Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui, en deuxième lecture, du projet de loi transposant dans notre droit la directive postale, sous le titre « régulation des activités postales ». J'ai eu l'occasion de dire, en première lecture, mon insatisfaction devant le manque d'ambition de ce texte et de regretter son imprécision sur le financement de la présence postale et de ses missions de service public. Je ne reviendrai donc pas sur ces débats de fond.
Aujourd'hui, mon propos a un objectif plus limité : améliorer sensiblement les garanties d'exercice du service public en la matière et répondre ainsi aux inquiétudes qu'expriment élus locaux, postiers, usagers, lors de manifestations répétées et importantes.
Mes interventions seront donc ciblées et techniques. Je serai constructif mais exigeant, comme il convient à propos d'une entreprise publique trop longtemps mal aimée des gouvernements.
Où en sommes-nous exactement avec le texte voté à l'Assemblée nationale ?
Le débat se concentre désormais autour de trois questions : quelles missions de service public pour La Poste ? Quelle couverture du territoire et quel avenir pour la fonction de service public de proximité qu'assume La Poste ? Quelle autonomie pour l'établissement de crédit que la loi va instituer ?
Il faudrait, bien sûr, traiter d'autres questions, par exemple celle qui concerne le calendrier imposé par l'Europe pour une ouverture progressive du service réservé du courrier à la concurrence. Et, de ce point de vue, le rôle futur de l'Autorité de régulation sera crucial. Faute de temps, je n'en parlerai pas maintenant.
Au fond, je me bornerai à envisager le projet de loi sous un angle double : quels financements retenir pour que les missions de service public soient viables et quelle place exacte accorder à l'établissement de crédit dans le dispositif de La Poste ?
Autrement dit, quelle confiance les élus locaux et les postiers peuvent-ils accorder à des dispositions législatives qui prétendent conjuguer la fin du monopole du courrier et la déclinaison des missions d'aménagement du territoire et de cohésion sociale confiées à La Poste par la loi du 2 juillet 1990 ?
La Poste est une entreprise publique mixte, ai-je l'habitude de dire. Le restera-t-elle ou va-t-elle glisser inexorablement vers une privatisation à peine déguisée, comme France Télécom, ou complètement assumée, comme les postes allemande et hollandaise ? Une douzaine d'amendements me permettront de tester la volonté du Gouvernement et l'engagement du Sénat.
Je continue à croire, comme lors de la présentation de mon rapport sur la présence postale en milieu rural en 1990, qu'il y a une voie possible pour une poste française engagée plus avant dans la concurrence dans chacun de ses trois métiers et, en même temps, fidèle à sa mission historique de service public. J'affirme même que c'est la condition du succès de l'étape qui s'ouvre avec la transposition de la directive postale. La Poste sera, selon moi, d'autant plus capable de résister à des opérateurs privés puissants qu'elle sera enracinée dans le territoire national et considérée par les citoyens et les élus locaux comme un service public irremplaçable.
Telle est ma conviction et celle d'une majorité de postiers, dont je veux, à cet instant, saluer la compétence, la générosité et le dévouement. Ces postiers de base et cet encadrement de chefs d'établissement, notamment, ont eu l'immense mérite d'absorber le choc des mutations récentes et, il faut le dire, l'incohérence d'un certain nombre de décisions d'organisation prises par une hiérarchie trop souvent mal inspirée depuis 1990. Si La Poste est encore La Poste, c'est à eux, ces fonctionnaires, au vrai et beau sens du terme, ces personnes anonymes, que nous le devons.
Nous le devons aussi aux élus locaux, maires et conseillers généraux tout particulièrement. Obstinément, ils nous rappellent que les bureaux de poste sont, par excellence, un lieu de services au public, un espace d'échanges entre des catégories sociales qui ne se rencontreraient pas ailleurs, une démonstration concrète que la notion d'aménagement du territoire garde tout son sens aujourd'hui.
Cette alliance des élus locaux et des postiers a permis à La Poste de surmonter jusqu'ici toutes les vicissitudes. Cette mobilisation se renforce sous nos yeux, s'ouvre aux usagers, comme à Guéret samedi dernier. Et c'est une chance. C'est aussi un signal donné au Sénat.
Reprenons les différentes questions.
Evoquons d'abord les missions de service public. Le transport de la presse est explicitement inscrit à ce titre dans la loi de 1990, mais son financement n'a été assuré, jusqu'à présent, qu'au prix d'une répartition laborieuse de son coût dans le cadre d'accords tripartites conclus entre l'Etat, la presse et La Poste. Il était implicitement admis que le monopole du courrier permettait de financer en partie le surcoût lié à cette prestation pour l'opérateur public. Avec la disparition progressive du service réservé et des ressources qu'il génère, il est nécessaire d'assurer à La Poste une compensation intégrale, je dis bien « intégrale », de cette mission. Autrement dit, il convient qu'elle soit répartie entre la presse et le budget général de la nation. J'ai déposé un amendement à ce sujet.
Il est créé par la loi - et c'est une avancée - un fonds de péréquation destiné à financer la présence postale territoriale sur l'ensemble du territoire, y compris dans les zones sensibles - rurales ou urbaines. Mais le financement en est inexistant. Il s'agit d'une enveloppe vide...