Intervention de André Dulait

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission défense - programme préparation et emploi des forces - examen du rapport pour avis

Photo de André DulaitAndré Dulait, co-rapporteur :

Comme vous le savez, le programme « Préparation et emploi des forces » regroupe la majeure partie des dépenses de personnel et de fonctionnement des armées.

Avec 23 milliards, ce programme est le plus important en volume de la mission Défense.

J'exposerai, pour ma part, les dépenses de personnels, laissant à notre collègue, Gilbert Roger, le soin de traiter des dépenses de fonctionnement et de maintien en condition opérationnelle.

Le programme 178 rassemble 88 % des effectifs du ministère de la défense, soit 260 000 Équivalents temps plein travaillés (ETPT). Il s'agit, à 84 % de militaires et à 16 % de civils.

Ce programme concentre donc toutes les problématiques de la gestion des ressources humaines des armées. Il constitue aujourd'hui le coeur de ce que l'on appelle « la grande manoeuvre des ressources humaines » en cours.

Aussi, je voudrais, tout d'abord, évoquer la poursuite de cette réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.

J'aborderai ensuite les crédits du titre 2 du programme 178 pour 2012.

Le projet de budget pour 2012 s'inscrit dans le cadre fixé par la LPM dont nous devrons l'année prochaine faire le bilan avant de commencer les travaux de la prochaine loi de programmation.

Je ne vais pas revenir sur la LPM, mais je rappellerai juste qu'avec une suppression programmée de 54 000 postes, la diminution du format d'ici 2014 est sans précédent : Il s'agit là d'une réduction de plus de 20 % de nos effectifs, 36 000 procèdent de l'optimisation des fonctions soutien, et 18 000 des unités combattantes.

Mais plus encore que la déflation des effectifs, c'est la réorganisation des méthodes avec :

- la dissolution de 53 organismes majeurs et le transfert de 25 organismes ;

- la création de 60 Bases de défenses dont 51 en métropole, de 5 Etats-majors de soutien de défense, de la Direction de la sécurité des aéronefs de l'Etat, de deux commandements interarmées consacrés à l'espace et aux hélicoptères, de 5 directions de soutien, etc ;

- la mutualisation et la rationalisation du soutien commun et le transfert de plus de 25 000 personnes des armées vers la sphère interarmées ;

- et enfin la poursuite des expérimentations d'externalisation.

Toutes ces réformes menées de front constituent autant de défis pour les armées qui sont en train de procéder à une transformation inédite par son ampleur.

Je ne crois pas que beaucoup d'institutions en France aient réussi un pareil tour de force en termes de restructuration et ceci, tout en engageant en permanence et en moyenne 12 000 hommes sur 9 théâtres d'opération.

Comme l'a souligné le chef d'Etat-major des armées, la fin des déflations programmées sera sans doute plus difficile à réaliser.

Elle ne résulte en effet plus de dissolutions massives de structures mais de rationalisations dans de multiples métiers. C'est un vrai défi.

Compte tenu de nouveaux besoins, l'objectif de 54 000 ne sera probablement pas atteint.

Cet objectif a été fixé avant que l'on ne décide d'augmenter les effectifs de notre base aux Émirats Arabes Unis, de réintégrer l'OTAN ou de maintenir une présence en Côte d'Ivoire.

Nos armées entreprennent un processus de transformation considérable.

D'un point de vue budgétaire, les économies directement liées à la réduction des effectifs sont de l'ordre de 200 millions pour 2012.

Ces économies devaient être entièrement réinvesties dans l'outil de défense, d'abord sur la condition militaire, ensuite sur les équipements.

En dépit du coût d'accompagnement des restructurations et de l'évolution des dépenses sociales, les crédits de rémunération devraient diminuer de 1 % par rapport à 2011 sous l'effet des 7 462 suppressions de postes, qui représentent à elles seules un quart des réductions d'effectifs de l'Etat.

