Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE dans sa majorité votera cet excellent budget.
Je reviens ce soir d'une réunion organisée par la Commission européenne à Stuttgart et à Karlsruhe. J'ai y notamment entendu la société SAP, numéro un mondial des progiciels, exposer comment elle s'est lancée dans le corporate venture, le capital-risque d'entreprise. Peu de sociétés européennes s'engagent dans de telles aventures !
J'ai également écouté la présentation de la société DaimlerChrysler. Elle consacre chaque année 6, 5 milliards d'euros à la recherche, soit un pourcentage dont peu d'entreprises peuvent s'enorgueillir...
On a beaucoup parlé du processus de Lisbonne : invocation plutôt qu'action ! Les innovations de votre budget, dont je me suis fait l'écho, ont été fort bien perçues. En particulier, la recherche de structures souples, publiques et privées, en expérimentation cette année, permettant de libérer les chercheurs du carcan administratif - je veux parler des fondations de recherche - a été très bien accueillie.
C'est très important, parce que l'innovation est tout de même le fruit du travail d'hommes et de femmes dont la formation et le talent leur permettent d'être audacieux et entreprenants ; il faut donc libérer leur énergie.
Libérer l'énergie des chercheurs et des innovateurs, telle devrait être l'une des conclusions majeures des nombreux travaux et débats qui ont été évoqués notamment par M. Renar. Car ces discussions ne se sont pas uniquement traduites par de nouvelles revendications ; elles ont également permis des propositions, des suggestions de modification de structure, qui tiennent un rôle primordial dans cette réflexion générale sur la recherche.
Mais l'innovation, c'est aussi de l'argent, et de l'argent supplémentaire, car si nous n'en avons pas au-delà de ce que les pays européens dans leur ensemble peuvent consacrer, nous n'aurons certainement pas la possibilité de rattraper le retard que nous avons pris par rapport à d'autres, qui vont tout simplement plus vite que nous. Car ce n'est pas parce que nous accélérons que certains n'accélèrent pas encore plus !
Pour ma part, je pense que le pari de Lisbonne n'est pas gagné. Par conséquent il faut trouver un autre financement. Puisque nous ne pouvons pas le trouver uniquement à l'échelon national, il faut le trouver à l'échelon européen. Or, jusqu'à présent, l'Europe ne fait que redistribuer l'argent que les Etats lui donnent.
Mais, après tout, il ne faudrait pas oublier la Banque européenne d'investissement. A cet égard, vous connaissez notre projet d'un emprunt destiné à développer l'économie par l'innovation, monsieur le ministre, car il commence à rallier nombre de personnes. Nous en avons parlé à différentes occasions, à l'OCDE, dans les réunions d'Eurêka, à Varsovie à l'occasion d'un colloque sur l'énergie ; nous en avons également parlé à Malmö, à l'occasion d'un colloque consacré aux télécommunications et à la recherche militaire. Chaque fois, nous avons constaté que les représentants des milieux industriels et scientifiques, voire, dans certains cas, les ministres, trouvaient que le recours à l'emprunt auprès de cet établissement constituait une solution du type de l'oeuf de Christophe Colomb !
Il reste à préciser les modalités de remboursement de cet emprunt, et l'effet qu'aura l'opération en termes d'augmentation du produit intérieur brut. Un grand nombre d'études, dont l'une réalisée par Bercy, concluent que l'emprunt est possible dans la mesure où le produit intérieur brut généré pendant les dix ans qui viennent dépasse quatre à cinq fois ce qui est investi. Or certaines études, notamment celles qui sont réalisées par la filière électronique, démontrent que le produit intérieur brut généré par les innovations peut monter jusqu'à vingt fois dans des secteurs comme ceux de la télévision haute définition ou les recherches de logiciels.
Enfin, en ce qui concerne la délicate question de l'appui aux petites et moyennes entreprises, la seule solution consiste à monter un système sur le modèle du small business administration et, surtout, du programme SBIR, ou small business innovation research, ce qui n'est pas possible dans un seul Etat. Le ministère de l'industrie a bien tenté d'encourager cette formule, mais sans la rendre obligatoire, et les différents industriels ont clairement fait savoir leurs réticences à l'égard des PME, ce que l'on peut comprendre. En outre, au titre de la commande publique, on pourrait contrarier les règles de la concurrence, et Bruxelles ne le permettrait pas.
Voilà pourquoi l'idée d'un tel système a été tellement bien accueillie, au point que nous avons créé un groupe international, ELITE, ou élargissement de l'innovation et des talents en Europe. Ce groupe, qui comporte déjà une cinquantaine de membres répartis dans différents pays européens, va essayer de vous aider, monsieur le ministre, et d'aider les décideurs pour que l'innovation en Europe devienne beaucoup plus florissante.
En effet, si le mouvement des chercheurs a rendu la recherche et l'innovation plus crédibles, je crains que, notamment pour les expérimentations, le financement de la recherche au moyen de structures beaucoup plus souples, en particulier par des fondations, ne soit pas toujours très bien accueilli de la plupart des ministères, et notamment de celui auquel nous ne pouvons pas manquer de faire référence dans ces discussions budgétaires.
Monsieur le ministre, il est nécessaire de poursuivre le combat que vous avez engagé. Sachez que le Sénat dans son ensemble sera derrière vous.