Intervention de Jean-Luc Tavernier

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 12 avril 2006 : 1ère réunion
Auditions sur la dette sociale — Audition de M. Jean-Luc Tavernier directeur général et M. Alain Gubian directeur financier de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale acoss

Jean-Luc Tavernier, directeur général de l'Acoss :

Pour appuyer ces propos, M. Jean-Luc Tavernier a souligné le savoir-faire de la Caisse des dépôts et consignations, ajoutant que l'activité de tenue de compte n'est pas de celles où l'Acoss peut se permettre une prise de risques.

Abordant ensuite le volet des modalités de financement des emprunts effectués par l'Acoss en recourant à l'intermédiation de la Caisse, M. Jean-Luc Tavernier a rappelé qu'il y a dix ans encore, la Caisse imposait à l'agence un spread de 100 points de base (1 %) par rapport au taux des emprunts d'Etat (taux EONIA : Euro overnight index average). A l'heure actuelle, l'écart de refinancement s'établit dans une fourchette de cinq à dix points de base pour les emprunts déterminés à l'avance, cinq points pour un emprunt demandé un mois à l'avance pour une durée d'un mois et dix points pour un emprunt demandé quinze jours à l'avance pour une durée de quinze jours. L'écart de refinancement s'établit sur une base de dix-sept à vingt points de base pour les emprunts demandés au jour le jour.

Pour ce qui est des placements des excédents de trésorerie de l'Acoss, leur rémunération s'effectue dans les conditions suivantes : les excédents de trésorerie inférieurs à 3 milliards d'euros sont rémunérés au taux EONIA moins 1/16e et les excédents supérieurs à 3 milliards d'euros sont rémunérés au taux de base EONIA sec. En conséquence, l'agence a réalisé en 2005 des gains très légèrement supérieurs à l'EONIA.

Si la Caisse des dépôts et consignations estime qu'elle est allée au maximum des avantages qu'elle pouvait proposer à l'Acoss, celle-ci a toutefois fait valoir que l'Unedic émet des billets de trésorerie à EONIA plus deux points de base. M. Jean-Luc Tavernier a toutefois reconnu que la loi n'autorise pas, en l'état, l'Acoss à émettre elle-même des billets de trésorerie et qu'en outre cette activité suppose une logistique ayant un coût. Dans son esprit, la référence à l'Unedic a surtout pour vertu de mettre la pression sur la Caisse afin qu'elle améliore encore ses offres en termes de rémunération des placements et de coût des prêts.

C'est d'ailleurs à ce titre que la nouvelle convention d'objectif et de gestion stipule l'obligation de chercher une diversification tant des instruments d'emprunt et de placement que des organismes prêteurs.

a cependant, en conclusion sur ce point, souligné le relativement faible enjeu présenté par la question des coûts de gestion : les possibilités d'économie consécutives à une mise en concurrence sont évaluées à environ 4 ou 5 millions d'euros annuels, soit une proportion infime du montant des déficits à gérer. La remontée des taux de la Banque centrale européenne aura un impact beaucoup plus élevé sur les charges financières supportées par l'Acoss.

Abordant ensuite l'état de la situation des recouvrements des impayés, il a indiqué que le solde à recouvrer des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) s'élevaient à - 13,6 milliards d'euros à fin 2005, contre - 13,7 milliards d'euros à fin 2004. Cette légère amélioration se vérifie également dans les taux d'impayés qui atteignent, pour 2005, 0,96 % pour le total métropole-départements d'outre-mer et 0,84 % pour la seule métropole.

Les marges d'amélioration ont essentiellement été obtenues à Paris où le taux de recouvrement est en forte amélioration. Si l'on passe à une analyse par secteurs, les gains réalisés sont totalement attribuables aux entreprises du secteur privé, cependant que les améliorations constatées depuis quelques années dans la catégorie des travailleurs indépendants continuent de se vérifier. En revanche, les collectivités territoriales ne font pas partie des bons payeurs.

Développant ensuite le sujet du montant de la dette contractée par l'Etat envers les organismes de sécurité sociale, M. Jean-Luc Tavernier a indiqué qu'il remettra à la mission le rapport de l'agent comptable de l'Acoss qui révèle qu'au 31 décembre 2005, le total de la dette cumulée au titre des exonérations de cotisations sociales a atteint 2,975 milliards d'euros, soit un maximum historique s'expliquant notamment par le trop versé de l'Etat en 2004 qui a justifié de sa part un moindre versement en 2005.

Au 12 avril 2006, le cumul de dettes au titre des recettes non versées est cependant redescendu à - 2,3 milliards d'euros grâce à la régularisation précitée de 800 millions intervenue au mois de janvier.

Face à cette dégradation des comptes, M. Jean-Luc Tavernier a affirmé avoir écrit aux ministres de tutelle afin de savoir si l'Acoss doit provisionner le montant de ce manque à gagner afin de tenir compte de l'apparition de créances douteuses, rappelant dans son courrier que la Cour des comptes avait fait à l'agence le reproche de cette absence de provision. Les ministres ont répondu en certifiant que l'Etat reconnaît sa dette qui se retrouvera donc en bilan d'entrée à l'occasion du passage des comptes en droits constatés.

Au chapitre des dépenses non compensées par l'Etat figurent au premier chef la dette du fonds de solidarité vieillesse puis, pour un montant de 600 millions d'euros, l'aide médicale de l'Etat (AME). Les autres postes (allocation de parent isolé, revenu minimum d'insertion, allocation pour adulte handicapé...) apparaissent pour des montants plus réduits. Le total de la dette contractée par l'Etat au titre des dépenses s'établissait donc au 1er avril 2006 à environ 3,5 milliards d'euros.

A la même date, le total de la dette de l'Etat à l'égard de l'Acoss s'élevait donc à 5,85 milliards d'euros (2,3 milliards pour les exonérations et 3,5 milliards pour les dépenses de protection sociale).

Appelé ensuite à donner son avis sur le diagnostic, les analyses et les préconisations du rapport Pébereau en matière de dette sociale, M. Jean-Luc Tavernier s'est réjoui de ce que le rapport définitif n'ait pas repris le montant cumulé de 2.000 milliards de dettes, pour l'ensemble des administrations publiques, avancé dans le pré-rapport. Ce montant qui consolidait l'ensemble des dettes publiques au sens des critères de Maastricht, comprend en effet à la fois une dette quantifiée et certaine et des provisions au titre des engagements non couverts des régimes de retraite des fonctionnaires et des entreprises publiques correspondant à une dette future non encore matérialisée.

Il a insisté sur l'indication donnée cependant par le rapport Pébereau sur le montant de ce provisionnement au titre de ces régimes qui aurait atteint 1.800 milliards d'euros si la réforme Balladur de 1993 et la réforme Fillon de 2003 n'avaient pas été adoptées, alors qu'il a pu être réduit de moitié, à 900 milliards d'euros, grâce à ces deux réformes.

Sur l'exigence posée par le rapport Pébereau d'un vote à l'équilibre de l'assurance maladie, M. Jean-Luc Tavernier a souligné le manque de cohérence des auteurs qui évoquent parallèlement la mise en place d'un fonds de stabilisation conjoncturelle permettant d'envisager l'existence au moins ponctuelle de déficits. En tout état de cause, la perspective d'un retour à l'équilibre apparaît encore lointaine.

Il a en revanche jugé excellente la proposition tendant à ce que la loi de financement de la sécurité sociale contienne immédiatement après l'article fixant l'Ondam un autre article fixant les mesures qui seraient automatiquement mises en oeuvre si l'objectif était effectivement dépassé.

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