Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure avancée de la nuit, vous permettrez à un élu qui pratique depuis plus de quarante ans les collectivités locales de livrer son impression sur ce dossier.
Comme l’a brièvement et intelligemment rappelé M. le ministre chargé des collectivités territoriales, dont je tiens à saluer l’investissement personnel sur ce dossier, « le conseiller territorial est une réponse adaptée aux nombreux défis qui se posent à nos territoires ».
L’institution de ce nouvel élu, dans la réforme de décembre 2010, fait partie d’un tout, qui marque une étape importante pour notre paysage institutionnel.
Il s’est agi alors, pour nous, de nous interroger sur la gouvernance de notre pays dans le triple rapport des communes aux communautés de communes, des régions aux départements et des collectivités locales à l’État.
Il peut être utile de rappeler d’abord que les rapports entre les collectivités continuent de s’exercer, en France, dans le respect d’une autonomie totale qui se caractérise par l’absence de tutelle d’une quelconque collectivité sur une autre, ce dont aucun pays voisin ne peut se targuer.
Quant au rapport de ces collectivités avec l’État, il s’effectue toujours en conciliant une centralisation aiguë du champ réglementaire et une décentralisation approfondie des moyens financiers.
Comme l’a souligné l’un de nos collègues députés lors des débats à l’Assemblée nationale, il s’agit là d’une étape importante dans le rapport communes-communauté.
J’en veux pour preuve l’achèvement de la carte intercommunale, prévue désormais pour 2013 – rappelons qu’aujourd’hui 89 % des communes et 93 % de la population sont en intercommunalité –, mais aussi l’élection directe des délégués intercommunaux, grâce au scrutin fléché, ainsi que la création de métropoles, d’ailleurs vigoureusement défendues ici même par notre éminent collègue socialiste Gérard Collomb.
Il s’agit aussi, et surtout, en ce qui nous concerne ce soir, d’une étape importante dans les relations région-départements, avec la création de conseillers territoriaux siégeant alternativement dans les deux assemblées. Ces derniers créeront ainsi une vraie cohérence entre celles-ci – d’aucuns ont souligné les incohérences qui existent actuellement – et supprimeront de très onéreuses concurrences telles que la gestion des collèges et des lycées, du tourisme ou du développement économique, par exemple.
En effet, tel est bien le sujet central de ce débat, que vous tentez d’esquiver en proposant, assez basiquement je dois l’avouer, la suppression de ce nouvel élu.
Vous nous avez assez rarement habitués à autant de conservatisme, mes chers collègues socialistes. Vous souhaitez, par un statu quo rétrograde, le retour à une situation institutionnelle dont tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui, et depuis plus de dix ans maintenant, qu’elle ne favorise plus aucune synergie, qu’elle est un frein réel à la démocratie locale et, surtout – et c’est plus grave en ces périodes de pénurie –, qu’elle conduit à un gaspillage important d’argent public.
Notre pays, qui a la plus faible densité moyenne d’habitants en Europe, se doit de défendre nos territoires et, avec eux, la démocratie de proximité, si chère à nos concitoyens. C’est notre conception bien française de la démocratie et de la République, et nous y tenons particulièrement.
Et pourtant, vous avez milité, avant nous et depuis longtemps à nos côtés, pour la décentralisation. Je commence vraiment à douter de la confiance que vous portez aujourd’hui aux institutions décentralisées, que vous voulez ce soir sanctuariser dans leur costume d’autrefois.
La décentralisation est pourtant une belle évolution, un bien commun de notre République. Elle fait partie d’un héritage que chacun peut assumer et revendiquer, comme nous l’a rappelé utilement Jean-Patrick Courtois. Elle n’est ni de droite ni de gauche. Elle mérite par conséquent mieux que des postures tacticiennes et politiciennes de campagne électorale.
Nous ne sommes pas ici en campagne électorale, nous sommes réunis ce soir pour améliorer le fonctionnement de nos institutions en l’adaptant au XXIe siècle.
Pour notre part, nous avons fait le choix, voilà maintenant un an, de renouveler notre confiance aux élus locaux et de créer un nouvel élu, le conseiller territorial, sur un territoire agrandi, avec des compétences enrichies et une accessibilité conservée.
Ce soir, nous risquons de retarder dangereusement une réforme qui s’imposera demain. Que de temps perdu pour l’amélioration de la démocratie locale, que vous prétendez pourtant défendre, mes chers collègues !