a d'abord exposé les grandes lignes du mode de scrutin actuellement proposé par le Gouvernement pour l'élection des conseillers territoriaux, rappelant que le projet de loi prévoyait une élection au scrutin uninominal majoritaire à un tour pour 80 % des conseillers territoriaux, les 20 % restants étant élus au scrutin de liste, la répartition des sièges étant effectuée à la représentation proportionnelle au plus fort reste.
Il a ensuite rappelé que le même texte prévoyait l'extension du scrutin de liste proportionnel, aujourd'hui appliqué aux communes de plus de 3 500 habitants, à celles dont la population est comprise entre 500 et 3 499 habitants.
Il a souligné que le choix du mode de scrutin mixte avait pour objet, aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, de « garantir l'ancrage territorial des élus et la proximité avec la population » par l'adoption d'un scrutin majoritaire, tout en permettant de « ne pas effacer les acquis du scrutin proportionnel qui favorise la parité et la représentation des différentes sensibilités politiques ». Il a ainsi estimé que les auteurs du projet avaient souhaité permettre l'établissement de majorités claires, tout en garantissant un ancrage de proximité du conseiller territorial.
Il a terminé ces propos liminaires en observant que la prise en compte de l'objectif constitutionnel de parité ne concernerait que l'élection des conseillers territoriaux élus au scrutin proportionnel, bien qu'il soit prévu que le candidat titulaire et le candidat suppléant soient de sexe différent pour le scrutin uninominal majoritaire à un tour.
Il a estimé que le mode de scrutin retenu par le projet de loi devait être apprécié au regard de trois exigences constitutionnelles : l'existence de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République relatifs au mode de scrutin ; les dispositions de l'article 4 de la Constitution relatives à la participation équitable des partis et des groupements politiques à la vie démocratique de la Nation et l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives posé par l'article premier de la Constitution, ajoutant que l'article 4 prévoyait que les partis contribuent à la mise en oeuvre de ce principe dans les conditions prévues par la loi.
Avant de développer la question centrale de la conformité à l'objectif de « parité », il a souhaité écarter deux objections susceptibles d'être soulevées à l'encontre du dispositif.
Evoquant, pour commencer, la question de la non-conformité du scrutin majoritaire à un tour à un principe fondamental reconnu par les lois de la République, soulevée, notamment, par le constitutionnaliste Guy Carcassonne dans un article publié le 10 novembre 2009 dans le journal « Libération », il a considéré que l'absence de recours au mode de scrutin majoritaire à un tour dans l'histoire constitutionnelle de la République ne suffisait pas à caractériser l'existence d'un tel principe fondamental, s'appuyant pour conforter sa position sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle « la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution, qu'autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens de l'alinéa 1er du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 » (décision 2008-573 DC).
S'agissant, d'autre part, de la conformité du mode de scrutin à l'article 4 de la Constitution, en vertu duquel « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation », il a considéré que la part laissée au scrutin proportionnel suffisait à assurer le respect de l'objectif énoncé, sauf à considérer que cette disposition imposait un mode de scrutin proportionnel pour toutes les élections.
Abordant ensuite la question spécifique de l'objectif de « parité », énoncé à l'article premier de la Constitution, selon lequel « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », il a insisté sur le fait que, au regard de la jurisprudence pertinente du Conseil constitutionnel, cet article n'ouvrait qu'une faculté au législateur, et non une obligation. Il a, en effet, estimé que le léger infléchissement opéré par les juges constitutionnels dans la décision 2003-468 DC n'avait été que provisoire, une décision ultérieure (2003-475 DC) ayant réaffirmé le caractère facultatif, et non contraignant, à l'égard du législateur, de l'objectif de parité.
Il a ensuite rappelé que la jurisprudence constitutionnelle autorisait le législateur, en ce domaine, à adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif soit un caractère contraignant (décision 2000-429 DC). Il a précisé, par ailleurs, que l'objectif de renforcement de l'égalité ne pouvait être apprécié seul, mais devait être concilié avec « les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'a pas entendu déroger » (décision 2000-429 DC), de telle sorte que seules les dispositions « manifestement disproportionnées » au regard de l'objectif de parité étaient susceptibles d'être invalidées.
Il a conclu cette première partie de l'analyse de la jurisprudence en insistant sur la libre compétence du législateur pour fixer le régime électoral des assemblées, résultant de l'article 34 de la Constitution, dont il découle que l'objectif de parité ne peut pas, par lui-même, interdire au législateur de choisir un mode de scrutin.
Il a estimé, en conséquence, que le mode de scrutin retenu par le projet de loi ne paraissait pas contraire aux exigences de l'article premier de la Constitution, mais pouvait éventuellement être contesté au titre du non-respect des exigences de l'article 4, alinéa 2 de la Constitution.
Sur le premier point, il a estimé que les dispositions favorisant une exigence de parité ne constituaient pas une exigence constitutionnelle mais un objectif constitutionnel. Il a ajouté que, même si le nouveau mode de scrutin pouvait avoir pour effet induit de réduire la parité pour les élections aux conseils régionaux, ces possibles effets de la loi devaient être considérés de manière globale, l'extension du scrutin de liste pour les élections municipales aux communes comprenant entre 500 et 3 500 habitants favorisant la parité.
Sur le second point, il a estimé que le dispositif n'était pas assez incitatif s'agissant de la part uninominale de ce scrutin, considérant que, à partir du moment où le législateur poursuivait un objectif de renforcement de l'égalité entre les hommes et les femmes, le dispositif retenu devait être en adéquation avec cet objectif. Il a ajouté que la constitutionnalité de cette disposition ne pourrait alors être contestée que sur la base d'un caractère insuffisamment incitatif à l'égard des partis politiques qui, conformément à l'article 4 de la Constitution, doivent contribuer à la mise en oeuvre du principe de parité énoncé au second alinéa de l'article premier.
Il a conclu son intervention en exprimant toutes réserves sur une possible incompatibilité du dispositif avec les exigences constitutionnelles de « parité », qu'il n'estime que potentielle.