Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un peu plus d'un an, le Sénat examinait, en première lecture, un projet de loi qui avait pour objectif d'achever la transposition de deux directives européennes datant respectivement de 1997 et 2002.
Or, à l'occasion du débat au sein de notre assemblée, la majorité sénatoriale et le Gouvernement ont présenté des amendements portant sur la présence postale territoriale et sur la création d'un établissement de crédit postal. En conférant un nouveau cadre aux activités de La Poste, ces amendements ont donné au projet de loi initial une tout autre dimension.
En première lecture, les sénateurs socialistes se sont opposés à l'adoption d'un texte trop marqué, à leurs yeux, par le souci premier de favoriser l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché postal et la mise en oeuvre de mécanismes qui peuvent conduire sur des voies dangereuses : un recul dans l'exercice des missions de service public, le déménagement du territoire, le démantèlement de La Poste.
Il a fallu le long délai d'une année - cela suscite d'ailleurs de nombreuses interrogations - pour que le projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, en janvier dernier. Au silence législatif d'une année a correspondu une série d'événements qui ne manquent pas de peser sur nos débats.
Objectivement, la présence postale s'est dégradée dans les territoires les plus fragiles. Les horaires d'ouverture au public ont été réduits, et la qualité de service a baissé : 597 points de contact ont été transformés entre février et juin 2004 ; de 11 155 bureaux de poste de plein exercice en 2002, nous sommes passés à 9 774 en 2005, soit 1 300 de moins en trois ans.
La volonté affichée de réorganiser le réseau, l'absence d'une concertation réelle, des déclarations répétées sur les vertus des nouveaux points de contact, dans lesquels pourtant le service rendu est un service au rabais, un rapport produit par des experts de votre ministère, des informations divulguées dans la presse sur l'organisation future envisagée pour le réseau, tout cela a abouti à une mobilisation des élus de toutes sensibilités et de la population.
Sur l'ensemble du territoire, ces derniers mois auront vu se lever l'expression bruyante d'un réel attachement à La Poste et à ses missions de service public.
Cette expression a connu trois temps forts : la campagne des élections sénatoriales de l'an passé, le congrès de l'Association des maires de France de novembre, et le cri de la Creuse, dont l'écho s'est largement propagé dans tout l'Hexagone. Un travail de déminage a été entrepris, tant à La Poste, avec la proposition d'une charte du dialogue territorial, qu'au Gouvernement avec la proposition de création d'une conférence sur les services publics en milieu rural.
Le projet de création d'un établissement de crédit postal continue à faire l'objet d'une vive opposition de la part du monde bancaire, au point de susciter déclarations publiques répétées et démarches de déstabilisation.
Pendant ce temps, les « vérités » auxquelles l'établissement public La Poste est confronté sont plus que jamais présentes. Je veux en relever trois.
Tout d'abord, en application de la directive de juin 2002, l'ouverture à la concurrence des services postaux se poursuit. Après l'étape du 1er janvier 2003, s'annonce celle, désormais toute proche, du 1er janvier 2006. A cette date, et jusqu'au 31 décembre 2008, le niveau de monopole pour le courrier passe à cinquante grammes et deux fois et demie le tarif de base.
C'est également en 2006 que la Commission doit remettre au Parlement et au Conseil européen un rapport faisant l'évaluation des incidences que pourrait avoir « l'achèvement » du marché intérieur des services postaux à l'horizon de 2009. C'est sur la base de cette étude que la Commission sera amenée à présenter de nouvelles propositions : nouvelle étape ou bien ouverture totale du marché ?
L'année 2006 est, à plusieurs titres, une année décisive pour La Poste et l'importance de cette échéance est insuffisamment perçue dans notre pays.