Le cahier des charges des opérateurs n'est pas ma création personnelle puisqu'il a été renforcé dans son niveau d'exigence par la commission d'appels d'offres qui comportait des représentants des partenaires sociaux membres du conseil d'administration de Pôle emploi. Quelles sont ces exigences ? La première est d'avoir des lieux accessibles, notamment aux personnes handicapées. A une époque, certains opérateurs, parmi ceux qui critiquent le caractère scandaleusement précis du cahier des charges, recevaient les demandeurs d'emploi dans des chambres d'hôtel. Le cabinet qui agissait ainsi n'avait pas de locaux. Par ailleurs, nous demandons aux prestataires d'actualiser le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) et de nous le transmettre, conformément à la loi qui s'applique à Pôle emploi. Cependant, les opérateurs privés ont raison sur un point, nous avons été trop exigeants sur les livrables, qui sont les documents qu'ils devaient nous envoyer pour témoigner qu'ils suivaient les différentes étapes du parcours. J'ai demandé que, dans le cadre de l'appel d'offres que nous allons lancer en 2012, nous soyons beaucoup moins consommateurs de ces documents. Je rappelle que les opérateurs reçoivent 50 % du paiement au moment de la prise en charge du demandeur d'emploi, 25 % selon la performance, puis 25 % si les personnes restent six mois dans leur nouveau travail. Pour le prochain appel d'offres, nous allons proposer de diviser le paiement en trois tiers égaux. Si j'ai monté à 50 % le paiement de la prise en charge, c'est d'abord parce que je ne voulais pas que les prix globaux soient trop élevés. En effet plus le paiement au moment de la prise en charge est faible, plus les opérateurs ont tendance à augmenter les prix de la prestation globale pour se sécuriser, surtout en période de forte augmentation du chômage. Je souhaite baisser les prix pour éviter que les opérateurs ne sécurisent les 50 % relatifs à la prise en charge et n'engagent que peu d'actions pour le reste de la procédure.
Par ailleurs, nous avons interrogé 6 000 demandeurs d'emploi qui étaient suivis par des opérateurs privés de placement et par Pôle emploi. Nous avons regardé le taux de retour à l'emploi à huit mois. Nous avons constaté, d'abord, que les demandeurs d'emploi reçus par les opérateurs privés étaient plus régulièrement reçus qu'à Pôle emploi et qu'ils étaient plus souvent reçus par un conseiller identique. En revanche, les opérateurs privés de placement proposaient moins d'offres d'emploi nouvelles que Pôle emploi. Enfin, après huit mois de suivi, 44 % des personnes suivies par Pôle emploi, en convention de reclassement personnalisé (CRP), avaient retrouvé un travail contre 38 % pour les personnes suivies par les opérateurs privés de placement. Ces résultats ne me surprennent pas : nous avions observé la même conclusion dans une évaluation réalisée en 2007-2008. Je ne dis pas que les opérateurs privés font mal leur travail, mais je trouve excessif qu'ils justifient leurs résultats moins bons par les contraintes que nous leur imposons. Cependant, je suis d'accord pour que nous soyons moins tatillons et plus souples sur les documents administratifs. Toutefois, que les opérateurs privés nous dressent un compte tendu tous les deux ou trois mois des modifications du PPAE et des offres d'emploi que les demandeurs d'emploi ont reçues ne me paraît pas scandaleux. Par ailleurs, nous devrons probablement renforcer la part du paiement à la performance. Dans cette logique, nous proposons un paiement en trois tiers égaux.
S'agissant de la formation, la situation est quelque peu différente. Le marché des offres de formation est compliqué et, souvent, l'offre y créait la demande. Pôle emploi a un peu inversé la mécanique et, désormais, la demande commande l'offre. Nous devons sûrement progresser sur certains points : nos marchés sont encore un peu compliqués et la mécanique de notre accord-cadre reste complexe et peut être assouplie. Nous sommes exigeants sur les cursus de formation que nous vendent les organismes, car les offres proposées sont de qualité inégale. Les organismes de formation affirment, par ailleurs, que les procédures imposées pas Pôle emploi sont trop lourdes. Il est vrai que la procédure d'appel d'offres est exigeante. Toutefois, il est difficile de la modifier, dans la mesure où elle est encadrée par la réglementation européenne. Cette situation est véritablement difficile. Nous pourrions opter pour un dispositif dans lequel Pôle emploi n'achèterait plus de formation mais verserait une subvention aux chômeurs afin qu'ils trouvent un organisme de formation. Toutefois, ce système serait 30 % plus coûteux et permettrait donc à moins de personnes de suivre une formation. Si Pôle emploi n'est pas parfait, les organismes de formation et les partenaires sociaux n'ont, quant à eux, pas toujours eu un comportement irréprochable.
