Monsieur le ministre, nous sommes tous ici des élus locaux, dont beaucoup sont d'ailleurs des élus ruraux, et je pense que nous sommes tous attachés aux services publics, et donc, plus particulièrement, à La Poste, d'où la dimension affective que revêt aussi ce débat.
Il est ici question de service universel. C'est une notion anglo-saxonne. D'ailleurs, le concept de service minimum à un prix accessible mériterait d'être précisé.
Rien ne dit, et cela rejoint les questions que posait Jean-Pierre Sueur à l'instant, que ce service doit être fourni par le service public, mais rien ne l'interdit non plus. En fait, monopole et service public universel sont compatibles, et on introduit en plus les notions de régularisation des prestations et de concurrence.
Quoi qu'il en soit, le présent projet de loi a pour objectif de transposer la directive et d'entreprendre l'adaptation et la modernisation du réseau postal.
Vous avez pris, monsieur le ministre, la précaution de rappeler les trois principes fondamentaux du service public : égalité, continuité, adaptabilité, afin d'assurer, ce qui mérite d'être rappelé, la levée et la distribution postale régulière et quotidienne sur tout le territoire national à un tarif égal et abordable.
Cependant, monsieur le ministre, le projet de loi détermine les conditions dans lesquelles La Poste peut déroger en partie aux conditions générales de l'offre de service universel en passant des conventions avec des partenaires, voire avec des clients.
Dans ces conditions, la modernisation du réseau postal suppose des statuts juridiques plus précis et des modalités financières différentes.
Cela ne supporte pas la confusion. Or confusion il y a, dans les termes, voire dans les discours.
Cela ne saurait être un désengagement, à peine camouflé, de La Poste des territoires non rentables que sont, notamment, les territoires ruraux et, à plus forte raison, les territoires ruraux de montagne.
Le maillage territorial fait apparaître de nouveaux réseaux, de nouvelles zones de vie, et, dans ce contexte, on sait ce que représente un bureau de poste ou une agence postale !
Après plusieurs de mes collègues, je suis d'ailleurs tentée de vous demander, monsieur le ministre, combien il y a de bureaux de poste aujourd'hui et combien il en restera exactement, puisque l'on dit qu'à peu près 5 000 bureaux de poste seraient déficitaires et que l'on s'apprêterait à en supprimer de 3 000 à 4 000. Combien d'emplois seront simultanément supprimés ?
En ce qui concerne les points Poste, c'est la jungle !
Avec les agences postales, communales ou intercommunales, dont je reparlerai tout à l'heure, les guichets annexes, les points Poste, plus ou moins commerciaux - épiceries, bureaux de tabac, etc. -, et les points de contact, la définition du « réseau postal de proximité » devient tout de même assez complexe !
Mais, sur le réseau « excédent », c'est-à-dire fragile et donc, vraisemblablement, rural, qu'est-ce que cela signifiera ? Monsieur le ministre, vous prétendez continuer à assurer un service universel de qualité dans le cadre de la mission d'aménagement du territoire de La Poste.
Je ne suis pas sûre que cela puisse être possible et je vais prendre l'exemple que je connais le mieux, à savoir celui de mon département, et je vais parler sous le contrôle du président du conseil général, puisqu'il est ici présent.
Dans les Hautes-Pyrénées, il y a quatre-vingt-dix-neuf points de présence postale ; le directeur de La Poste - et il est dans son rôle, même si l'on peut se demander s'il est obligé d'aller aussi loin - s'engage à maintenir une présence postale de proximité équivalante à celle qui existe aujourd'hui.
Ce n'est pas vrai, car, quand on transforme un bureau de poste en agence postale communale sous convention de trois ans - sujet sur lequel je reviendrai aussi -, on ne peut pas s'engager à assurer le même service dans des conditions identiques et, surtout, sur la durée. Et, quoi qu'en dise le directeur de La Poste dans mon département, cette réorganisation du réseau postal remet en cause la mission fondamentale de service public.
