Intervention de Hélène Conway-Mouret

Réunion du 29 novembre 2011 à 14h30
Loi de finances pour 2012 — Action extérieure de l'état

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret :

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’exercice qu’impose l’examen du projet de loi de finances en général, et, aujourd’hui, celui de la mission « Action extérieure de l’État », doit être pour nous l’occasion de nous interroger sur la vocation de notre diplomatie, sur ce que nous souhaitons en faire et sur ses perspectives.

Une vision, une impulsion sont-elles proposées au travers des choix budgétaires qui nous sont soumis ?

Le Quai d’Orsay est entré depuis plusieurs années dans une ère comptable. Cela fait même une quinzaine d’années que des postes sont supprimés dans le réseau diplomatique.

Dans le même temps, le ministère des affaires étrangères et européennes est devenu plus consulaire qu’il ne l’a jamais été. La protection des Français à l’étranger, la gestion de l’immigration et des visas sont devenus des missions centrales. Or si importantes soient-elles, ces actions ne doivent pas, à elles seules, capter les moyens de notre diplomatie.

Nous devons donc dégager des moyens, en allégeant notamment les tâches des consulats relatives à l’assistance aux Français au sein de l’Union européenne. Une telle réforme serait possible en mettant en place une réelle mutualisation à l’échelon européen.

Il n’en demeure pas moins que les postes consulaires ne doivent pas devenir principalement de vastes mairies, ce qui se ferait au détriment de notre rayonnement culturel et vouerait à la disparition les missions diplomatiques des postes. Telle est malheureusement déjà la tendance constatée.

Si, dans ce budget, les programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » ont été relativement préservés, c’est le domaine culturel qui a été la variable d’ajustement. Depuis dix ans, un tiers de nos centres culturels ont fermé en Europe ; depuis cinq ans, le nombre de bourses accordées aux étudiants étrangers a baissé de 30 % ; depuis trois ans, les subventions accordées aux services de coopération et d’action culturelle des ambassades et aux centres ou instituts culturels ont diminué de 20 % à 30 %.

Par exemple, au sein du poste de Dublin, que je connais bien, le service culturel est passé de 9 à 5 postes, dont 3 stagiaires, en cinq ans.

La direction de la politique culturelle et du français du ministère des affaires étrangères et européennes a élaboré un document de stratégie, concernant ses domaines de compétence que sont la culture, la langue et l’audiovisuel. Ce document, soumis actuellement à analyse, affiche une ambition que nous ne pouvons que saluer.

Afficher une ambition est, certes, louable, mais, sans moyens, notre diplomatie culturelle et d’influence demeurera un vœu pieux.

N’oublions pas que le rayonnement de la France dans le monde doit tout à ce qui fut la particularité de notre présence tant intellectuelle que culturelle ou linguistique, mais aussi aux moyens qui lui étaient accordés.

Si nous ne permettons pas aux postes d’accomplir leur mission de contact, d’influence, de coopération et d’analyse, si nous ne les dégageons pas, un tant soit peu, des logiques essentiellement comptables dans lesquelles ils sont enfermés, nous ne pourrons pas nous inscrire dans ce que d’aucuns ont nommé « la bataille du soft power ».

Pourtant, comme n’a pas manqué de nous le rappeler le président exécutif de l’Institut français, Xavier Darcos, auditionné par les commissions de la culture et des affaires étrangères du Sénat, là est notre force : « C’est une tradition française d’utiliser sa culture et son patrimoine comme moyen de valoriser sa présence dans des pays où elle voudrait par ailleurs avoir une action commerciale et économique. »

Cette force, nous sommes en train de la perdre. Non seulement nous nous privons de moyens humains, mais nous privons aussi notre diplomatie de son outil de travail en vendant, ainsi que nous l’ont précisé nos rapporteurs pour avis sur le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », une partie du parc immobilier du ministère pour des ressources de court terme et des économies de courte vue.

Dans le même temps, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, qui gère avec efficacité un domaine d’influence essentiel, à savoir le réseau scolaire à l’étranger, ne peut plus emprunter à long terme pour faire face aux lourdes charges lui incombant en matière immobilière.

Pourtant, à l’Assemblée nationale, vous avez fait adopter, monsieur le ministre d’État, un amendement visant à minorer de 3 millions d’euros les subventions pour charges de service public qui étaient destinées à l’AEFE, ce qui ne manquera pas, là encore, d’avoir des incidences.

En conclusion, j’aimerais vous poser trois questions.

Premièrement, les réductions de personnel au sein du ministère des affaires étrangères et européennes opérées depuis dix ans ayant affecté les moyens humains et les capacités de nos postes, que comptez-vous faire désormais pour les préserver ?

Deuxièmement, quelle présence souhaitez-vous aujourd’hui pour la France dans le monde ?

Troisièmement, ne pensez-vous pas qu’il faille, enfin, nous donner les moyens financiers pour conserver le rôle que nous entendons jouer sur la scène internationale, au lieu de continuer à donner des coups de rabot à chaque budget, comme le fait le Gouvernement ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion