Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je vous remercie d'entendre l'ADF sur ce sujet. Je voudrais d'abord rappeler quelques éléments de contexte : le RSA a été créé il y a deux ans seulement et ce délai est un peu court pour réaliser une évaluation. Le RSA a mis la question du retour à l'emploi de ses bénéficiaires au premier plan, en faisant en sorte qu'il soit plus intéressant pour eux de reprendre un travail plutôt que de rester inactifs. L'objectif était aussi de ne pas stigmatiser les publics, en affirmant que tous les bénéficiaires étaient appelés à retrouver un emploi.
Trois partenaires principaux ont dû gérer la mise en place du RSA. Les caisses d'allocations familiales (Caf) ont dû faire face à un afflux important de demandes et Pôle emploi a dû assumer de nouvelles responsabilités, parallèlement à sa gestion de la fusion entre l'ANPE et les Assedic qui a compliqué la situation. Les conseils généraux étaient prêts à assumer leur responsabilité de chef de file, malgré un contexte budgétaire difficile. Dans un contexte de crise économique, le chômage a explosé et les publics concernés ont été plus nombreux que prévu. Le projet du RSA était donc intéressant théoriquement, mais il est arrivé à un moment compliqué. Malgré tout, six mois après le vote de la loi, tous les départements avaient réussi à mettre en place cette nouvelle prestation.
Le RSA pose également la question des partenariats. En effet, la loi a redéfini le rôle de chaque partenaire : le département, responsable de la prestation, doit intégrer des compétences d'insertion et d'emploi. Les Caf ont également reçu une responsabilité forte pour le versement des prestations et pour l'accompagnement des publics. En Essonne, nous avons signé une convention avec la Caf, pour définir les modalités d'accompagnement des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé (API), remplacée par le RSA. Pôle emploi, les autres partenaires infra-départementaux, notamment les centres communaux d'action sociale (CCAS), le tissu associatif, les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) et les acteurs de l'insertion sont aussi amenés à jouer un rôle important dans la mise en oeuvre du dispositif. N'oublions pas les régions et l'Etat, dont les prérogatives en matière d'emploi restent essentielles.
Deux ans après la création du RSA, nous sommes encore au milieu du gué et nous devons envisager les améliorations à apporter. La fusion de l'ANPE et des Assedic a été peu préparée, s'est déroulée de façon rapide et reste inachevée. Je pense que ce constat est général. Nous ne pouvons pas gérer les politiques d'insertion à une trop grande échelle. Or on parle maintenant d'agences régionales de Pôle emploi ce qui nous inquiète en raison de l'éloignement du terrain qui pourrait en résulter.
Pôle emploi a bien sûr des objectifs nationaux et des comptes à rendre, mais il devrait adapter son action au contexte économique de chaque territoire. Les conseils généraux ont un peu perdu la maîtrise de la définition des grandes orientations, ce qui a rendu leur approche locale plus difficile. En 2007, à l'époque du RMI, les trois quarts des départements avaient contractualisé avec l'ANPE ; ce travail a été partiellement déstabilisé avec l'arrivée du RSA. Les difficultés liées à la création de Pôle emploi ont desserré les liens que les conseils généraux avaient noués avec les directions départementales de l'ANPE. Nous évoluons toujours dans un contexte marqué par la faiblesse des moyens et par des ambigüités quant au rôle des différents partenaires.
Le département, comme chef de file, est logiquement demandeur de partenariat avec Pôle emploi, mais ce dernier préfère suivre sa logique, ne cherchant pas forcément à s'associer aux départements. Cela se voit sur la définition de l'offre d'insertion, par exemple : les offres de Pôle emploi et des départements ne sont pas bien articulées. Ce travail de partenariat est nécessaire, mais a peut-être été freiné en raison de la crise, qui a installé un clivage entre les publics employables et ceux qui le sont moins et qui doivent bénéficier d'un travail d'insertion sociale. Alors que l'un des objectifs du RSA était de ne pas stigmatiser certains publics, le clivage entre les personnes employables et les autres me semble trop marqué. Si certains conseils généraux ont arrêté de financer des postes à Pôle emploi, c'est parce qu'ils souhaitaient un retour d'information, qui justifierait cet accord dans une logique de donnant-donnant. Pôle emploi ne peut pas se contenter de proposer des prestations en demandant au département de les payer. Je rappelle aussi le poids des contraintes budgétaires des départements.
