Intervention de Alain Néri

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission immigration asile et intégration - programme exercice du droit d'asile - examen du rapport pour avis

Photo de Alain NériAlain Néri, co-rapporteur pour avis :

Je voudrais rapidement dresser un panorama de la demande d'asile. La France est le deuxième pays mondial destinataire de demandes d'asile, derrière les États-Unis. En 2010, ce sont plus de 52 000 demandes qui ont été enregistrées auprès de l'OFPRA, en hausse de 14 % par rapport à l'année précédente.

Le nombre de demandes déposées est estimé à 23 406 au premier semestre 2011 par le ministère de l'intérieur, soit une progression de 14,1 % par rapport à la même période en 2010. En 2010, le premier pays de provenance des demandeurs d'asile est le Kosovo (3 267 premières demandes) devant le Bangladesh (3 061 premières demandes).

Si la tendance observée au cours du premier semestre 2011 se maintient, le nombre de demandes de protection internationale (mineurs accompagnants compris) pourrait s'élever à 58 000 en 2011 et 64 000 en 2012.

Or, cette augmentation continue pose des problèmes en matière de traitement des dossiers. A l'OFPRA, le délai d'examen d'une demande d'asile, indicateur essentiel du programme, est en constante augmentation depuis quelques années pour atteindre un pic prévisionnel de 150 jours en 2011. Un recrutement de 30 personnes a été réalisé, mais l'impact sur le délai de traitement des dossiers a été quasi-nul du fait de l'augmentation parallèle du nombre de demandes.

Ce problème a des conséquences autant en termes humains que sur le plan financier. Sur le plan humain, il est impensable de laisser un demandeur d'asile dans l'incertitude pendant aussi longtemps, délai d'autant plus allongé si la réponse s'avère négative et est suivie par un recours auprès de la CNDA. Sur le plan financier, un tel délai a un coût et des conséquences non négligeables sur les finances publiques.

M. Claude Guéant avait indiqué lors de son audition devant la commission que les effectifs de l'OFPRA seraient consolidés et que 15 nouveaux emplois, gagés sur les effectifs du ministère de l'intérieur, seraient ouverts en 2012. Ceci devrait permettre de réduire le délai global de traitement des dossiers de moitié. Nous resterons extrêmement vigilants sur ce point.

La deuxième limite, qui se place dans la continuité de la première, est le cas de la CNDA. Deuxième étape d'un demandeur d'asile qui voit sa demande refusée par l'OFPRA, la CNDA est confrontée aux mêmes problèmes, puisque le nombre de recours déposés auprès d'elle est à la hausse, +10 % entre 2009 et 2010. Au premier semestre 2011, ce sont plus de 15 000 recours qui ont été déposés par les demandeurs d'asile.

Cette croissance des entrées a rapidement impacté les délais de jugement. Le délai moyen prévisible de jugement a dépassé 15 mois fin 2009, contre un peu plus de 10 mois fin 2008.

Afin de répondre à cette hausse parallèle des recours et des délais, un plan d'action a été mis en place par le Conseil d'État. Ce plan de recrutement a porté prioritairement sur des emplois de rapporteurs (en charge de l'instruction des recours), passés de 70 fin 2009 à 95 fin 2010 et à 135 fin 2011. L'augmentation des recrutements devrait ainsi permettre de juger 38 000 affaires en 2011 (contre 24 000 en 2010) et 47 000 fin 2012, et d'atteindre un délai prévisible moyen de jugement de 9 mois fin 2011 et de 6 mois fin 2012.

Enfin, la troisième et dernière limite que je souhaite souligner est celle de l'hébergement des demandeurs d'asile. Les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ont une capacité de 21 410 places en 2011, nombre en progression, mais qui ne suffit pas à couvrir le besoin réel. D'autres solutions doivent être trouvées, qui prennent la forme d'hébergement d'urgence ou d'ATA, dépenses qui explosent comme mon collègue l'a souligné.

A cela s'ajoute le problème de la répartition géographique des demandeurs d'asile sur le territoire français. Des situations très différentes entre les communes sont constatées, certaines supportant la charge plus que d'autres.

C'est pourquoi une circulaire relative au pilotage du dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile a été publiée le 24 mai 2011, afin d'homogénéiser les pratiques, organiser la répartition des demandeurs d'asile et rationaliser les dépenses. Un suivi précis et trimestriel de l'activité d'hébergement d'urgence est ainsi mis en oeuvre au plan régional. Encore une fois, vos rapporteurs resteront très attentifs sur cette question.

En conclusion, le constat est simple, on ne peut que saluer l'augmentation de l'enveloppe budgétaire affectée au programme 303 et surtout à son action 2. Cependant, force est de constater aussi que les crédits inscrits restent notoirement insuffisants pour apporter une réponse positive aux dossiers prioritaires que sont :

- les délais trop longs de l'instruction des dossiers de demandeurs d'asile qui varient de 130 à 150 jours à l'OFPRA pour atteindre 2 ans s'il y a un recours au CNDA. Laisser un demandeur d'asile aussi longtemps dans l'incertitude est inhumain. Malheureusement, le stock des dossiers est toujours plus important à l'OFPRA.

- l'hébergement en CADA (Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile), qui ne couvre pas les besoins réels. Les hébergements d'urgence se multiplient, posant de graves problèmes financiers à certaines communes et aux départements. L'ATA (Allocation Temporaire d'Attente) reste sous-budgétisée comme c'est le cas depuis plusieurs années.

Aussi, je vous propose de rejeter le projet de budget de la mission « immigration et droit d'asile ».

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