Parmi les conséquences, je citerai, au risque de paraître brutale dans la démarche, qu’il y a, entre autres, Gaza !
Et aujourd’hui ? La prise du pouvoir dans certains pays tels que la Tunisie, la Libye ou l’Égypte se fait d’une autre façon, mais veut se poursuivre par des élections.
J’en reviens au Maroc, où justement les élections nous placent face à l’évolution intéressante d’un régime ; il faut l’observer. Nous voyons, nous, ce pays s’installer dans une monarchie parlementaire. Qui l’eût cru ?
En effet, selon la Constitution, le Premier ministre doit être issu de la majorité, en l’occurrence, celle qui vient de gagner. C’est donc le secrétaire général du Parti de la justice et du développement, le PJD, secrétaire général du parti islamiste, qui sera chef du Gouvernement. Dans le même temps, le roi restera chef du conseil des ministres.
Voilà un système où s’installe une forme de cohabitation assez surprenante, mais telle est la réalité. Il nous faudra observer l’évolution de ce régime nouveau, susceptible de devenir un modèle, le modèle marocain.
Et la démocratie ? Sera-t-elle pluraliste ? Quid de la relation laïcité/charia ? Une nouvelle forme de démocratie émergera-t-elle ? S’agira-t-il d’une démocratie endogène faite d’autres choses, de spécificités et probablement de créativité ? C’est possible, mais ce sera sûrement long.
Observons !
Au demeurant, beaucoup de menaces et de divisions subsistent.
Je citerai la Syrie, que vous observez aussi, monsieur le ministre d’État, et c’est tant mieux ! Le régime est brutal et sanguinaire, mais le pays est de plus en plus isolé, lâché par certains, la Turquie ; lâché par la Ligue arabe ; lâché peut-être un peu aussi par le Hezbollah.
Alors, intervention ou non ? Qui s’y risquerait ? La Turquie : ira, ira pas ? Elle n’ira pas seule. Avec l’ONU, l’OTAN ? Elle envisage la création d’une « zone tampon » de quatre à cinq kilomètres. Bien sûr, les réfugiés arrivent, et avec eux les Kurdes de Syrie...
Ainsi des situations différentes se créent ; elles ne sont pas sans risques. Soyons des observateurs, et la France avec vous, monsieur le ministre d’État.
Vous avez évoqué un corridor humanitaire, soit ! Vous y reviendrez un peu plus longuement, je suppose.
En cas d’attaque, y aurait-il riposte ? Le problème est de savoir jusqu’où ne pas aller trop loin. Nous sortons d’une affaire, je veux parler de la Libye, qui s’est bien terminée. Nous avons approuvé votre détermination sur ce sujet. Mais la France et le Royaume-Uni étaient seuls ; les Allemands étaient absents. Le coût est estimé à 300 millions, voire 350 millions d’euros.
Le monde est en pleine recomposition. Il demeure beaucoup d’incertitudes et sans doute y aura-t-il encore des ruptures.
Notons le repli du leadership américain, notamment en Europe.
Notons la perte d’influence de l’Europe. Encore une fois, en Libye, la France et le Royaume-Uni étaient seuls.
Notons que l’Union européenne, absente politiquement, est toujours très présente, quand elle est sollicitée financièrement. En Palestine, et depuis 2005, l’Union européenne consacre à peu près 50 millions de dollars par mois à l’accompagnement de l’Autorité palestinienne.
Notons qu’au Liban, pour ne prendre que le seul exemple de l’opération Daman, la France a consacré à ce titre 83 millions d’euros en 2010 et il est prévu 77 millions d’euros en 2011. Voilà une réalité ; elle n’est sans doute pas à la dimension des sollicitations à la fois de la France et de l’Union européenne au Moyen-Orient.
Notons aussi le déplacement du centre de gravité, bien sûr vers l’Asie et vers la Chine.
Notons enfin tous ces bouleversements dans le monde arabo-musulman.
Monsieur le ministre d’État, nous voudrions accompagner ce bel élan d’émancipation, ce beau printemps arabe, afin qu’il s’inscrive réellement dans la durée !