Intervention de Jean de Ponton d'Amécourt

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 1er décembre 2010 : 1ère réunion
Situation en afghanistan — Audition de m jean de ponton d'amécourt ambassadeur en afghanistan

Jean de Ponton d'Amécourt, ambassadeur :

Les frappes américaines ont considérablement déstructuré Al-Qaïda. Pour autant, en dépit de la guerre à mort que mène la CIA contre cette organisation terroriste depuis 2001, Ben Laden continue à opérer depuis un territoire mal contrôlé par les Pakistanais, et même à communiquer avec l'extérieur. Un mystère au vu de la redoutable machine lancée à ses trousses par tous les services secrets occidentaux ! Le mollah Omar, lui, qui préside la Choura de Quetta, ferait la navette entre Karachi et Quetta, vraisemblablement avec des complicités pakistanaises. Al-Qaïda, bien qu'affaibli, existe toujours et travaille en coopération étroite avec le réseau Haqqani, lui-même très dépendant de l'ISI -les services secrets pakistanais-, et qui compte en son sein des combattants arabes.

J'en viens à la question extraordinairement complexe des esprits. Fondamentalement, l'Afghanistan n'est pas un pays intégriste. On y pratiquait un islam relativement modéré atour de confréries soufies. L'intervention soviétique, très destructrice, a provoqué une insurrection très semblable à l'insurrection vendéenne durant les guerres de la République, à la différence qu'elle a été encadrée par les mollahs, et non par l'aristocratie locale, qui a été liquidée. Les médersas d'inspiration wahhabite ou deobandie -un islam indien inspiré du wahhabisme- se sont emparées du pouvoir religieux, le roi Zaher ne prêtant qu'une attention limitée à ces questions. Avec la déstructuration du pouvoir tribal, des khans et des chefs religieux, les mollahs, aussi incultes que nos curés vendéens, ont pris la tête du mouvement insurrectionnel. Les grands moudjahidines, y compris le commandant Massoud qui avait une vision géopolitique, n'avaient pas une vision très progressiste de la religion et de la femme. Si la population reste d'esprit modéré, elle est encadrée par des extrémistes présents jusque dans l'entourage proche du président Karzaï. Que laisserons-nous à la fin de la partie, au moment de l'end game ? La question reste posée au vu du formidable retour en arrière qu'a connu l'Afghanistan. Dans les années 1960, Kaboul était la ville où l'on venait d'Iran, du Pakistan, du Golfe et d'Asie centrale se prélasser au bord de la piscine de l'Intercontinental, danser dans les boîtes de nuit et faire les courses dans les magasins du centre-ville. Tout cela a disparu : on n'y voit presque plus que des hommes en costume traditionnel et des femmes en burka. Pour des raisons obscures, chacun s'y sent obligé de s'habiller ainsi, jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir, ce que personne n'aurait fait il y a vingt ou trente ans.

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