Vous avez évoqué le projet d'accord-cadre avec l'association des régions de France (ARF). Nous avons été assez loin dans la négociation et puis j'ai arrêté le processus pour deux raisons. La première raison, c'est que Pôle emploi et l'ARF ne pouvaient laisser de côté un partenaire, l'Etat, qui ne l'aurait pas bien accepté. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) craignait qu'un accord-cadre ne mette en difficulté les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et les préfets de région dans leurs relations avec les conseils régionaux et avec Pôle emploi. Comme cet accord ne comportait pas de dispositions d'une importance essentielle, j'ai considéré qu'il n'était pas nécessaire de se froisser avec l'Etat à ce sujet. J'ai donc privilégié les négociations régionales. Dans certains cas, les préfets de région ont été associés à la signature, dans d'autres, ils ont considéré que ce sujet n'était pas de leur ressort, préférant laisser Pôle emploi traiter avec la région. La situation dépendait aussi de la relation politique locale entre le préfet de région et le président du conseil régional. Je ne suis pas certain qu'en région Aquitaine, par exemple, il sera facile de signer un accord Etat-Pôle emploi-région. En revanche, en Rhône-Alpes, un accord Etat-Pôle emploi-conseil régional sur la formation a été signé. Enfin, au moment où je devais décider de continuer ou pas, l'ARF a présenté des propositions pour l'avenir qui prévoyaient une décentralisation de Pôle emploi. J'ai alors décidé d'attendre de voir comment la situation évoluerait. Nous avons laissé ce sujet de côté et près d'une vingtaine d'accords ont été signés entre des conseils régionaux et les directions régionales de Pôle emploi.
Nous avions signé avec l'Assemblée des départements de France (ADF) un accord, qui date de juin 2009, au moment de la mise en place du RSA. Cet accord n'a pas eu la même portée politique que celui que j'avais signé du temps de l'ANPE avec l'ADF lors de l'entrée en vigueur du RMI. Au moment de la signature, j'ai senti que l'ADF ne savait pas si les départements allaient fortement s'investir dans le financement de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA ou si Pôle emploi, sur qui pesaient de grands espoirs à sa création, en aurait la charge. L'ADF n'a pas souhaité que nous définissions l'offre de services spécifique et la grille tarifaire. Nous ne sommes donc pas allés au-delà d'un accord de principe. Je pense qu'il serait nécessaire de reprendre contact avec l'ADF, notamment pour travailler sur le RSA. Je partage d'ailleurs pleinement les observations qui ont été formulées à ce sujet.
Je suis d'une manière générale favorable à toute simplification des procédures régionales de concertation. Les conseils régionaux de l'emploi (CRE), les comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP), les commissions paritaires interprofessionnelles régionales de l'emploi (Copire) et les instances paritaires régionales (IPR) regroupent plus ou moins les mêmes personnes. Un peu de simplification ne nuirait donc pas.
Pôle emploi doit-il être signataire des contrats de plan régionaux de développement de la formation professionnelle (CPRDFP) ? Par fierté pour mon établissement, je répondrais positivement, mais nous ne sommes qu'un modeste opérateur et les commanditaires, l'Etat et le conseil régional sont politiques. Nous nous contentons donc d'être associés au travail. Si nous étions signataires au même titre que le préfet de région et le conseil régional, l'égo de l'établissement en serait flatté. Toutefois, je ne suis pas certain qu'un fonctionnement de ce type soit possible. Néanmoins, si on me le proposait, je le ferais volontiers.
J'ai largement évoqué la déconcentration tout à l'heure. Je pense qu'elle doit se traduire par des transformations internes dont la plus significative sera la réduction des effectifs des directions générales et régionales. Plus les effectifs sont nombreux dans ces structures, plus le système crée de la norme, de l'instruction et de la volonté de contrôler. Je n'ai pas ou peu diminué ces effectifs au cours des trois premières années d'abord parce que les directions générales et régionales ont été submergées de travail. Ensuite, lorsque deux réseaux fusionnent, des doublons apparaissent. Or des personnes qui n'ont pas démérité peuvent être concernées et il n'est pas aisé de les déplacer. Nous avons donc lancé un programme qui s'appelle « Références », qui consiste à référencer l'organisation des fonctions supports, le dimensionnement des directions régionales et des directions territoriales et qui prévoit une réduction globale de la ligne managériale. Nous estimons que quelques centaines d'emplois devront être supprimés au niveau des directions régionales et territoriales. Afin de montrer l'exemple, j'ai décidé que les effectifs de la direction générale seraient baissés dans des proportions deux fois plus importantes que ceux des directions régionales. Par ailleurs, nous accorderons davantage de confiance aux acteurs de terrain, dont la qualité est très grande. Chacun doit apprendre à faire confiance et à faire baisser la pression sur les indicateurs et les instructions. A l'heure actuelle, les boîtes électroniques des directeurs d'agence sont inondées d'instructions en provenance de la hiérarchie. En effet, les instructions de la direction générale sont d'abord transmises aux directions régionales. Ces dernières rédigent une seconde note pour contextualiser avant de la transmettre aux directions territoriales qui, elles aussi, en écrivent une nouvelle mouture. Nous devons donc mettre en place une discipline collective et nous aurons besoin de temps.