Intervention de Didier Boulaud

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission défense - programme environnement et prospective de la politique de défense - examen du rapport pour avis

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud, rapporteur pour avis :

Avec mes collègues MM. André Trillard et Jeanny Lorgeoux, nous souhaitons vous présenter les crédits du programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « défense ».

Le responsable de ce programme, M. Michel Miraillet, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense, est venu devant la commission, le 19 octobre dernier, exposer dans le détail ce projet de budget.

Je rappelle que ce programme 144 présente la particularité de regrouper des éléments très différents, puisqu'il comprend notamment :

- les crédits de deux des trois services de renseignement qui relèvent du ministère de la défense : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction générale de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), le troisième, la Direction du renseignement militaire (DRM), relevant de la responsabilité du chef d'état-major des armées au sein du programme 178 ; quant à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) elle relève de la direction générale de la police nationale et de la mission « Sécurité » ;

- une partie de l'effort de recherche et de prospective en matière de défense, avec en particulier les « études amont » ;

- les crédits consacrés à l'action internationale du ministère, à travers le soutien aux exportations d'armement ou la diplomatie de défense.

Je limiterai mon intervention aux crédits des services de renseignement, avant de laisser la parole à mes collègues M. Jeanny Lorgeoux, qui traitera des aspects relatifs à la recherche de défense, et M. André Trillard, qui vous présentera les crédits concernant la diplomatie de défense et le soutien aux exportations d'armement.

Globalement, le programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » voit ses crédits augmenter de 5 % en 2012.

Cette hausse est principalement due à l'augmentation des effectifs et des moyens des services de renseignement, notamment la DGSE.

Je rappelle que la DGSE est le service de renseignement ayant pour mission de protéger les intérêts et les ressortissants français à l'étranger. Avec mes collègues, nous nous sommes rendus au siège du service et nous avons eu un entretien avec son directeur, le Préfet M. Erard Corbin de Mangoux.

Pour 2012, le budget de la DGSE s'élèvera à 593 millions d'euros, soit une hausse de 9 % par rapport à 2011. A cette dotation, il faut ajouter les crédits provenant des fonds spéciaux, dont le montant est de 53,9 millions d'euros.

Quelles sont les raisons qui expliquent l'augmentation de ses crédits ?

Premièrement, 135 emplois supplémentaires devraient être créés en 2012, ce qui est conforme au plan de recrutement prévu par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008.

L'une des priorités du Livre blanc a porté sur le renforcement de la fonction « connaissance et anticipation ». A ce titre, la DGSE devrait voir ses effectifs augmenter de près de 700 agents sur la période 2009-2014.

Le service compte actuellement 4 760 agents, dont 3 450 civils et 1 300 militaires. A périmètre comparable, les services britanniques comptent un effectif pratiquement deux fois supérieur à celui de la DGSE. C'est aussi le cas des services allemands, qui ne remplissent pas les mêmes missions.

Les recrutements concernent exclusivement des personnels de haut niveau : deux tiers d'ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique, un tiers sur des analystes et des linguistes pour l'exploitation du renseignement.

Le nombre des emplois créés ne donne pas la pleine mesure de l'effort financier réalisé. Il s'agit quasi-exclusivement de personnels de catégorie A. Comme nous l'a indiqué son directeur, le service ne rencontre aucune difficulté en ce qui concerne le recrutement.

Un deuxième facteur d'augmentation des crédits est la poursuite de l'amélioration de la situation statutaire et indiciaire des fonctionnaires de la DGSE. Cela avait été fait les années précédentes pour les catégories B et C. Le décret du 30 décembre 2010 a concerné les catégories A avec la modernisation des statuts et la création d'un corps d'administrateurs de la DGSE. Il s'agit à la fois d'aligner les perspectives de carrière sur la fonction publique d'Etat et de favoriser la mobilité, notamment grâce à la création de l'académie nationale du renseignement et à des passerelles entre les services. L'aspect le plus visible de cette refonte tient à ce que ce corps est en partie recruté à la sortie de l'ENA, afin de donner un signe de la volonté de décloisonner et de revaloriser le renseignement, dans le cadre de la création d'une véritable « communauté du renseignement ». Ainsi, un poste à la DGSE a été offert à la sortie du dernier concours de l'ENA.

Troisième facteur d'augmentation, les crédits d'équipement. Il s'agit de renforcer les moyens d'écoute des télécommunications, afin de s'adapter à la croissance des flux, ainsi que les capacités de déchiffrement. Il faut préciser, à cet égard qu'une partie des moyens font l'objet d'une mutualisation avec les autres services de renseignement, notamment la DRM.

En résumé, le projet de budget de la DGSE traduit l'accentuation des moyens humains et techniques prévue par le Livre blanc.

Comme j'avais eu l'occasion de le dire les années précédentes, cet effort qui se chiffre en dizaines de millions - ce qui reste modeste par rapport à l'ensemble du budget de la défense - doit surtout être analysé comme un rattrapage nécessaire. Dans le passé, les moyens de la DGSE n'avaient pas vraiment été augmentés à la hauteur des besoins.

J'ajoute que la DGSE bénéficie également de moyens qui ne relèvent pas de son budget, comme les satellites de renseignement. Le programme Musis me semble préservé.

J'ai en revanche quelques inquiétudes sur le décalage du satellite d'écoute Ceres, même si la DRM semble plus concernée que la DGSE. Une capacité d'écoute spatiale, en particulier des communications, me semble vraiment indispensable pour des zones d'intérêt comme par exemple le Sahel.

Toujours sur le renseignement, je voudrais dire un mot sur la DPSD, service moins connu que la DGSE et dont on parle peu. Avec mes collègues, nous nous sommes d'ailleurs rendus au siège de la DPSD pour nous entretenir avec son directeur, le général Antoine Creux, et visiter ses différents services.

La DPSD est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense. Elle est chargée de rendre des avis sur les demandes d'habilitation des militaires et elle assure la protection des installations, y compris sur les théâtres d'opérations extérieures. Elle agit également au profit des entreprises liées à la défense, en matière de contre-ingérence et d'intelligence économique.

A l'exact opposé de la DGSE, la DPSD doit perdre 15 % de ses effectifs en six ans, soit environ 200 emplois (elle en compte aujourd'hui 1200). Mais cette diminution ne devrait pas affecter la substance du service, puisqu'elle portera essentiellement sur des personnels affectés à des tâches très administratives de gestion des procédures d'habilitation des personnels.

Ces procédures vont être entièrement numérisées à l'horizon 2013, grâce au projet SOPHIA, qui a pris un certain retard. Les gains obtenus vont en partie être redéployés pour renforcer le niveau de qualification, en recrutant davantage d'officiers brevetés et de personnels civils de catégorie A. Ainsi, la DPSD n'avait que 15 emplois civils de catégorie A en 2009. Elle en aura 33 en 2012.

L'organisation territoriale du service, qui dispose d'antennes sur l'ensemble du territoire, a également été rationnalisée, afin d'être cohérente avec l'implantation des bases de défense.

On peut donc constater un effort pour moderniser la DPSD et pour lui donner les moyens de contribuer davantage à la politique du renseignement.

Pour ma part, je porte donc une appréciation plutôt positive sur les crédits du programme 144, et je me félicite en particulier que les crédits consacrés au renseignement aient été préservés dans le cadre des économies prévues par les deux plans d'économies supplémentaires présentés par le gouvernement, même si on peut regretter le tassement des crédits destinés à l'effort de recherche de défense, et notamment des études amont.

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