L'idée de réseaux postal, énergétique et ferroviaire à l'échelle européenne est ambitieuse. Garantir durablement les prestations de service public doit, en effet, constituer un objectif prioritaire dans la construction européenne.
Cependant, l'Union européenne et ses chefs d'État nous proposent comme unique solution la libéralisation de l'ensemble des activités humaines, renonçant de fait à l'intervention de la puissance publique pour la mise en oeuvre de politiques dans l'intérêt des peuples.
Les chemins de fer, le transport aérien, les télécommunications, le réseau électrique, tout y passe ! Non sans ratés ! Le scandale des pannes d'électricité, les accidents, parfois catastrophiques, des chemins de fer britanniques faute d'un entretien suffisant, les augmentations de prix incessantes dans tous les secteurs concernés, tout cela n'est guère réjouissant, ni pour les usagers ni pour les salariés.
Manifestement, votre ambition de construire un projet économique et social autour d'un grand marché est inadaptée. Il nous semble qu'il serait de bonne politique, pour construire une Europe qui aille dans le sens du maintien de la cohésion sociale et de l'amélioration concrète des services publics, de permettre de renégocier ce qui ne marche pas.
L'idée de la réversibilité de toute loi, et plus largement de tout texte juridique, est une évidence pour tout acteur politique : quand un élu, quel qu'il soit, décide de mettre en oeuvre un projet et qu'il réalise, quelque temps après, que les objectifs visés par ce projet n'ont pas été atteints ou qu'ils ont suscité des effets pervers inattendus, il doit pouvoir faire marche arrière.
Malheureusement, cette évidence n'en est pas une pour les représentants de la Commission européenne.
Jamais en effet nous n'avons vu la Commission européenne faire marche arrière sur les politiques qu'elle a pu mener ; jamais nous ne l'avons vu admettre qu'elle s'était trompée. Or, au vu de la situation économique et sociale qui prévaut en Europe, au vu de la croissance économique atone du vieux continent depuis l'adoption du traité de Maastricht, il y aurait beaucoup à dire sur le contenu de ces politiques européennes.
Nous sommes d'autant plus inquiets que le projet de constitution européenne, en débat depuis quelques mois dans notre pays, ne vise à rien d'autre qu'à institutionnaliser les principes de politique économique qui mènent l'Europe à la faillite. Loin d'accepter de porter un quelconque regard critique sur leur action et donc d'être en mesure de concevoir l'idée qu'un acte politique est réversible, les responsables communautaires ont choisi la fuite en avant.
Ainsi, l'achèvement du marché intérieur devient une fin en soi, quelles que soient ses conséquences économiques et sociales.
L'exemple de La Poste est, à ce titre, symptomatique du dogmatisme idéologique des responsables communautaires : les préceptes libéraux vous délivrent un message que vous cherchez à appliquer coûte que coûte.
Les faits sont pourtant parlants. Vous ne pouvez que constater la dégradation de la qualité des prestations de nos services publics, notamment en milieu rural, et avec elle celle des conditions de vie des peuples européens.
Cet amendement ne vise pas à vous obliger à reconnaître la nécessité de défendre les services publics à la française. Il est encore moins dicté par notre volonté de voir socialisés les moyens de production. Cet amendement n'est inspiré que par un état d'esprit que vous prétendez souvent partager : le pragmatisme.
Être pragmatique, c'est accepter de reconnaître ses erreurs, c'est ouvrir les yeux face à la réalité des faits, en d'autres termes, c'est accepter d'envisager la réversibilité des directives européennes.