Monsieur le ministre d’État, je voudrais d’emblée vous remercier, car vous êtes parvenu à nous présenter un budget qui, dans un contexte difficile, ne diminue pas et réussit même à intégrer des coûts nouveaux, ceux de l’organisation, pour la première fois, d’élections législatives à l’étranger.
C’est un défi de taille, puisqu’il s’agit non seulement de faire fonctionner huit cents bureaux de vote, mais aussi de franchir une nouvelle étape dans la mise en œuvre du vote par Internet et par correspondance.
Dans ce projet de budget, il est pris acte des efforts considérables réalisés par le ministère ces dernières années et de l’impossibilité structurelle de réduire encore les dotations, sous peine de voir remises en cause à la fois notre capacité d’influence internationale et la réalité même des services publics dispensés aux Français de l’étranger.
Malgré une rationalisation du réseau consulaire qui impose des charges de travail extrêmement lourdes, je voudrais d’abord saluer l’amélioration globale de la qualité des services. Ainsi, le délai moyen de traitement des demandes de cartes d’identité a été réduit, en l’espace de deux ans seulement, passant de soixante-neuf jours à cinquante jours.
Autre réalisation importante au vu de l’évolution de l’environnement géopolitique et des catastrophes naturelles récentes, le taux d’actualisation des plans de sécurité des ambassades est passé de 47 % l’an dernier à 100 % aujourd’hui.
Afin de permettre la mise en œuvre d’améliorations ciblées, adaptées aux problématiques spécifiques des différents pays, il me semblerait utile d’encourager les consulats à mettre à la disposition des usagers des questionnaires de satisfaction, comme cela vient de se faire à Londres.
Je salue aussi, en matière de télé-administration, les progrès qui s’inscrivent dans une perspective non seulement de maîtrise des coûts, mais aussi d’amélioration de l’accessibilité des services administratifs. Cela est indispensable aux Français qui résident loin de tout consulat. La mise en ligne, la semaine dernière, de l’interface MonConsulat.fr constitue une nouvelle étape vers une ergonomie et une efficacité accrues.
L’électronique a cependant parfois ses limites. Le contact humain reste nécessaire pour les usagers peu à l’aise avec les interfaces Internet ; il reste indispensable pour un certain nombre de procédures, les consulats étant censés remplir la plupart des missions des mairies françaises.
Alors que la France ne compte plus que 233 consulats, le rôle des 496 consuls honoraires est plus stratégique que jamais. Mais, pour que ces bénévoles, français ou étrangers, puissent remplir plus efficacement leurs missions, il importe de leur en donner les moyens.
En 2009 avait été lancé le chantier de création d’un extranet mettant à la disposition des consuls honoraires des outils de travail et des supports d’information et de formation. Il constituera un appui puissant et peu onéreux. J’attire votre attention, monsieur le ministre d’État, sur la nécessité de mener à bien ce chantier dans les meilleurs délais.
De même, une journée annuelle d’accueil à Paris pour sensibiliser ces consuls honoraires à nos grands dossiers, comme cela se fait pour les ambassadeurs et dans d’autres pays, serait très appréciée.
La synergie entre les consuls et consuls honoraires et les élus de terrain, conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, sénateurs et, l’an prochain, députés, doit encore être renforcée.
En termes de ressources humaines, je note aussi que les suppressions d’effectifs ont, ces dernières années, surtout affecté les agents de droit local, contractuels, vacataires, volontaires internationaux et stagiaires.
La règle du non-remplacement d’un départ la retraite sur deux pour les fonctionnaires n’a pas toujours été appliquée de manière très rigoureuse.
Les fonctionnaires titulaires sont souvent d’une remarquable qualité, d’ailleurs reconnue par tous, mais il me semble que le recours à d’autres catégories de personnel permettrait, au-delà de l’intérêt budgétaire évident, d’enrichir le ministère de nouveaux talents, tout en offrant à des jeunes une expérience professionnelle et humaine particulièrement stimulante et formatrice.
Comme l’a souligné, il y a quelques semaines, le Conseil économique, social et environnemental, la mobilité internationale des jeunes doit être davantage accompagnée. Cela passe par un appui renforcé aux programmes de volontariat en entreprise et en administration ou aux volontariats de solidarité internationale, notamment en termes de soutien au moment du retour en France.
