EAF, qui sont des services de l’État, atteint 50 % et celui de l’AEFE 55 %, alors que les ressources propres de la société chargée de l’audiovisuel, inscrite au registre du commerce et des sociétés, peinent à dépasser 5 % de son budget.
Enfin, la commission des affaires étrangères ne peut que se joindre au flot des critiques qui soulignent très justement qu’il est inacceptable que la circulaire du 31 mai 2011 – dite « circulaire Guéant » – relative à la maîtrise de l’immigration professionnelle, c’est-à-dire un texte qui, par définition, n’est pas créateur de droit, puisse contrecarrer la volonté d’accueil des meilleurs étudiants étrangers exprimée par la France ainsi que la politique des bourses présentée de façon solennelle au Parlement à l’occasion de la loi de finances.
La commission suggère le retrait de ce texte qui a pour effet collatéral de démotiver les personnels de CampusFrance, dont la mission est précisément de faciliter la vie et les démarches de ces étudiants.
J’ajoute que la mise en place de cet opérateur a pris un certain retard, pour une raison, semble-t-il, qui relève d’un phénomène bien connu des élus locaux : le transfert de compétences sans affectations suffisantes de moyens.
Les deux ministères chargés de mettre en œuvre la réforme de CampusFrance ont-ils surmonté leurs divergences de vue à ce sujet ?
En conclusion, il faut bien entendu se garder de noircir le tableau à l’extrême en reconnaissant les mérites de la réforme du réseau de notre diplomatie culturelle et de la mise en place de ses nouveaux leviers.
J’observe que l’Institut français a pris un bon départ, même s’il est important de veiller à ce que son développement devienne un atout et non pas un sujet de crainte pour les alliances françaises.
Je termine mon propos en souhaitant aussi que la diplomatie culturelle et la coopération économique ou agricole puissent travailler de concert. Sur le terrain, c’est une nécessité.