Les résultats de Pôle emploi en matière de retour à l'emploi des titulaires du RSA dépendent des territoires. Dans les départements où la crise économique a été très forte et s'est traduite par une perte d'activité et des fermetures d'entreprises, la situation est beaucoup plus difficile. Ceci étant, Pôle emploi est mieux armé pour les publics les plus proches de l'emploi que pour les bénéficiaires du RSA. Par ailleurs, les conseils généraux ne savent pas ce que deviennent les bénéficiaires du RSA qui sont suivis par Pôle emploi. Ces personnes sont traitées par Pôle emploi comme le public de droit commun. Elles ne sont pas identifiées dans le système d'information de Pôle emploi, qui ne sait pas évaluer les résultats de son action les concernant. Cependant, nous travaillons, en Essonne, avec Pôle emploi pour trouver des solutions à ce problème. Les départements ressentent mal les critiques sur leur travail d'insertion, puisqu'un tiers de leur public leur échappe entièrement. En Essonne, 6 000 allocataires sont suivis par Pôle emploi et nous n'avons aucune information à leur sujet. Même si la loi ne l'indique pas spécifiquement, Pôle emploi devrait avoir une politique spécifique pour les bénéficiaires du RSA, qui constituent un public prioritaire. Les conseils généraux ne veulent pas payer pour compenser, car la loi ne le prévoit pas.
Pour aider au retour à l'emploi, les emplois aidés peuvent être utiles. Toutefois, la politique concernant ces emplois aidés est trop erratique : les départements sont d'accord pour en prescrire mais ils constatent parfois, en cours d'année, qu'il n'est plus possible d'en signer. Il faut au contraire de la continuité dans la politique d'insertion. En ce qui concerne l'aide personnalisée de retour à l'emploi (Apre), la situation n'est pas non plus optimale car la politique menée a varié dans le temps, voire d'un département à l'autre.
Quelles améliorations seraient envisageables pour offrir un accompagnement global aux personnes les plus éloignées de l'emploi ? La question de la territorialisation est importante. L'idée qui a été avancée de création d'agences régionales pour l'emploi ne nous paraît pas très opérationnelle, car une approche plus locale serait mieux en phase avec les besoins des publics en difficulté. Des dispositifs locaux comme les Plie ont montré leur utilité. Les systèmes informatiques des Caf et de Pôle emploi, qui doivent être améliorés, ne nous permettent pas d'exploiter les données relatives aux titulaires du RSA. Je regrette également qu'un seul représentant des collectivités territoriales siège au conseil d'administration de Pôle emploi. Quant au parcours d'accompagnement, il faut qu'il soit construit conjointement par le département et Pôle emploi. Dans notre département, nous allons expérimenter une plateforme commune d'orientation avec Pôle emploi.
En ce qui concerne le fonctionnement du service public de l'emploi au niveau local et la place des conseils généraux, nous sommes souvent dans des situations de concurrence : par exemple, les crédits du fonds social européen (FSE) peuvent être utilisés par les départements ou les Plie. Les départements devraient avoir les moyens d'assumer leur rôle de chef de file sur la question du RSA, dans le cadre contractuel défini par le programme départemental d'insertion (PDI).
Pour conclure, l'ADF avait proposé, au moment de la réforme territoriale, qu'il y ait, au niveau des départements, des commissions de coordination locale, avec tous les acteurs concernés, pour mettre en oeuvre les projets communs décidés dans le cadre de la conférence des exécutifs régionaux, qui a un rôle d'impulsion en matière économique. Aujourd'hui, nous sommes tous inquiets au sujet des moyens financiers qui nous sont alloués suite à la décentralisation. Cette situation explique pourquoi nous ne souhaitons pas nous engager dans des politiques de l'emploi que nous ne pourrions pas assumer financièrement. Les départements ont-ils un rôle à jouer dans les politiques de l'emploi ? Il faudrait certainement clarifier les compétences dans ce domaine.