En effet, comme vous l'avez dit, monsieur Blin, la rénovation de notre système de recherche n'est pas seulement affaire de crédits.
J'ai soumis au Premier ministre toute une série de propositions visant à simplifier la vie quotidienne dans les laboratoires et qui, je l'espère, seront mises en oeuvre d'ici à la fin de l'année. Certaines ont déjà fait l'objet d'un arbitrage positif.
Dès 2005, nous supprimerons ainsi le contrôle financier a priori dans trois EPST, avec l'objectif d'un élargissement à tous les autres organismes en 2006. Cela signifie concrètement qu'aucun acte de gestion ne fera désormais l'objet d'un contrôle a priori, dont tout le monde reconnaît qu'il alourdit les procédures et retarde l'exécution des dépenses des laboratoires, sans compter le temps qu'il fait perdre aux gestionnaires de l'argent des laboratoires.
Ainsi, pour ne citer que cet exemple emblématique, les laboratoires n'auront plus besoin de requérir le visa du contrôleur financier pour recruter du personnel non permanent, ce qui permettra d'être plus réactif et de limiter les contrôles administratifs inutiles.
L'autre orientation forte que nous avons voulu donner à ce projet de budget est la croissance du potentiel scientifique de nos établissements de recherche et universitaires. Ainsi, tous les emplois statutaires dans les EPST sont maintenus : chaque départ donnera lieu à un recrutement, qu'il s'agisse d'un départ à la retraite ou d'un autre type de départ. En effet, dans les EPST, une certaine mobilité est possible et il arrive que des chercheurs quittent les EPST pour aller travailler dans d'autres organismes ou administrations, ou pour occuper des fonctions extérieures à l'administration.
Dans le contexte actuel d'augmentation des départs à la retraite, cette mesure est un signal fort pour les jeunes qui souhaitent s'engager dans la carrière de chercheur. Elle se traduit par un accroissement à moyen terme du volume des recrutements, et donc des débouchés dans la recherche publique pour les étudiants.
Le nombre global des départs de chercheurs et d'ITA - ingénieurs, techniciens et administratifs - qui auront lieu dans les prochaines années est en effet estimé à 2000 par an, en moyenne, ce qui permettra d'intensifier significativement le niveau des campagnes de recrutement. Nous sommes au sommet de la courbe démographique des départs et nous nous engageons à les remplacer tous !
Notre engagement de maintenir les postes budgétaires est donc bien plus favorable que le plan de M. Schwartzenberg sur l'emploi scientifique, qui, je vous le rappelle, prévoyait la suppression d'emplois à partir de 2005 !
Le projet de budget pour 2005 prévoit en outre des mesures significatives pour renforcer les moyens humains dans l'enseignement supérieur.
Ainsi, 1 000 emplois budgétaires sont ouverts. Tout d'abord, 700 postes de professeurs et maîtres de conférences et 150 postes de personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et services, IATOS, ont été annoncés dans le courant de 2004. Ensuite, les crédits pour 150 attachés temporaires d'enseignement et de recherche, ATER, figurent dans le projet de budget. On arrive bien aux 1 000 postes annoncés pour 2004 et qui sont consolidés dans le projet de budget pour 2005. Par ailleurs, 150 maîtres de conférence supplémentaires seront recrutés au 1er septembre 2005.
Pour accompagner ces recrutements, la recherche universitaire bénéficie d'une augmentation substantielle de ses moyens de fonctionnement, à hauteur de 23 millions d'euros.
Le projet de budget pour 2005 prévoit en outre la création de 200 postes d'accueil de haut niveau. L'accroissement des capacités d'accueil des EPST est, depuis longtemps, une attente forte à la fois des établissements, mais aussi des enseignants-chercheurs, dont beaucoup souhaitent, à titre temporaire, se consacrer entièrement à des activités de recherche.
Le choix politique a été fait de garantir à ces postes d'accueil un très bon niveau de rémunération, environ 60 000 euros bruts par an. Cela permettra aux établissements de renforcer leur attractivité vis-à-vis des meilleurs chercheurs étrangers et de proposer à des chercheurs français expatriés de revenir travailler en France avec un niveau de salaire équivalent à celui d'un directeur de recherche.