Sur l'ensemble de la mission défense, les gains nets, c'est-à-dire une fois prélevées les dépenses d'accompagnement et les mesures indiciaires, ont été depuis le début 2008 de seulement 248 millions, pour une masse salariale de 9 milliards. Les gains sont donc en grande partie absorbés par les mesures de revalorisation de la condition militaire.

Sur le plan des effectifs : il est prévu que la déflation porte à 75 % sur les soutiens. Elle devra respecter une proportion de 25/75 % entre civils et militaires.

On l'a vu lors de l'audition des syndicats des personnels civils, cette réforme impose non seulement une réduction des postes de civils, environ 12 000 sur la période, mais surtout une mobilité géographique sans précédent. Il ya là une vraie difficulté qui explique qu'on puisse avoir à la fois 1 800 postes vacants et 1 000 personnels civils sans emplois. La réforme du soutien pose par ailleurs la question délicate de la répartition des tâches entre militaires et civils.

Les opportunités que présente cette réforme, tout à fait nécessaire, sont réelles. Une organisation rationalisée et mutualisée devrait être mise au service de notre outil opérationnel. C'est l'enjeu de la réforme : les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations. Si l'on diminue les effectifs sans réformer l'organisation en profondeur, c'est l'outil militaire dans sa globalité qui est mis en péril.

La difficulté, c'est que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d'effectifs ont été définis ; il faut qu'ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.

Sur la période 2011-2013, le ministère prévoit en moyenne une baisse de 8 000 emplois nets par an, par régulation des flux, reclassement dans la fonction publique ou attribution de pécule.

En 2011, la déflation s'est poursuivie au même rythme que 2010, mais compte tenu de l'avance prise, la réduction est de l'ordre de quelques 3 300 postes supplémentaires par rapport aux réductions prévues.

2011 a été le point d'inflexion de la transformation, avec la mise en place effective de toutes les structures nouvelles aussi bien dans le domaine opérationnel que dans celui du soutien. La moitié des réductions de postes est réalisée, après un effort très important de rationalisation et d'optimisation.

En ces temps de baisse d'effectifs, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les priorités.

Si la déflation d'effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par :

- le vieillissement des armées,

- un déséquilibre de la pyramide des grades,

- un embouteillage des carrières,

- et vraisemblablement un gonflement des soutiens.

Ces évolutions, à l'opposé de ce que nous recherchons, se traduiraient par une désorganisation des structures opérationnelles.

Pour l'instant, le seul volet de la manoeuvre qui ne fonctionne pas, c'est le volet reclassement des militaires vers la fonction publique, mais il fallait s'y attendre : seulement la moitié de l'objectif a été atteint : toutes les administrations réduisent leurs effectifs et n'accueillent donc pas nos militaires à bras ouvert.

On observe par ailleurs un télescopage entre la volonté de réduire les effectifs par des incitations au départ et l'allongement des durées de cotisation liée à la réforme des retraites. Les premiers effets de la réforme des retraites vont se faire sentir en 2012. On estime que la réforme va réduire les départs annuels spontanés de 600 par an.

Il s'agit là d'un point de préoccupation qui devrait conduire le ministère de la défense à renforcer les incitations au départ de façon à maintenir une pyramide des âges conforme aux besoins opérationnels.

J'en viens aux crédits du titre 2 du programme 178 pour 2012. Je ne vais pas vous assommer de chiffres, mais il en faut pour comprendre l'évolution des grandes masses. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour ce qui est de l'évolution en détail de chaque ligne budgétaire.

Le projet de loi de finances pour 2012 traduit la reconnaissance de la sous-dotation du titre 2 de la mission défense que nous avions soulignée l'année dernière. En 2011, on a encore constaté un déficit de l'ordre de 70 millions d'euros, ce qui ne représente cependant que 0,6 % des crédits de masse salariale de la mission défense.

L'une des difficultés de la « manoeuvre » tient dans la concordance entre le cadrage financier retenu pour l'évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d'effectifs.

