Au lieu de chercher à réconcilier l’Europe avec la croissance, vous évoquez une Europe fédérale, comme si la régulation budgétaire mise en œuvre de Bruxelles pouvait donner autre chose qu’un système coercitif, avec à la clé l’austérité à perpétuité et la récession.
Devant la régression et le désordre prévisible, si vous ne pouvez procéder aux réformes qui pourraient peut-être préserver la monnaie unique en vous adossant à la Banque centrale européenne, il est temps d’explorer les voies d’une transition aussi harmonieuse que possible. Je pense à la mutation de l’euro de monnaie unique en monnaie commune, afin de maintenir l’unité du marché européen.
Il est temps de refonder sur des bases réalistes, conformes à l’Histoire et aux aspirations des peuples, l’esprit et les mécanismes d’une entreprise de solidarité européenne évidemment nécessaire. Mais c’est un autre débat.
J’ai peu de temps, je conclurai sur deux considérations.
Tout d’abord, le rôle du Conseil de sécurité.
Monsieur le ministre d’État, vous êtes passé par le Conseil de sécurité et la résolution 1973 pour intervenir en Libye. Vous avez choisi d’utiliser la notion de responsabilité de protéger, mais vous en avez donné, monsieur le ministre d’État, une interprétation quelque peu extensive. Nous avons frôlé le droit à l’ingérence. Comment nier, en effet, que l’objectif a été celui de ce que les Anglo-Saxons appellent le « regime change » ?
Vous deviez protéger les civils, mais qu’en a-t-il été des civils de Syrte, par exemple ? Certains témoignages de journalistes ou d’ONG sont accablants. Il faut non pas persévérer dans cette voie, mais, au contraire, amener les régimes se réclamant des droits de l’homme, et que nous avons soutenus, à les appliquer tout simplement. Cela est vrai en Libye comme en Égypte, où l’on ne voit pas sans inquiétude les massacres de Coptes ou les incendies d’église.
La légitimité internationale repose, qu’on le veuille ou non, sur l’ONU. Acceptons-en les règles, si difficiles soient-elles. Ne cherchons pas à nous évader dans des G8 ou G20. Il faut rappeler que 174 pays sur 194 ne sont pas membres du G20 ; parmi les pays africains, seule l’Afrique du Sud y participe. Ne vous repliez pas sur ces cénacles composés de Happy few, de Beati possidentes, etc., qui se trouvent bien entre eux pour prendre en main, comme ils disent, la gouvernance du monde.