Intervention de Michel Mercier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 7 mars 2006 : 1ère réunion
Familles monoparentales et familles recomposées — Audition de Mme Josèphe Mercier présidente de la fédération nationale solidarité femmes accompagnée de mmes marie-dominique de suremain directrice de la veille et christine clamens directrice des ressources humaines et du service de la formation professionnelle

Photo de Michel MercierMichel Mercier :

a rappelé que la Fédération nationale solidarité femmes regroupait 59 associations réparties sur le territoire national, qui ont pour vocation l'accompagnement des femmes victimes de violences au sein de leur couple, notamment en matière de procédures administratives et d'hébergement d'urgence. Elle a ainsi relevé que, si la Fédération n'avait pas pour objet principal l'étude des familles monoparentales et des familles recomposées, elle était nécessairement amenée à s'y intéresser, car le rejet par les femmes des violences dont elles sont victimes au sein de leur couple signifie également pour elles l'entrée dans la monoparentalité. Elle a en effet fait observer que les femmes quittaient leur conjoint ou compagnon violent dans des conditions généralement dramatiques, qui sont la source de procédures civiles et pénales complexes, de traumatismes pour ces femmes et leurs enfants, et de précarité.

Elle a regretté une mauvaise articulation et même, parfois, une certaine incohérence entre les procédures civiles, en particulier celles liées aux lois sur le divorce et sur l'autorité parentale, et les procédures pénales susceptibles d'être mises en oeuvre en cas de violences au sein du couple, et elle a dénoncé leurs conséquences négatives pour les enfants.

a estimé que le législateur conservait du modèle familial une conception traditionnelle, reposant sur le mariage d'un homme et d'une femme qui ont ensuite des enfants, et qui n'est plus, selon elle, adaptée à la réalité de la société française actuelle. Elle a d'ailleurs rappelé la formule de la sociologue Irène Théry, selon laquelle la société considère les familles monoparentales et recomposées comme de la « fausse monnaie », et elle a regretté la persistance d'une certaine stigmatisation de ces formes de famille.

Elle a considéré que cette conception traditionnelle se retrouvait chez les juges qui, dans leurs décisions, privilégient le couple conjugal au détriment du couple parental. Elle a également déploré que l'application de la loi relative à l'autorité parentale du 4 mars 2002 conduise à ignorer le comportement des parents entre eux, en prenant en compte uniquement celui qu'ils ont vis-à-vis de leurs enfants. Illustrant ses propos par la propension du juge à recommander une médiation pénale aux couples en proie à la violence, qui n'est pourtant pas un conflit conjugal anodin, elle a conclu à une trop fréquente méconnaissance du phénomène des violences au sein du couple par le juge, tant du point de vue des victimes que de celui des agresseurs.

Elle a rappelé que la séparation du couple était le moment le plus dangereux pour des femmes fragilisées et menacées par leur conjoint ou compagnon qui, bien souvent, n'accepte pas leur départ. Elle a expliqué que la transformation de l'enfant, placé au centre du rapport de forces, en enjeu de la séparation pouvait entraîner un sentiment de culpabilité chez la mère. Elle a ajouté que la procédure civile mise en oeuvre au moment de la séparation, qui tend à rendre « neutre » la relation entre les conjoints, pouvait conduire la femme à renoncer à déposer plainte contre son conjoint violent, par crainte des conséquences pour ses enfants. Elle a conclu à une certaine inadaptation des procédures civiles aux situations de violences conjugales.

a constaté que la notion de l'intérêt de l'enfant était au centre du dispositif issu de la loi du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale, plaçant les deux parents sur un pied d'égalité, alors que l'enfant est fréquemment le seul témoin des violences subies par sa mère. Citant un extrait du rapport du Professeur Henrion de 2001 concernant les conséquences de ces violences pour les enfants, elle s'est dès lors interrogée sur le point de savoir s'il est possible d'être un bon père sans être un bon compagnon. Elle a estimé que la conception dite « modernisée » des relations entre les parents, consacrée par la loi, était une conception idéalisée et que les procédures civiles niaient la réalité des violences au sein du couple, alors que cette forme de violence est précisément la cause la plus fréquente de séparation. Aussi bien a-t-elle souhaité qu'un effort soit porté sur le moment de la séparation, en donnant un minimum de repères aux femmes et aux enfants. Elle a en effet indiqué qu'une même affaire de violence pouvait revenir plusieurs fois devant le juge aux affaires familiales qui, selon elle, ne tient pas suffisamment compte de la spécificité de la violence conjugale, alors qu'il devrait systématiquement procéder à un rappel à la loi au sein de la famille en insistant sur le caractère délictuel de ce type de violences.

Elle a conclu à une insuffisance de l'articulation des procédures pénales et des procédures civiles, qui a également pour conséquence de ne pas indiquer clairement à l'enfant que la violence est sanctionnée par la loi, au risque de perpétuer cette violence dans l'avenir. Elle a en effet constaté que de nombreux jeunes auteurs d'actes de violence avaient grandi dans un contexte familial extrêmement tendu.

a dénoncé l'existence de plus en plus fréquente de situations familiales pouvant être qualifiées de « gravissimes » en termes de non-droit pour les femmes victimes de violences et leurs enfants. Elle a estimé que certaines décisions de justice telles que la résidence alternée n'étaient pas adaptées à des situations de violences au sein du couple, faisant observer que certains hommes, condamnés pénalement pour violence sur leur conjointe, avaient paradoxalement pu bénéficier de la garde de leur enfant.

Elle a également regretté que les parents séparés fussent tenus, pour organiser l'exercice de l'autorité parentale partagée sur les enfants, de faire connaître leur adresse à l'autre parent, cette obligation constituant une aubaine pour un homme violent n'acceptant pas la séparation. Elle a appelé de ses voeux la création de lieux-relais adaptés qui permettraient aux pères violents d'exercer leur droit de visite sans avoir accès au domicile de la mère. Elle a regretté que, trop souvent, les travailleurs sociaux, confrontés aux violences au sein du couple, confondent l'application de la loi et la « prise de parti » pour les femmes, en ayant l'impression de cautionner le discours de la mère. Rappelant que 99 % des victimes de violences au sein du couple étaient des femmes, elle a conclu à la nécessité pour la société, par l'intermédiaire de la justice, de refuser une vision idéalisée de la parentalité et de renvoyer clairement chaque parent à ses responsabilités.

Un débat s'est ensuite instauré.

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