Favoriser les volontariats internationaux en entreprise serait aussi un moyen de faciliter l’accès à ces programmes à des jeunes moins diplômés, qui demeurent les grands absents de la mobilité internationale.
Le développement de la dimension internationale du service civique doit également être promu.
Quant aux jeunes qui grandissent à l’étranger, l’enjeu, pour eux, est bien sûr celui de la scolarité. Je suis heureuse de constater l’augmentation de l’enveloppe des bourses, qui passe de 84 millions à 93 millions d’euros. Mais, comme l’an dernier, je voudrais insister sur la nécessité d’adopter, au-delà de la polémique récurrente autour de la PEC – le prise en charge –, une approche plus globale, car près des trois quarts des enfants français à l’étranger n’ont pas accès au réseau piloté par l’AEFE.
Développer d’autres filières éducatives en français et « à la française » répondrait à la fois à la nécessité de garantir aux enfants français expatriés une continuité avec leur cursus français et aux exigences de notre diplomatie d’influence.
Les supports pédagogiques dématérialisés se développent et leurs synergies s’accroissent.
Le CNED, le Centre national d'enseignement à distance, permet à 15 000 élèves scolarisés à l’étranger de bénéficier d’un enseignement français à distance. Il a développé de nombreux partenariats.
Comme je l’ai souligné dans mon rapport sur l’audiovisuel extérieur, TV5 Monde diffuse des contenus francophones de très grande qualité pédagogique, par le réseau télévisuel et Internet. J’ai d’ailleurs insisté vendredi, à cette tribune, comme je l’avais fait auparavant en commission, pour que la tutelle de l’AEF vous revienne, monsieur le ministre d’État.
Il y a cependant encore beaucoup à faire en termes d’initiatives institutionnelles.
Plusieurs des pistes que j’avais évoquées l’an dernier ont toutefois donné lieu à de véritables avancées.
Par exemple, le programme FLAM – français langue maternelle – connaît un succès croissant. Cette année, soixante-deux associations dans vingt-cinq pays ont pu être aidées. Je me réjouis que le budget de 600 000 euros ait pu être maintenu, car son effet de levier est particulièrement fort. En effet, les subventions ne viennent qu’en appui de financements privés et elles ne peuvent être perçues au-delà de cinq ans.
Les actions de collaboration internationale, qu’il s’agisse du programme Jules Verne ou de l’appui aux filières bilingues, devraient aussi être encouragées, d’autant qu’elles ne pèsent qu’assez peu sur le budget de l’État, puisqu’elles mobilisent des financements privés ou étrangers.
Je note avec soulagement que l’enveloppe de 3, 14 millions d’euros consacrée à l’action internationale a pu être sanctuarisée dans le budget de l’éducation nationale.
Je me réjouis aussi de la création du Haut conseil de l’enseignement français à l’étranger et d’un comité de pilotage stratégique associant le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de l’éducation nationale, pour faciliter l’articulation entre leurs différentes composantes.
Enfin, la création du label « FrancEducation », qui vise à labelliser une centaine d’établissements étrangers d’excellence, est une grande avancée.
Le décret portant création de ce label n’ayant pas encore été publié, j’aimerais attirer votre attention, monsieur le ministre d'État, sur la nécessité d’allouer un budget spécifique à cette initiative, à travers une dotation particulière à l’AEFE.
L’État aura en effet tout intérêt à accompagner la montée en charge de ces dispositifs innovants, qui permettront de démultiplier le nombre d’étudiants, moyennant un investissement modeste pour le budget public.
Je conclurai par deux brèves remarques sur l’action sociale.
La dotation consacrée à celle-ci est maintenue à 19, 8 millions d’euros. Or, au regard de la croissance de la communauté française à l’étranger et des conséquences de la crise mondiale, il aurait été très opportun d’accroître cette enveloppe, ce qui aurait permis une réévaluation du taux de base pour faire face à l’augmentation du coût de la vie dans de nombreux pays.
Toujours au sujet de cette dotation, je souhaiterais connaître le bilan de la première année d’existence de la ligne budgétaire de 498 000 euros allouée aux hospitalisations d’urgence, une initiative extrêmement importante - des vies peuvent être sauvées - prise en réponse à un vœu de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je vous réitère, monsieur le ministre d'État, mes remerciements pour ce budget tout aussi responsable que sincère et j’appelle mes collègues, au-delà des positions partisanes et au regard du contexte financier, à faire acte de responsabilité personnelle en le votant.