Intervention de Gérard Delfau

Réunion du 8 mars 2005 à 16h00
Régulation des activités postales — Discussion générale

Photo de Gérard DelfauGérard Delfau :

C'est un tour de passe-passe, un tour de bonneteau, qui ne risque guère de tromper les élus locaux, trop au fait de la dure réalité d'un budget. Je serai conduit à préconiser d'autres sources de financement.

S'agissant de l'établissement financier, que je m'obstine à ne pas appeler « banque postale », sa création est une avancée que j'ai approuvée en première lecture.

En revanche, beaucoup de questions restent en suspens. Celles que je vais énumérer sont primordiales. Quelle sera l'autonomie de cet établissement par rapport à la maison mère ? Quel sera son poids dans l'évolution du réseau ? Cet établissement procédera-t-il à une sélection de la clientèle en fonction des revenus ?

Deux conceptions s'affrontent au sommet de l'entreprise et il faut que le Sénat en soit clairement informé. L'une, celle du président, donne des garanties pour le maintien d'un équilibre entre filialisation et mission de service public. L'autre, abondamment relayée par la presse économique, fait de la naissance de cet établissement une première étape vers une indépendance future sous forme d'une banque privatisée.

Dans ce second cas, que deviendrait la mission assumée par La Poste, à savoir fournir sur tout le territoire, à tous les citoyens, quels que soient leur lieu de résidence et leur niveau de revenus, l'accès aux services financiers de base que le secteur bancaire désormais leur refuse un peu partout ?

Il faut dire ici, à la tribune du Sénat, que le maintien et même le développement de cette mission essentielle pour les Français est un point dur, non négociable, du face à face, parfois de l'affrontement, entre l'entreprise publique et les élus locaux.

Je veux encore formuler une remarque. Comment prétendre renforcer le dialogue entre La Poste et les élus locaux alors que, simultanément, l'entreprise a été morcelée en filiales trop souvent concurrentes, en directions stratégiques engluées dans des conflits internes ou en découpages territoriaux sans cesse remis en question au fil des diverses présidences ?

Le résultat est désastreux et si nous gérions nos communes comme l'entreprise a été gérée de ce point de vue, nous aurions, et ce serait normal, un retour négatif de la part de nos concitoyens.

Mais j'en reviens à l'immédiat. Le maire n'a plus désormais devant lui un interlocuteur unique au niveau départemental, doté de l'autorité nécessaire et ayant pouvoir de décision. Ainsi, tout partenariat équilibré est rendu impossible puisque, au moment même où l'on demande aux élus locaux de participer au coût de financement du réseau, ils n'ont devant eux que des directeurs départementaux dépourvus, en réalité, de toute autorité par rapport à leurs collègues et aux responsables des autres structures appartenant au groupe La Poste.

Je le dis nettement : sans le retour à l'interlocuteur unique ayant capacité de représenter à lui seul toute l'entreprise publique, il ne peut y avoir de retour à la confiance et donc il ne devrait pas y avoir de financement public de la part des collectivités locales. Il faut que cela soit bien clair dans le débat que nous avons. Il faudra que chacun en tire les conséquences une fois que la loi sera votée.

En résumé, ce projet de loi n'apporte qu'une partie des réponses attendues. Il est trop timide pour ce qui concerne l'élargissement des activités financières puisque l'urgence de délivrance des crédits à la consommation n'est pas encore reconnue. Il sollicite les élus locaux et le budget des collectivités locales alors que la place qui leur est faite est trop imprécise, liée à la bonne volonté des représentants de La Poste et aux fluctuations des politiques.

Mais ce projet de loi existe. Notre devoir, au Sénat tout particulièrement, est de l'améliorer sur la base suivante : compenser intégralement le coût des missions du service public de La Poste, dès lors que l'ouverture du marché du courrier à la concurrence est en train de tarir des ressources jusqu'ici affectées à ces missions.

Pour cela, nous disposons d'un constat des surcoûts indiscutable. Il nous est fourni par le rapport de notre ancien collègue Gérard Larcher, alors président de notre commission des affaires économiques, aujourd'hui ministre. Ce texte est devenu une référence en raison du travail considérable effectué par son auteur.

De surcroît, il est à noter une prise de position récente du président du Sénat qu'il vient de confirmer devant la délégation des maires ruraux qu'il recevait. Le fonds de péréquation existe, c'est une avancée, a-t-il dit en substance. Il faut maintenant envisager comment l'alimenter d'une meilleure façon. Je partage complètement ce souhait et je suis sûr que la majorité des membres du Sénat, que dis-je ? la totalité de nos collègues, ira dans ce sens lors de la discussion de ce projet de loi.

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