Intervention de Gilbert Roger

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission défense - programme préparation et emploi des forces - examen du rapport pour avis

Photo de Gilbert RogerGilbert Roger, co-rapporteur :

Après la situation des personnels que vient d'exposer notre collègue André Dulait, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178, programme placé sous la responsabilité de l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA).

Je ferai le point sur les bases de défense, qui assurent le soutien des unités qui leur sont rattachées, puis évoquerai le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et l'entraînement des personnels.

Le PLF pour 2012 attribuait à ce titre 3, avant son examen par l'Assemblée nationale : 6,087 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), contre 5,804 milliards en 2011, soit une hausse de 5,4 %. A la demande du gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé 20 millions d'euros sur le MCO, coupe qui serait compensée par, je cite le ministre de la défense « des cessions de fréquence sur la bande des 800 Mégaherz, voire des cessions de matériels ».

C'est donc sous cette réserve que je vous présente la répartition de ces crédits par action.

L'action n° 1 « Emploi des forces » diminue de 7 %, du fait de l'achèvement de l'installation des forces françaises aux Emirats Arabes Unis, et de la rationalisation des forces de présence en Afrique, basées à Djibouti, au Gabon et au Sénégal.

L'action n° 2 « Préparation et emploi des forces terrestres » diminue de 4 %, du fait de la contraction de journées d'entraînement, regrettée par le Général Ract-Madoux, chef d'Etat major de l'armée de terre, comme l'avait fait son prédécesseur, le général Irastorza. Relevons cependant que, de 2010 à 2011, cette baisse avait été de 13 %. Cette action est marquée par la rationalisation constituée par la création du SMITer (service de maintenance industrielle terrestre) visant, comme dans les autres armées, à mieux organiser la maintenance des matériels en la confiant à un organe unique, capable d'améliorer les rapports avec industriels, avec la perspective de réduction des coûts.

L'action n° 3 « Préparation des forces navales » augmente de 7,65 % et l'action n° 4 « Préparation des forces aériennes », de 7,6 %, traduisant les financements croissants attribués au MCO des matériels de ces armées.

Vous trouverez les éléments détaillés de chacune de ces actions dans le rapport écrit. Je m'en tiendrai ici à l'exposé des principales problématiques du titre 3.

J'évoquerai d'abord le déploiement, au 1er janvier 2011, des 60 bases de défense (BdD) au terme d'une période d'expérimentation commencée en janvier 2009, avec d'abord 11 bases expérimentales en 2009, puis, en 2010, 18 bases « pilotes ». 51 BdD sont déployées en métropole, 5 outre-mer et 4 à l'étranger, à Djibouti, aux Emirats Arabes Unis, au Gabon et au Sénégal.

Ces bases constituent « le principal levier de la mutualisation de l'administration générale et du soutien commun » selon les termes du MINDEF. J'ai eu un entretien sur ce point avec le général Eric Rouzaud, sous-chef d'Etat-major « Soutien » à l'Etat-major des armées. Une synthèse des informations recueillies à cette occasion figure dans mon avis, mais je me propose, Monsieur le Président, si vous le souhaitez, d'établir une note plus détaillée à l'attention des membres de notre commission.

Le Général Rouzaud m'a confirmé que le déploiement des BdD suppose une harmonisation des procédures, actuellement différentes selon les armées, en matière de systèmes d'information, de gestion du personnel et de paiement des soldes. Cette harmonisation, simple dans son principe, mais complexe dans sa mise en oeuvre, demande du temps pour être évaluée avec pertinence. Le général Rouzaud m'a précisé que des économies en matière de personnels avaient déjà été réalisées, dans la distribution du courrier par exemple.

Je crains, et certains chefs d'état-major ne cachent pas leurs réserves sur ce point, que ce processus de mise en place des BdD n'ait été trop hâtif. Je comprends, cependant, qu'il convenait de réduire le plus possible la période de transition entre l'ancien et le nouveau système.

Nous jugerons aux résultats, et observerons si cette mutualisation des procédures, qui suppose celle des soutiens, aboutira bien à l'objectif poursuivi, qui est la réduction des personnels qui leur sont dévolus, et, in fine, à des économies budgétaires.

Le fait qu'une seule autorité, le commandant de la BdD, dirige l'ensemble de ce domaine, auparavant disséminé dans les unités, permet d'avoir une perception globale de son fonctionnement, ainsi que des infrastructures des unités soutenues. Des améliorations sont recherchées en matière de simplification des procédures administratives, et dans le déploiement, complexe, des systèmes d'information. Cependant, la création d'un service unique du commissariat, concomitante à celle de l'introduction du logiciel CHORUS, a pu créer des difficultés pour engager des crédits, et régler des factures.

L'année 2011, qui a constitué un pic en matière opérationnelle, avec 13 500 personnes déployées sur des théâtres extérieurs, comme l'Afghanistan et la Libye, a démontré que l'efficacité du soutien n'a en rien été altérée par la réforme, bien au contraire.

