Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le budget de la mission « Action extérieure de l’État », en particulier du programme 151, s’inscrit dans la rigueur imposée par le contexte économique international. En effet, les crédits sont stables par rapport à l’an dernier, la seule progression enregistrée étant due à la ligne budgétaire destinée à financer les élections de 2012 auxquelles participeront nos compatriotes expatriés.
On dénombre actuellement plus de 2 millions de Français à l’étranger. Peut-on sincèrement croire, comme se plaisent à le véhiculer certains médias, voire certains parlementaires, que ce sont tous des exilés fiscaux ou fortunés ? Non ! Et vos services, monsieur le ministre d’État, en particulier la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, le savent très bien, eux qui les connaissent et les côtoient au quotidien. Je souhaite d’ailleurs leur rendre hommage, car ils accomplissent un travail remarquable, gérant des situations difficiles, parfois dramatiques, avec des moyens budgétaires limités.
Aussi, monsieur le ministre d’État, lorsque je constate que les crédits pour 2012 de l’action sociale de votre ministère demeurent à leur niveau de 2011, qui était déjà celui de 2010, je ne peux m’empêcher de penser que cela constitue en fait une quasi-régression en euros constants. Dans ces conditions, comment répondre à la demande légitime des Français expatriés les plus démunis ?
S’agissant des allocations de solidarité ou allocations handicapé versées par nos consulats, j’exprime le souhait que, en ce qui concerne le logement, leurs conditions d’attributions, appliquées de façon rigoureuse, soient considérées avec plus de souplesse et de manière plus adaptée selon qu’il s’agisse d’un allocataire isolé ou d’un couple d’allocataires et selon les pays de résidence.
La ligne budgétaire consacrée à la Caisse des Français de l’étranger, dont le montant est de 498 000 euros, me préoccupe également, notamment le dispositif dit de la troisième catégorie aidée. Un bref rappel s’impose à ce propos : ce dispositif est issu de la loi de modernisation sociale de 2002. L’an dernier, une modification est intervenue qui implique que, désormais, le financement de la troisième catégorie aidée est assuré par un cofinancement de l’État et de la Caisse des Français de l’étranger, sans pour autant que la répartition en soit précisée ou que l’abondement de l’État soit pérennisé à une hauteur suffisante.
Aujourd'hui, de grandes incertitudes pèsent sur les Français assurés auprès de la Caisse des Français de l’étranger qui, en raison de leurs faibles ressources, bénéficient de la troisième catégorie aidée. En effet, les 498 000 euros inscrits dans ce projet de budget ne permettent pas de couvrir le coût de la prise en charge prévue par la loi, à savoir un tiers de la cotisation. Par conséquent, la Caisse des Français de l’étranger doit puiser dans ses réserves. Jusqu’à quand pourra-t-elle le faire ?
Si cette situation devait perdurer, on peut légitimement s’interroger sur l’avenir de ce dispositif, même si, bien entendu, tout sera mis en œuvre pour le préserver.
La Caisse des Français de l’étranger couvre actuellement plus de 200 000 personnes, dont environ 9 000 en troisième catégorie aidée. Elle présente, en outre, des comptes équilibrés. Je suis donc surpris des attaques diverses dont elle est l’objet, des interrogations sur son existence et sa nécessité qui figurent dans le rapport de la Cour des comptes remis en 2010, alors que les services rendus à nos compatriotes sont appréciés de tous. Peut-être serait-il d’ailleurs utile de mener une enquête à ce propos via nos consulats et aussi d’interroger les entreprises expatriatrices et le MEDEF, qui est à l’origine de la création de la Caisse.
Et tout cela s’ajoute au fait que l’État se désengage du financement de cette troisième catégorie aidée et transfère de fait l’exercice de la solidarité à la Caisse des Français de l’étranger, qui doit assurer seule son équilibre financier, de la même façon que l’État transfère une partie de l’aide aux expatriés les plus démunis aux sociétés françaises de bienfaisance.
Cela m’amène, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, à vous faire part de mes inquiétudes quant au sort que la France entend réserver à ses compatriotes expatriés, qui sont pourtant une richesse pour notre pays.
Dernièrement encore, j’ai malheureusement constaté que les Français de l’étranger étaient victimes d’une sorte de discrimination à l’envers dans nos textes législatifs. Auparavant, ils étaient souvent « oubliés ». Aujourd’hui, cela va plus loin : on les exclut !
Un exemple récent en témoigne.
Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, l’amendement que ma collègue Christiane Kammermann et moi-même avions déposé et qui tendait à de nouveau ouvrir l’adhésion à l’assurance volontaire vieillesse aux Français expatriés n’ayant pas ou ayant peu cotisé en France, a été écarté au titre de l'article 40 de la Constitution. Pourtant, le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, Xavier Bertrand, avec qui nous avions travaillé, avait donné son accord. Au surplus, je précise qu’il s’agit de cotisations volontaires, les assurés finançant eux-mêmes leur retraite.
Conclusion ? Depuis un arrêt de la Cour de cassation et le vote d’un amendement subséquent dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, les Français de l’étranger ne peuvent aujourd'hui adhérer à l’assurance volontaire vieillesse que s’ils ont cotisé au moins cinq ans en France à un régime obligatoire d’assurance maladie. De fait, cela en exclut un certain nombre, notamment ceux qui cotisent à la Caisse des Français de l’étranger, régime d’assurance volontaire.
Dois-je rappeler que cet arrêt de la Cour de cassation est issu d’une procédure engagée par un ressortissant sénégalais ayant résidé en France ?
Désormais, la condition de nationalité n’existant plus, les personnes de nationalité étrangère peuvent adhérer à l’assurance volontaire vieillesse, tandis que les Français de l’étranger n’ont plus cette possibilité lorsqu’ils ont toujours, ou beaucoup, vécu à l’étranger, y compris en cotisant à un régime français d’assurance volontaire. On me dit, monsieur le ministre d’État, que le fils de Dominique de Villepin est dans ce cas !
Or l’assurance volontaire vieillesse a été créée par la loi de 1965 à destination des Français de l’étranger, censés en constituer l’essentiel des bénéficiaires : la loi a donc été détournée de son objectif initial.
Au-delà du budget pour 2012, j’attends donc de vous, monsieur le ministre d’État, que vous apportiez aux deux millions de Français expatriés l’assurance que l’État continuera à leur garantir des droits identiques à ceux des Français de métropole en matière de protection sociale.
Ne doutant pas d’être entendu, je voterai vos crédits, monsieur le ministre d’État.