Par rapport à la LPM, plusieurs évolutions ont conduit à une augmentation de la masse salariale alors même que les effectifs diminuent :

- l'intégration dans l'OTAN. La participation pleine et entière à l'OTAN se monte pour 2011 à 925 personnes, près de 26 millions d'euros au Titre 2. A terme, les surcoûts liés à l'intégration à OTAN seront de près de 130 millions d'euros par an qui n'avaient pas été anticipés au niveau de la LPM ;

- le doublement des effectifs à Abou Dhabi. La montée en puissance des effectifs de 254 en 2009 à 560 en 2012 s'accompagnera d'une dépense de la masse salariale croissante, passant de 6,7 millions d'euros en 2009 à 19,4 millions d'euros en 2012.

Le montant de l'indemnisation chômage montre l'impérieuse nécessité de réussir la reconversion des militaires.

L'autre difficulté est de parvenir à faire coïncider - dans le temps et selon les types d'emplois - les recrutements, les départs naturels et les besoins en réduction de postes.

De ce point de vue, on peut noter, une amélioration de la fidélisation qui réduit le turn-over et les besoins de recrutement.

L'année dernière, je m'étais inquiété de l'évolution de la durée effective des premiers contrats des militaires du rang de l'armée de terre qui ne cessait de baisser. Elle est aujourd'hui en-dessous de 7 ans, c'est-à-dire en-dessous de la période minimale qui permettrait de rentabiliser l'effort de recrutement et de formation qui est de l'ordre de 8 ans. Plus que jamais, la fidélisation devient un enjeu de la qualité de notre outil de défense. On observe cette année une amélioration liée aux mesures prises en 2010. Ainsi le pourcentage de renouvellement du premier contrat des engagés volontaires est passé de 63 % en 2009 à 71 %. Cette amélioration a conduit à une réduction des recrutements de l'ordre de 2 000.

A l'autre bout de la chaîne, on constate en revanche l'impact de la réforme des retraites. La réforme se traduit globalement par un décalage de 2 ans des limites d'âge, une augmentation du taux de cotisation, et un décalage du minimum garantie à 15 ans de service, à 19,5 ans. Le ministère a créé une indemnité proportionnelle de reconversion pour lisser l'effet de la réforme. Mais de nouvelles mesures s'imposeront pour favoriser les départs naturels au-delà des pécules actuels.

Un mot sur les OPEX. A activité comparable, c'est-à-dire hors Harmattan, on constate une stabilisation des surcoûts par rapport aux années antérieures, à 878 millions d'euros. L'augmentation des dépenses liées aux opérations en Afghanistan, consacrées à la sauvegarde et la protection des forces déployées, est compensée par la baisse des dépenses d'autres théâtres comme le Kosovo, où notre contingent a été réduit au cours de cette année à 300 soldats, et Atalante. S'agissant de l'opération Harmattan, les surcoûts sont estimés entre 330 et 350 millions d'euros au 30 septembre.

Ce qui porte l'estimation des surcoûts totaux entre 1,2 et 1,3 milliard d'euros pour 2011. Conformément à la LPM, le financement de ces surcoûts au-delà de la provision budgétaire devra bénéficier d'un abondement interministériel, à hauteur d'environ 600 millions d'euros.

Pour 2012, la provision s'élève à 630 millions d'euros comme en 2011, ce qui, compte tenu de l'annonce du retrait du théâtre afghan de 1 000 hommes avant la fin 2012, devrait permettre de faire face aux dépenses prévisibles. La dotation allouée aux surcoûts des opérations extérieures progresse. Nous n'en sommes pas à une budgétisation intégrale, mais nous nous en approchons.

Les OPEX appartiennent désormais au fonctionnement ordinaire de nos armées. Elles ne sont plus ni imprévisibles, ni ponctuelles. Elles doivent donc être prévues en construction budgétaire dès la loi de finances initiale.

Sous le bénéfice de ces observations, je recommande pour ma part l'adoption des crédits de la mission Défense.

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