Au total, le général Rouzaud estime que la réforme créant les BdD nécessite encore au moins deux exercices budgétaires pour être évaluée de façon pertinente, et que sa réussite passe par la stabilisation du mode de fonctionnement des bases. Les économies qu'elles permettent sont, pour l'instant, limitées au volume des personnels. Une estimation financière demande plus de recul.

J'en viens aux difficultés financières et d'organisation suscitées par le maintien en condition opérationnelle (MCO) de matériels de plus en plus vecteurs de technologies.

Ce MCO relève budgétairement du titre 3 du programme 178, mais implique également les rémunérations versées aux différents personnels intervenant dans la maintenance, rémunérations qu'il est malaisé d'évaluer financièrement avec précision. C'est pourquoi le suivi financier s'opère par la notion d'entretien programmé des matériels (EPM), qui ne recouvre que des coûts de fonctionnement. Un matériel en bonne condition opérationnelle constitue un élément déterminant de la capacité d'action des armées.

La maintenance, et son coût, ne sont devenus des sujets de préoccupation qu'à partir des années 1990, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés. Le redressement des montants financiers dévolus à cette fin a constitué une des priorités de la LPM 2003-2008, tandis que les armées s'organisaient, dans le même temps, pour mieux structurer leurs services de maintenance. Ainsi furent successivement créés le service de soutien de la flotte (SSF), en 2000, la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique de défense) également en 2000, le SIAé (service industriel d'aéronautique) en 2007, et que la SIMMT (structure interarmées du MCO des matériels terrestres), englobant le matériel terrestre, l'a été en 2011, accompagnée par celle du SMITer, déjà cité.

Ces réorganisations ont permis au moins une stabilisation des coûts.

L'actuelle loi de programmation militaire est fondée sur l'hypothèse que les coûts des matières premières et des prestations industrielles continueront à augmenter, mais que le volume des personnels civils ou militaires, relevant du ministère de la défense, qui sont affectés à la maintenance, décroîtra, ce qui conduira à une stabilité des coûts globaux.

Il est, en effet, prévu qu'une part importante des activités de maintenance seront transférées à des structures de type industriels, qu'elles soient privées ou étatiques, auxquelles sera assuré un calendrier prévisionnel de leurs travaux, ce qui leur permettra de mieux les organiser, et d'en modérer les coûts.

La globalisation dans les contrats passés avec les industriels, comme des commandes d'équipements et des opérations de maintenance, requérant ainsi leur plus forte implication, dès la conception des équipements, dans l'organisation de leur future maintenance, constitue la piste la plus sérieuse pour atténuer les coûts du MCO.

J'en viens maintenant à l'entraînement des forces.

Les temps d'entraînement réalisés, armée par armée, ont été meilleurs en 2010 qu'en 2009, mais le fort engagement opérationnel en Afghanistan et en Libye a altéré ces bons résultats, excepté pour l'armée de terre. Pour celle-ci, l'objectif de 120 jours/homme devrait être atteint en 2011, et celui des pilotes d'hélicoptères dont l'entraînement devrait se situer autour de 175 heures/homme, proche de l'objectif de la loi de programmation militaire (LPM).

Pour la marine, l'activité des unités de surface se situe autour de 88 jours en 2011, contre 94 prévues, et se monterait à ces 94 jours en 2012. Les heures de vol de l'aéronavale ont été de 180 en 2011, contre 200 prévues, et devraient se situer autour de 200 heures en 2012, soit des durées inférieures aux objectifs de la LPM : 110 jours pour les bâtiments, et 220 heures pour l'aéronavale.

C'est l'armée de l'air, très engagée sur le théâtre libyen, pour laquelle l'entraînement des jeunes pilotes a été le plus réduit : autour de 120 heures pour un objectif de 180.

En conclusion, on peut estimer que le déploiement des BdD n'a en rien altéré, heureusement, le soutien en OPEX, mais rencontre une certaine résistance dans des unités habituées à maîtriser directement ce domaine, alors qu'elles doivent s'inscrire désormais dans les priorités globales des commandants de BdD.

Il faut relever que la création de ces bases va permettre une harmonisation des procédures entre armées aussi souhaitable que complexe à obtenir.

S'agissant des coûts du MCO, il faut poursuivre la passation de contrats globaux, incluant fabrication et maintenance, pour les nouveaux matériels.

Enfin, les armées impliquées dans l'intervention en Libye, c'est-à-dire la Marine et surtout l'armée de l'Air, ont dû limiter, de ce fait, l'entraînement des nouvelles recrues, alors que les équipages expérimentés y ont validé leur savoir-faire.

Au vu de l'ensemble des ces observations, je m'en remets à la sagesse de la commission pour l'adoption des crédits du programme 178 titre 3 pour 2012.

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