Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesurons bien les enjeux : le projet de loi qui nous est soumis vise à faire franchir à la France un pas important dans la déréglementation du secteur postal.
Le dogme libéral est formel : la concurrence est la mère de la prospérité, de la baisse des prix et de la liberté. Les commissaires européens se chargent de la diffusion de ces principes et le gouvernement français, par ce projet de loi, les applique.
Comme l'a rappelé mon collègue et ami Gérard Le Cam, comment ne pas prendre en considération la situation du secteur postal en Suède ? Ce pays fut, nous le savons, un des premiers à privatiser sa poste, en 1993. Aussi disposons-nous aujourd'hui du recul nécessaire pour évaluer les bénéfices de cette déréglementation.
Cet exemple est d'autant plus éclairant que la Suède est, comme la France, un pays dans lequel la densité de la population est assez faible et où des régions très urbanisées côtoient des zones rurales beaucoup plus isolées.
Un article de presse paru en décembre dernier dans un journal que vous connaissez bien, Le Figaro Economie, a dressé un bilan catastrophique de cette déréglementation.
Sa conclusion était sans appel et nous y souscrivons : « Les politiciens ont commis la première erreur en libéralisant le monopole, en 1993, mais surtout, par la suite, l'Etat propriétaire n'a pas su justifier, défendre le service public ».
La concurrence est censée faire baisser les prix. En Suède, ils ont doublé, probablement parce que cette industrie de réseau constitue un monopole naturel.
La concurrence est censée inciter les opérateurs à améliorer leurs prestations de service. En Suède, elles se sont dégradées. Le service public n'y est plus qu'un lointain souvenir.
La concurrence n'est pas censée améliorer les conditions de travail des employés ou l'emploi dans les entreprises. C'est bien la seule promesse que la libéralisation de la poste en Suède a effectivement permis de respecter.
Je pourrais aussi évoquer l'exemple de l'Allemagne, auquel vous avez fait référence, monsieur le ministre, pays dans lequel un tiers des emplois ont été supprimés dans la poste. Nous ne nous en réjouissons pas et c'est pourquoi nous combattons ce type de déréglementation.
Nous sommes convaincus, nous tenons à le souligner, que des objectifs doivent être partagés sur le plan européen, par exemple la garantie d'une collecte et d'une distribution sur l'ensemble des territoires, une circulation du courrier rapide et sécurisée entre les pays. Constituer un réseau commun aux vingt-cinq États membres permettrait de faire de la présence postale un facteur de cohésion sociale sur l'ensemble des territoires. Il convient en d'autres termes d'élaborer une politique commune des services postaux reposant non pas sur l'idée de concurrence, mais sur celle de coopération.
Un tel objectif aurait toute sa place dans un projet de constitution européenne progressiste. C'est pourquoi, par cet amendement, nous proposons que soient renégociées les directives européennes sur la libéralisation du secteur postal.