Intervention de Rose-Marie Van Lerberghe

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 8 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de Mme Rose-Marie Van lerberghe présidente de la commission sur la territorialisation de pôle emploi

Rose-Marie Van Lerberghe, présidente de la commission sur la territorialisation de Pôle emploi :

Je suis très touchée par votre accueil et très honorée d'être auditionnée par vous. Un peu intimidée également d'ailleurs, car j'ai quitté depuis un moment déjà les responsabilités de déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, que j'ai exercées de 1996 à 1999.

Le rapport que vous évoquez, sur la dynamique territoriale de l'emploi, est le fruit d'un travail collectif, que j'ai piloté en vue d'aboutir à des conclusions opérationnelles. Notre petit groupe de travail était constitué pour moitié de directeurs régionaux de Pôle emploi, qui se sont révélés très impliqués et très intéressés par cette démarche, auxquels se sont notamment ajoutés le secrétaire général de l'Agefos-PME, ainsi qu'une magistrate exerçant des responsabilités associatives pour le soutien des jeunes en difficulté.

Nous avons tenté d'identifier les problèmes et nous nous sommes efforcés ensuite d'impliquer, pour chacun des thèmes retenus, des acteurs locaux dans la démarche que nous entendions mettre en oeuvre, sur le terrain. Nous avons ainsi pu constater, avec satisfaction, tout l'intérêt porté, par les acteurs rencontrés, au thème du partenariat.

Que ce soit au sein du service public ou dans les structures privées, nous sommes toujours confrontés au même problème : comment investir sur les compétences, tout en évitant que les différents acteurs accomplissent le même travail, chacun dans leur coin, et faire en sorte, dans le même temps, que les personnes prennent des initiatives sur le terrain ? C'est pour répondre à cette problématique que j'ai mené, lorsque j'étais directrice générale de l'AP-HP, une politique de déconcentration et que j'ai encouragé, lorsque j'occupais les fonctions de déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la fongibilité des crédits, partant du principe qu'il fallait permettre aux acteurs locaux de s'approprier les outils élaborés au niveau national.

Nous nous sommes attachés, lors des travaux que nous avons menés au sein de la commission, à réfléchir à la manière dont nous pourrions donner aux responsables locaux les moyens d'adapter à la réalité du terrain les outils qui étaient mis à leur disposition. Et nous sommes parvenus, à l'issue de nos travaux, à la conclusion selon laquelle la solution à ce problème résidait dans la conclusion de partenariats.

J'en profite pour souligner que nous avons malheureusement perdu en souplesse, à l'occasion de la fusion entre l'ANPE et les Assedic, et ce notamment dans le domaine de la formation. Le réseau des Assedic était en mesure, par le passé, de proposer des formations « cousues main » et n'était pas contraint de lancer des appels d'offres de grande envergure pour sélectionner les organismes à même de mettre en oeuvre ses programmes de formation.

En tout état de cause, notre rapport préconise de concilier les impératifs de la décentralisation et de la délégation de moyens avec la nécessité, pour les interlocuteurs présents sur le terrain, de nouer des relations les uns avec les autres. Pour ce faire, il convient de confier aux personnes en présence la résolution de problèmes concrets - seul moyen, selon moi, de faire tomber les préjugés qu'elles peuvent entretenir vis-à-vis de leurs partenaires potentiels.

S'agissant des expériences réussies de partenariats territorialisés, que vous me demandez de citer, j'évoquerai l'action que nous avons mise en oeuvre pour remédier à la pénurie d'aides soignantes à laquelle nous nous trouvons confrontés, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Ce métier est réputé pénible et mal payé, ce qui explique que les candidats à ces postes soient peu nombreux.

Pour remédier à cette situation, j'ai décidé d'aller chercher des personnes souhaitant travailler avec les personnes âgées et disposant de l'empathie nécessaire pour ce faire, mais qui ne possédaient pas nécessairement les qualifications requises. Nous avons passé une convention avec Pôle emploi et la Croix Rouge - l'idée étant que Pôle emploi recoure à la méthode du recrutement « par habileté ». Nous avons ensuite demandé à la Croix Rouge de proposer une préformation à l'école d'aides soignants, à destination des candidats retenus - le groupe Korian se chargeant quant à lui d'organiser les stages pratiques, tout en proposant à ces futurs aides soignants d'être embauchés en contrat de professionnalisation.

Dans le cadre du partenariat que nous avions conclu, Pôle emploi a annoncé l'ouverture de vingt-cinq places pour préparer le concours d'aides soignantes. Ils ont reçu 180 candidatures et ont dû sélectionner les personnes qui semblaient les plus à même d'exercer cette profession. Les vingt-cinq personnes retenues ont bénéficié de 450 heures de préformation au concours, lesquelles ont été dispensées par la Croix Rouge. A noter qu'elles ont toutes fait preuve d'une grande assiduité, ce qui n'est pas si fréquent avec des chômeurs de longue durée. Les directeurs des établissements qui les accueillaient étaient très satisfaits, prouvant par là-même que nos critères de choix étaient les bons.

Néanmoins, sur ces vingt-cinq candidats, huit seulement ont été admis au concours d'aides soignants. Certains d'entre eux se sont vu refuser l'accès à cette formation, alors qu'ils avaient obtenu des notes oscillant entre 12 et 14 à l'oral ; il se trouvait même, parmi les recalés, une infirmière brésilienne, qui a dû très probablement échouer à cause de son niveau d'orthographe. Lorsque nous avons dressé le bilan de ce partenariat, la directrice de la Croix Rouge m'a indiqué que nous aurions très probablement dû commencer par faire faire à nos candidats une dictée, afin de nous assurer qu'ils jouissaient d'un niveau suffisant en orthographe, pour ne pas être disqualifiés d'emblée sur la base de ce critère.

Il est important d'identifier les besoins et de déterminer les bons critères, dans un secteur où l'emploi ne manque pas et où il s'agit, qui plus est, d'emplois de proximité non délocalisables. Poussant plus avant l'analyse, j'ai découvert que des quotas étaient mis en oeuvre pour le recrutement des aides-soignants, dont la responsabilité a été déléguée aux régions, et ce alors même que le code de la santé publique ne prévoit pas de numerus clausus pour cette profession.

Au vu de cet exemple, et de bien d'autres encore, j'ai proposé, dans le rapport rendu par la commission, de procéder, au niveau local, à un tour de table des financeurs, afin de trouver les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de telle ou telle formation. A cet égard, il conviendrait de ne pas refuser l'accès à la formation des personnes susceptibles de bénéficier d'un financement, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, au seul motif que le nombre de reçus au concours d'aides soignants ne devrait pas excéder un certain seuil. Il est regrettable que des personnes motivées et qui avaient manifesté l'envie de s'occuper de personnes âgées échouent au concours sur la base de critères purement scolaires.

Ces personnes étaient, pour la plupart d'entre elles, en difficulté et ni l'entreprise, ni Pôle emploi ne peuvent remédier à leurs problématiques, qui ont davantage trait au logement, à la santé ou à l'accès au droit. A cet égard, il me semblerait opportun de mettre en place un partenariat d'accompagnement social, en sus du partenariat portant sur le financement des formations. Pour des populations particulièrement fragilisées, telles que les jeunes ou les chômeurs de longue durée, il me semblerait utile de désigner un référent social, en plus du référent professionnel, pour faciliter l'accès à l'emploi de ce type de publics.

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