Nous avons déposé un amendement n° 96 qui nous semble essentiel dans la mesure où il définit ce que nous voulons pour La Poste et les moyens que nous voulons lui donner pour réaliser les missions qui doivent lui être confiées. C'est pourquoi nous souhaitions que cet amendement soit examiné avant les différents articles du projet de loi.
La commission des affaires économiques a demandé la réserve de cet amendement jusqu'après l'article 8. Je le regrette - même si je suis obligé de m'incliner - d'autant que nous n'avions pas fait référence à la loi de 1990 pour qu'il ne soit pas appelé en discussion commune avec l'article 8, qui modifie l'article 2 de la loi de 1990 définissant les missions de La Poste.
Cela dit, je souhaiterais expliquer notre position sur l'article 1er car il est nécessaire que nous ayons un débat de fond sur ces questions ; nous ne pouvons nous contenter de nous renvoyer à nos responsabilités respectives.
Il est important qu'un texte unique identifie clairement les missions de La Poste ainsi que leurs modalités de financement. Aujourd'hui, de trop nombreuses dispositions sont dispersées dans des textes différents : dans le texte qui nous est soumis, il est fait référence entre autres à des articles de la loi de 1990, à des articles du code des postes et télécommunications. Il est nécessaire de donner un peu plus de lisibilité et de cohérence à la mission de La Poste.
La Poste n'est pas une entreprise comme une autre : elle occupe une place particulière dans la société française et participe pleinement au pacte républicain.
Elle est la première sur de nombreux plans : c'est le premier employeur de France, employant 300 000 agents ; avec ses 17 000 points de contact, elle constitue un réseau de proximité sans équivalent en Europe. Enfin, avec ses 100 000 facteurs, elle incarne un service public de proximité très apprécié des Français.
Dans les communes rurales, La Poste est bien souvent le dernier service public présent après la fermeture de tous les autres. Pour nombre de personnes défavorisées ou à faibles revenus, elle représente le seul accès possible aux services bancaires et financiers.
Dès lors, nous voulons traduire sur le plan législatif cette place à part que La Poste occupe dans notre société.
Nous proposons donc de consacrer ses missions de service public et même de les enrichir. Nous en identifions trois : le service public des envois postaux constitué du service universel postal et de l'aide à la presse, comme c'est le cas aujourd'hui ; la participation à l'aménagement du territoire, ce qui justifie que l'Etat ne se désengage pas de ce secteur ; enfin, nouvelle mission que nous voulons confier à La Poste, le service bancaire universel.
Jusqu'à maintenant, le législateur - sous quelque législature que ce soit - n'a jamais souhaité créer une telle mission de service public. Les produits bancaires sont considérés comme de simples produits de consommation. Pourtant, l'accès aux services bancaires conditionne toute une série d'actes de la vie quotidienne.
La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions qui a été adoptée sur l'initiative du gouvernement précédent a permis pour la première fois d'établir un droit au compte. Nous en avons reparlé à l'occasion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale présenté par M. Borloo. Mais cela ne suffit pas : il faut tout à la fois combattre l'exclusion bancaire, qui ne cesse de progresser, et offrir un service universel bancaire, à l'image du service universel postal, c'est-à-dire un service qui offre à tous les usagers l'accès aux prestations bancaires à un coût abordable.
Or, ces derniers temps, nous avons constaté que les services bancaires de base devenaient payants et que les banques tentaient de remettre en cause certains services gratuits. Les associations de consommateurs se mobilisent et nous interpellent pour dénoncer cette offensive des banques. Les tarifications n'ont plus rien à voir avec le coût réel des services.
Nous proposons donc de créer un service bancaire universel afin que chacun puisse avoir accès aux prestations bancaires à un coût abordable et, dans certains cas, gratuitement, et ce sans discrimination de quelque nature que ce soit.
Ce service, qui n'est pas exhaustif, devra prévoir la signature d'une convention de compte, le retrait gratuit d'argent dans les distributeurs de billets, la délivrance de chéquiers gratuits et un accès gratuit à des moyens de consultation du compte à distance. Par cette proposition, non seulement nous confortons La Poste dans sa mission de cohésion sociale, mais aussi nous affirmons - ce à quoi nous sommes très attachés - que La Poste n'est pas une banque comme les autres.
Nous proposons ainsi qu'elle devienne un partenaire privilégié des collectivités locales en l'autorisant à offrir à ces dernières des outils spécifiques de financement.
Par ailleurs, il faut aussi que la puissance publique prenne en charge des missions d'intérêt général dont le surcoût n'est pas, aujourd'hui, totalement compensé à La Poste, ce qui la handicape très fortement. La règle devrait être simple : à chaque mission de service public correspondra un financement.
Nous considérons qu'il n'est pas sérieux de faire financer la présence postale par la taxe telle qu'elle est aujourd'hui prévue, nous y reviendrons.
Enfin, nous souhaitons que ces missions de service public soient assurées essentiellement dans les bureaux de La Poste, gérés directement par elle, et non dans des points Poste situés chez les commerçants, où seulement certains services seront rendus.
Bref, nous voulons une Poste au service de nos concitoyens, de tous les usagers. Nous voulons redonner du sens à la notion de service public : les postiers et tous les personnels de La Poste sont prêts à nous suivre.