Le poids de ces charges - en ce qui concerne l'aménagement du territoire, les chiffres divergent, mais La Poste elle-même avance souvent celui de 500 millions d'euros, tandis que le transport de la presse représente entre 450 millions et 500 millions d'euros et la fonction sociale des services financiers, 55 millions d'euros, soit, au total, plus d'un milliard d'euros par an - conduit à affirmer que La Poste traîne aux pieds un véritable boulet, source de handicap majeur pour réussir l'adaptation qui lui est demandée.
Face ce contexte et à ces vérités, il est intéressant d'observer ce qui ressort des débats de l'Assemblée nationale en première lecture. Trois conclusions apparaissent clairement.
En premier lieu, la régulation proposée se présente encore plus fortement comme une dérégulation destinée à favoriser l'arrivée de concurrents pour La Poste.
En deuxième lieu, pour ce qui est de la présence postale, l'article 1er bis nouveau du projet de loi peut conduire vers une poste à plusieurs vitesses pour les usagers.
En troisième lieu, la création de l'établissement de crédit postal dans les conditions où elle est proposée porte en elle de graves dangers : les prémices du démantèlement de La Poste.
Avec mes collègues du groupe socialiste, je souhaite, dès lors, à la fois dénoncer les risques très dangereux pour La Poste et présenter des propositions permettant de lui donner des chances, de faire d'elle un établissement public modernisé, performant, garant du maintien du lien social et d'un aménagement équilibré du territoire.
Mes propos porteront sur cinq points essentiels abordés dans le projet de loi : le service universel postal, la régulation, la présence postale territoriale, l'établissement de crédit postal et le dialogue social.
Le premier point que j'aborderai concerne le service universel postal.
L'article 1er du projet de loi introduit dans le code des postes et des communications électroniques des définitions arrêtées par la directive de 1997 : services postaux, envoi postal, envoi de correspondance. L'article L. 2-1 de ce code a défini le champ du service universel postal. L'article L. 2 désigne La Poste comme étant le prestataire du service universel postal.
Force est de constater que l'Assemblée nationale et sa majorité ont considérablement réduit le périmètre des services dits « réservés », c'est-à-dire les services qui demeurent l'exclusivité de La Poste et qui permettent de financer le service universel.
Ainsi, les envois recommandés requis au cours de procédures judiciaires ou administratives - vous avez évoqué ce point, monsieur le ministre - ne sont plus le monopole de La Poste.
Le publipostage n'est toujours pas explicitement mentionné comme étant un service réservé à La Poste. Peut-être aurons-nous des assurances à cet égard ?
Sous le prétexte de sortir du champ des services réservés ce que la directive appelle « les échanges de documents » et « l'autoprestation », qui ne peuvent être maintenus sous monopole, le texte, en l'état de sa rédaction, permet une large ouverture du secteur postal à la concurrence.
La banalisation des tarifs spéciaux pour les envois en nombre peut avoir des effets très forts sur la sélectivité des clientèles.
L'instauration d'un droit d'accès, en faveur des titulaires d'autorisation, aux moyens techniques de La Poste est mise en place de manière à rendre la concurrence toujours plus effective.
Surtout, le projet de loi autorise l'écrémage en ne retenant pas dans les « exigences essentielles » décrites par la directive, pour les opérateurs entrants, une obligation de desserte territoriale. Dès lors, les concurrents de La Poste s'installeront sur les niches les plus rentables.
II est évident qu'avec cette réduction des services réservés, avec cet encadrement a minima de la libéralisation du secteur postal, tout est fait pour ne pas mettre en place, dans de bonnes conditions, le fonds de compensation du service universel, prévu par la directive et dont il faudra bien parler d'une autre manière, monsieur le rapporteur, que par la seule commande d'un rapport, même demandé plus tôt.