J'ai souhaité, dans ce budget, que le soutien aux jeunes chercheurs soit renforcé à tous les stades de leurs parcours.
Ils seront aidés, avant leur entrée dans nos établissements, par l'augmentation de 7 % des moyens consacrés à la formation à la recherche. Cela permettra d'accueillir 4 000 nouveaux allocataires de recherche en 2005. L'allocation de recherche, qui a été revalorisée de 15 % en deux ans, s'élève aujourd'hui à 1 308 euros par mois, soit un niveau légèrement supérieur au SMIC, lequel s'établit à 1 197 euros.
Je souhaite qu'elle puisse être à nouveau revalorisée. Je proposerai surtout, dans la future loi, qu'elle soit indexée sur l'inflation, ce qui garantira un maintien du pouvoir d'achat des allocataires de recherche, comme vous le proposez, monsieur le rapporteur pour avis.
Le budget crée, par ailleurs, quarante nouveaux contrats CIFRE, ce qui portera leur nombre à 1 200.
Renforcer le soutien aux jeunes chercheurs à tous les stades de leur parcours passe aussi par la poursuite du programme « Initiative post-docs », qui incite les post-doctorants français à revenir en France, ainsi que par l'amplification de la politique de résorption des libéralités, à laquelle 2 millions d'euros supplémentaires seront consacrés en 2005.
Après leur entrée dans nos établissements.
Nous allons, en outre, faire passer de 100 à 200 le nombre de jeunes chercheurs bénéficiant des dotations globales, ce qu'on appelle les packages, mis en place par les organismes pour ces jeunes chercheurs : ATIP au CNRS, Avenir à l'Inserm, jeunes équipes à l'INRA, etc.
Ces jeunes bénéficient, sur plusieurs années, d'un montant de crédits leur permettant de mener à bien leur projet de recherche. Davantage de souplesse leur sera donnée dans l'utilisation des crédits : ils auront, par exemple, la faculté de recruter des post-doctorants.
La deuxième grande priorité du projet de budget pour 2005 est l'accroissement du financement de projets de recherche, avec la création de l'Agence nationale pour la recherche.
Je m'attarderai quelque peu sur cette agence parce que je sais qu'elle suscite chez vous, comme dans la communauté scientifique, quelques interrogations.
Je dois d'emblée vous indiquer que son financement par le compte d'affectation spéciale des privatisations est un financement d'une grande sécurité, peut-être encore plus sûr à moyen terme que le financement budgétaire classique. En effet, ce compte est bien doté et il n'y a pas de raison qu'il le soit moins à l'avenir. Dans ce cadre, comme vous le souhaitez monsieur Laffitte, nous pouvons espérer une hausse des financements à moyen terme de l'agence.
Cette agence, qui fonctionnera tout d'abord sous la forme d'un groupement d'intérêt public, sera dotée en 2005 de 350 millions d'euros, auxquels s'ajoutera le reliquat du compte d'affectation spéciale des fondations de recherche.
En tenant compte des 200 millions d'euros figurant au BRCD sur les lignes du fonds pour la recherche technologique et du fonds national de la science, cela signifie que le financement sur projets de la recherche s'élèvera à environ 600 millions d'euros en 2005.
Si nous avons annoncé la création de l'agence sous forme d'un groupement d'intérêt public, c'est bien pour que les crédits soient effectivement disponibles dès le 1er janvier 2005 et qu'elle puisse entrer en action dès cette date. Il n'y a donc pas de raison d'être pessimiste ou de dramatiser en expliquant qu'on ne pourra pas débloquer ou consommer les crédits de l'Agence. Disponibles le 1er janvier prochain, ils pourront financer des projets en 2005, sans compter les procédures existantes, actuellement financées, par exemple, au travers du fonds pour la recherche technologique, tel le concours pour la création d'entreprises innovantes, lancé aujourd'hui même.
La mission de l'agence sera de financer, après sélection, les meilleurs projets de recherche dans les thématiques prioritaires. En 2005, trois de ces thématiques seront définies.
