Le second volet du programme 144 concerne les actions de recherche et de technologie de la direction générale de l'armement (DGA).
L'essentiel des dotations est constitué des crédits d'études-amont, qui financent les programmes de recherche contractualisés avec l'industrie. Ils augmentent de 3,6 % pour les autorisations d'engagement, à 732,5 millions d'euros, mais diminuent de près de 2 % pour les crédits de paiement, à 633 millions d'euros. On constate ainsi depuis quatre ans un tassement des crédits de paiement du programme 144 destinés aux études amont, autour de 650 millions d'euros par an.
Des financements complémentaires devraient permettre de porter la dotation autour de 700 millions d'euros. En 2009 et 2010, il y avait eu 110 millions d'euros supplémentaires sur deux ans avec le plan de relance. En 2012, on attend, comme l'an dernier, 50 millions d'euros provenant des ventes de fréquences hertziennes, si celles-ci se réalisent. Ces 700 millions d'euros annuels correspondent sensiblement à ce qui a été prévu par la loi de programmation militaire.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je limiterai mes propos à trois observations.
La première est l'importance cruciale des études-amont dans l'effort de défense du pays.
Comme le savent bien ceux d'entre vous qui travaillent sur ce sujet depuis quelques années, la recherche militaire est très différente de la recherche civile. Alors que la recherche civile procède, le plus souvent, par voie d'incréments, d'améliorations, par exemple, passer de l'Airbus A320 à l'Airbus A330, de l'A380 au A 350, la recherche militaire, elle procède par ruptures technologiques, par exemple entre les chasseurs de quatrième génération et ceux de cinquième génération, où la rupture dans la furtivité est massive. Cela parce que, depuis toujours, en matière militaire il faut trouver le glaive qui coupe mieux, la lance qui va plus loin, le bouclier qui protège mieux que celui de son voisin.
C'est donc, dans le domaine de la recherche militaire qu'interviennent souvent des innovations majeures. Je pense à l'internet, je pense à la géo-localisation, je pense aux téléphones portables, je pense aux micro-ondes, pour ne prendre que des innovations récentes et que nous utilisons tous les jours.
Or la recherche par rupture est extraordinairement onéreuse, car en réalité, on ne trouve pas toujours ce que l'on cherche et l'on trouve souvent ce que l'on ne cherchait pas.
Or, beaucoup de fleurons de notre industrie interviennent dans le secteur des équipements militaires : Thales, Dassault, EADS, Safran-Sagem, DCNS - dans sa partie ingénierie. C'est comme cela ! L'industrie allemande excelle dans l'automobile. Notre industrie excelle dans les équipements de défense. Au demeurant, c'est un peu la même chose pour l'industrie anglaise. Une étude de l'Université d'Oxford a ainsi montré que l'effet multiplicateur de la R & D de défense sur le PNB (impact de BAe sur une période cumulée de 12 ans) était estimé à un pourcentage du PNB britannique. Or ce qui abonde, ce qui irrigue, ce qui est la source de cet effort de recherche, ce sont précisément ces études-amont réalisées sur commande de l'Etat. Il faut donc considérer cette dépense comme un levier stratégique et veiller à son efficacité comme sur un trésor. Cela est possible grâce à des organismes étatiques comme la DGA, le CEA, le CNES, l'ONERA, - qui joue un rôle clef en matière aéronautique - et bien sûr les écoles, l'école polytechnique, mais aussi l'ENSTA et j'en oublie sûrement A cette efficacité économique, il faudrait ajouter le bénéfice immatériel induit par la maîtrise souveraine des produits développés par la filière française par rapport à un achat sur étagère ; la contribution économique globale générée par l'exportation et l'impact positif sur les bassins d'emploi.
Deuxième observation, si l'effort est important quantitativement, il est également important qualitativement. En effet, ce ne sont pas toujours les entreprises qui dépensent le plus dans la recherche qui réalisent les innovations les plus importantes. Si l'importance des crédits compte, la cohérence du plan d'études, le suivi dans le temps, l'investissement sur des technologies clef, tout cela compte aussi si on veut faire jouer à plein l'effet de levier et démultiplier les sommes investies par l'Etat. Il faut aussi, c'est parfois le cas, parfois non, que les entreprises consentent à faire des investissements sur fonds propres.
Or de ce point de vue, si je conçois bien la cohérence des études-amont en matière de dissuasion nucléaire, en revanche, mais cela est sans doute dû au fait que je viens de prendre la responsabilité de ce rapport, j'ai du mal à voir les autres grands projets structurants, notamment en matière de drones MALE et en matière de défense anti-missile balistique.
En matière de drones MALE, mais je suis certain que les rapporteurs du programme 146 nous en diront plus, le financement du démonstrateur NEUROn qui est un projet d'UCAV (drone de combat) semble s'arrêter en 2012, alors que NEUROn fera son premier roll out. Les sommes déjà investies sur NEUROn sont de 440 millions d'euros - hors taxe - dont 284 millions TTC, pour la France, le reste étant partagé par la Suède, la Suisse, l'Espagne, l'Italie et la Grèce. Sur ces 284 millions d'euros, nous avons déjà dépensé 247,3. 18 seront encore dépensés en 2012 et puis il ne restera que 25 millions d'euros pour l'après 2012. Je signale que l'autofinancement de l'industriel dans ce programme est nul.
Qu'y aura-t-il après ? Il semblerait que cela dépende des décisions qui seront prises dans le cadre du sommet franco-britannique de décembre. Nous en saurons plus sous peu je suppose, mais pour l'instant j'ai du mal à voir, comme mes collègues du programme 146, la cohérence de la stratégie industrielle suivie.
Pour ce qui est de la DAMB, la seule étude inscrite sur le programme 144 concerne la réalisation d'un démonstrateur de radar à très longue portée, dit TLP, pour un total de 30 millions d'euros. Là encore, si j'en crois le rapport d'information de mes collègues MM. Xavier Pintat, Daniel Reiner et Jacques Gautier qui ont creusé cette question de façon très approfondie, ce n'était peut être pas la chose la plus urgente à faire ? Sans doute eut-il mieux valu avancer la réalisation du satellite d'alerte avancée, successeur de Spirale, ou bien lancer des programmes moins onéreux en coopération européenne, tels le radar GS1000, qui serait capable de donner une capacité DAMB au missile Aster 30 ou bien le radar SMARTL de Thales Netherlands qui pourrait assumer une fonctionnalité très proche du TLP, mais sur les frégates Horizon, donc déplaçable.
Enfin, dernière observation. Les dépenses de recherche en coopération diminuent à l'exception notable des dépenses en coopération avec le Royaume-Uni. Avec ce dernier, notre objectif est de dépasser les 50 millions d'euros par an pour chacun des deux pays. En revanche, il y a une baisse des programmes en coopération avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Nous n'aurions jamais pu faire ce que nous avons fait ensemble dans le domaine des frégates, dans le domaine des satellites, dans le domaine des missiles si nous n'avions pas investi en commun dans les études amont qui ont permis la réalisation des programmes. La coopération avec l'Angleterre c'est bien. Avec l'ensemble des Européens, ce serait mieux, surtout quand les budgets de recherche diminuent.
Je ne voudrais pas terminer sans tirer un petit coup de chapeau à la DGA pour le programme RAPID, qui permet de financer dans les meilleurs délais les PME innovantes et, au bénéfice de ces observations, je recommanderai à la commission de s'abstenir sur le vote de ces crédits.