Je ne suis pas sûre que l'on soit obligé de tenir de tels propos. Y est-on même autorisé ?... En effet, beaucoup de choses dans ces propos sont fausses, raison pour laquelle je veux revenir sur les agences postales, communales ou intercommunales.
Ainsi, dans les Hautes-Pyrénées, sur quarante-six bureaux de poste, quatorze vont être supprimés, soit un tiers. Il en restera donc trente-deux et, à la place des bureaux supprimés, nous devrions avoir des agences postales communales.
Une agence postale communale, c'est un marché entre La Poste, c'est-à-dire l'Etat, et la commune, petite en général, ou la communauté de communes. Monsieur le ministre, je ne souhaite pas être brutale, mais je ne peux que constater qu'il s'agit d'un marché de dupes, et c'est bien ce que disait tout à l'heure M. Gérard Delfau.
Des conventions vont être passées entre l'Etat - La Poste - et les communes. Ces conventions portent sur trois ans. Elles seront, peut-être, renouvelées, ce qui portera leur durée à six ans ou, exceptionnellement, à neuf ans, selon le partenaire que ces communes auront en face d'elles. En tout état de cause, il s'agit de conventions à durée limitée.
L'Etat - La Poste - s'engage à verser des dotations, elles aussi limitées : 700 euros au début, 900 euros maintenant. Le tarif augmente, mais après ?
D'abord, puisque ces conventions ne sont pas pérennes, les dotations s'arrêteront au bout de trois ans, de six ans ou de neuf ans. Ensuite, à l'évidence, elles ne seront pas suffisantes pour couvrir le coût des locaux, de l'entretien, des assurances, etc. A propos des assurances, un orateur a d'ailleurs, à juste raison, évoqué les problèmes de responsabilité : le Gouvernement devra sans doute réexaminer la question.
Ces dotations ne seront pas suffisantes dans l'immédiat, mais, surtout, elles ont un terme : trois ans, six ans ou neuf ans. A mon avis, ce sera trois ans seulement.
Qui est l'employeur ? C'est la collectivité, ce qui me conduit à vous demander, monsieur le ministre, ce qu'il adviendra au terme du contrat de trois ans, terme qui signifiera peut-être la fin d'une agence postale.
Je vais prendre un exemple comparable, exemple qui vous sera sans doute familier, monsieur le ministre, puisque vous êtes un élu local.
A une certaine époque, les communes ont eu recours à des contrats ASSEM, ou contrats de soutien scolaire pour les enfants malades, dans les écoles primaires et, souvent, par obligation - c'était un luxe -, dans les écoles maternelles ainsi que dans les cantines, système qui coûtait très cher. Or une des plus grosses communes de mon canton a - pour des raisons très particulières mais peu importe lesquelles, car la réalité est celle-là - vu fermer la première école primaire, puis la seconde école primaire, puis la maternelle, puis la cantine. Qu'a fait le maire de l'« emploi ASSEM » ? Il a dû le garder, cet emploi, dédié à l'école, ne pouvant être transféré sur aucune autre fonction et la personne l'assumant ayant refusé, jusqu'à sa retraite, de faire autre chose !
Je voudrais donc savoir ce qu'il adviendra lorsque la dotation ne sera plus versée parce que la convention sera arrivée à son terme. Quel sera le statut du postier ? J'estime que nous entrons là dans un domaine de précarité et de confusion.
Monsieur le ministre, on n'a pas le droit d'affirmer certaines choses quand la réalité est différente !
Enfin, qu'advient-il de la disposition d'accessibilité au réseau, notamment pour un département rural en zone de montagne, avec la règle des 10 % de la population du département et du rayon de cinq kilomètres ?
J'ai transposé cette règle au département des Hautes-Pyrénées, qui peut, hélas ! servir de référence : 10 % de 225 000, cela fait 22 500 habitants, et sachez donc, monsieur le ministre, que 86 % du territoire ne serait pas couvert, ce qui représenterait 59 % de la population. Je ne sais pas si vous connaissez les Hautes-Pyrénées...