Suffisamment vastes pour intéresser un très grand nombre de laboratoires, quasiment tous les EPST, voire l'ensemble des EPIC, ces thématiques sont : les sciences de la vie, notamment les biotechnologies, que je juge comme vous tout à fait prioritaires ; les sciences et technologies de l'information et de la communication ; l'énergie et le développement durable.
A l'intérieur de ces priorités pourront naturellement prendre place les thématiques qui nous paraissent essentielles. Je l'ai dit tout à l'heure pour les biotechnologies, je le dis également pour les nanotechnologies.
M. Saunier a fait allusion tout à l'heure à ces dernières, et il est vrai que c'est un domaine considérable, que la plupart des grands pays de recherche ont placé en tête de leurs priorités. La France a fait de même. Sommes-nous en retard sur les autres ? Peut-être légèrement, mais heureusement pas dans les proportions que vous avez dites, monsieur le sénateur.
Actuellement, 50 millions d'euros en crédits incitatifs sont consacrés chaque année aux nanotechnologies, notamment au travers du financement de plates-formes de nanotechnologies. Ce sont, je le répète, des crédits incitatifs, qui n'incluent pas les dépenses de personnel correspondantes. En incluant ces dépenses, on aboutit à des sommes de l'ordre de 300 millions d'euros, voire davantage.
Nous sommes dans la norme des pays européens, et assez près de l'Allemagne. Certes, on peut faire encore mieux, sans doute en étant plus précis sur les thématiques qui sont retenues et, surtout, en incitant des entreprises, notamment des PMI, à inclure des nanotechnologies dans les procédés qu'elles utilisent et dans les produits nouveaux qu'elles mettent sur le marché.
C'est sans doute là le principal problème : celui du transfert des résultats de la recherche en matière de nanotechnologies dans des entreprises qui peuvent être intéressées par un approfondissement, soit qu'elles travaillent déjà avec des microtechnologies, soit qu'elles fassent de l'innovation avec des produits utilisant les nanotechnologies, soit qu'elles soient déjà spécialisées en nanotechnologies.
Le mode de financement par projets de l'Agence nationale pour la recherche permettra, dans le cadre de la future loi d'orientation et de programmation, de faire évoluer les établissements de recherche eux-mêmes, en permettant d'assurer une cohérence programmatique nationale dans des domaines prioritaires couverts par différents établissements. Nous éviterons ainsi les redondances, et toutes les équipes travaillant sur un même sujet seront amenées à se fédérer plus encore.
Le mode de fonctionnement de cette agence sera double. D'abord, elle pourra financer elle-même des projets de recherche. Elle le fera, par exemple, en lançant en 2005 les actions nouvelles anciennement assurées par le fonds pour la recherche technologique et le fonds national de la science. Elle pourra aussi consentir des dotations en capital à des fondations de recherche reconnues d'utilité publique.
Ensuite, l'agence pourra déléguer l'exécution de programmes de recherche à certains de nos établissements de recherche. En cela, l'agence sera un vecteur de réforme, en renforçant tout à la fois nos établissements de recherche, mais aussi en les faisant évoluer davantage vers une culture de la performance.
Dans les deux cas, les projets seront sélectionnés sur des critères d'excellence scientifique et technique, selon des modalités claires, éprouvées et conformes aux meilleurs usages, faisant appel à des procédures transparentes et à des comités d'experts internationaux.
Opérationnelle dès janvier 2005, l'agence sera une structure légère, bien ancrée sur nos organismes et nos universités, qui financera, après sélection, les meilleurs projets de recherche sur les thématiques prioritaires.
S'agissant du contrôle parlementaire de l'utilisation des crédits de l'agence, je tiens à vous rassurer, monsieur Revol, il sera aussi étendu que pour tous les crédits budgétaires.
En effet, ils figurent au sein de la mission « Participations financières de l'Etat », qui fera l'objet chaque année d'un projet annuel de performance et d'un rapport annuel de performance, avec des objectifs, des indicateurs et des résultats.
Par ailleurs, dès l'an prochain, je m'assurerai de l'inclusion, dans les projets annuels de performance, des programmes gérés par mon ministère, des éléments d'information sur l'agence et son action, de façon à compléter de la façon la plus exhaustive possible l'information du Parlement en la matière.