Intervention de François d'Aubert

Réunion du 6 décembre 2004 à 22h00
Loi de finances pour 2005 — Iii. - recherche

François d'Aubert, ministre délégué :

La troisième priorité du budget 2005 est le renforcement des mesures en faveur du couple recherche et innovation.

Comme je vous l'ai dit, le lien entre les dépenses de recherche et la croissance est reconnu par tous. Dans cet esprit, le budget 2005 accroît de 300 millions d'euros l'effort fiscal en faveur de l'innovation.

J'entends ici ou là des critiques sur cette partie de notre budget, aux termes desquelles il ne serait pas du rôle de l'Etat de tout mettre en oeuvre pour aider les entreprises à faire de la recherche. Cet argument m'étonne quelque peu.

Je crois qu'il faut, une fois pour toutes, se mettre d'accord sur le fait qu'il ne sert à rien d'opposer les différents types de recherche, notamment la recherche publique et la recherche privée. Nous devons nous employer à tirer le bénéfice de tous les investissements de recherche, qu'ils soient faits par le public ou par le privé.

Or, que fait apparaître la comparaison entre la France et ses grands voisins? La France se caractérise par la proportion très importante des financements en provenance des administrations publiques : près de 40 % de la DIRD, contre 32 % pour l'Allemagne, cette dernière se distinguant, comme le Japon, par l'importance des dépenses de recherche et développement des entreprises.

En 2001, selon les chiffres de l'Observatoire des sciences et des techniques, les entreprises allemandes ont dépensé - le chiffre est surprenant - plus de 33 milliards d'euros en recherche et développement, soit la totalité des dépenses consacrées à ce domaine en France.

Les entreprises allemandes exécutent en moyenne le double de dépenses de recherche et développement des entreprises françaises. Le nombre d'entreprises concernées par la recherche et développement est plus important en Allemagne qu'en France. L'intensité de la recherche et développement dans chaque entreprise concernée est également plus forte que chez nous.

Il y a donc un gros travail à faire à la fois pour rattraper le retard et pour tenir le bon rythme en matière de recherche publique.

Si l'on veut satisfaire à l'objectif de Lisbonne, les dépenses de recherche et développement consenties par les entreprises doivent doubler. Cela sera difficile. Il n'y a pas de chemin tracé d'avance. Le discours selon lequel l'Etat, y ayant consacré presque 1 %, aurait fait son devoir, laissant aux entreprises le soin de faire le leur, ne serait pas non plus tout à fait réaliste !

La recherche effectuée dans les entreprises est, en effet, bénéfique pour l'ensemble de la société, tout autant que pour les entreprises elles-mêmes.

En outre, il est optimal pour la société que l'Etat finance une partie de l'effort de recherche et développement du secteur privé dès lors que l'entreprise n'y trouve pas un intérêt suffisant.

Quand on affirme que la connaissance est un bien public, même partiel ou imparfait, comme l'a écrit Jean-Louis Beffa, mais comme le dit aussi le Comité d'initiative et de proposition, c'est aussi de cela qu'il s'agit.

Ainsi, premier volet de ce soutien à l'innovation, le crédit d'impôt recherche est en progression de 235 millions d'euros.

Je souhaite poursuivre le travail d'amélioration entrepris sur le crédit d'impôt recherche, de façon à dynamiser l'effort de recherche des entreprises, y compris dans les secteurs qui y consacrent un effort insuffisant, notamment dans le secteur des services, mais aussi des secteurs riches, comme le secteur pétrolier, où sont pratiquées deux manières de faire de la recherche : la recherche d'exploration pétrolière, qui fait partie du coeur de métier, et la recherche sur d'autres énergies, domaine dans lequel la grande entreprise française de ce secteur montre de sérieuses faiblesses.

Et n'oublions pas le secteur des télécommunications. France Télécom est en train de remonter la pente en matière de recherche ; je rappelle que ses dépenses de recherche et développement étaient tombées en quelques années de 4, 5 % à environ 1 % du chiffre d'affaires.

Mais que dire de l'effort à peu prés nul que consentent les autres opérateurs de télécommunications ? Chacun le sait, les innovations qu'ils lancent périodiquement sur le marché, ils les doivent bien souvent à de la recherche achetée « sur étagère » au Japon ou dans quelque autre pays !

Nous souhaitons donc que les entreprises de télécommunications puissent faire davantage pour la recherche.

L'Autorité de régulation des télécommunications est, bien sûr, indépendante, et nous ne pouvons lui donner des instructions, mais nous pouvons éventuellement lui faire des suggestions : lorsque des sociétés de télécommunications ou des opérateurs de téléphonie mobile se voient accorder des avantages ou réalisent des gains, le régulateur leur demanderait, à titre de compensation en quelque sorte, un effort en faveur de la recherche.

Quoi qu'il en soit, le crédit d'impôt recherche est un dispositif essentiel. Nos voisins européens, à l'exception de l'Allemagne, se sont d'ailleurs tous dotés d'un instrument comparable. Sans ce dispositif, nous ne serions tout simplement plus compétitifs ! Il contribue, à l'évidence, à l'attractivité de notre territoire. C'est pourquoi il me paraît assez maladroit de le dénigrer, comme on le fait dans certaines enceintes - il ne s'agit pas du Sénat ! -, en le jugeant, par exemple, insuffisamment performant ou insuffisamment sélectif.

En réalité, la France est partie prenante d'une compétition internationale en matière de dispositifs d'incitation à l'innovation. Or la barre ne cesse de monter : chaque année, chaque trimestre même, on voit apparaître de nouveaux systèmes d'incitation, souvent sous la forme de mesures fiscales, parfois sous celle de soutiens financiers directs, que ce soit dans les pays européens, à Singapour, à Taïwan, en Corée du Sud ou ailleurs.

Il faut donc en permanence se mettre à niveau, et il serait à mon sens particulièrement absurde de prétendre le faire en réduisant le crédit d'impôt recherche. Il convient au contraire de trouver les moyens d'en élargir l'assiette et peut-être aussi, en raison de la spécificité de la situation française, de faire en sorte que les dépenses de recherche des entreprises qui sont réalisées dans les laboratoires publics puissent être mieux comptabilisées. Certaines d'entre elles sont déjà comptées double, mais je pense qu'on peut aller plus loin dans cette voie.

En tout état de cause, nous travaillons en coopération avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur des modifications à apporter au crédit impôt recherche afin de renforcer son effet de levier au profit de la recherche, pour les grands groupes mais aussi et surtout pour les PME, qui, je n'en doute pas non plus, monsieur Revol, ont un rôle important à tenir. Je souhaite en outre que l'effet de levier joue davantage pour les travaux de recherche financés par les entreprises et effectués au sein des organismes de recherche publics, des universités ou des centres techniques exerçant une mission d'intérêt général.

A cet égard, le renforcement des coopérations entre recherche publique et recherche privée sera bénéfique pour tous et favorisera la croissance. Dans cette optique, le programme des fondations de recherche lancé en mai dernier témoigne bien de tout ce que peut apporter cette vision partenariale de la recherche, ...

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