Je voudrais rappeler d'emblée ma conviction de la nécessité des mutations en cours et, comme vous le savez, j'ai été associé à la définition des grandes orientations de notre politique de défense.
En vous présentant ce budget pour 2012, je m'attacherai cependant à souligner les efforts destinés à limiter les inconvénients de ces transformations. Dans le cadre de nos auditions, nous avons entendu des propos rassurants à ce sujet, notamment de la part du secrétaire général pour l'administration au ministère de la Défense. Il a d'abord manifesté l'intention de privilégier une démarche pragmatique en matière de cessions d'emprises aux collectivités territoriales : cette méthode consiste à tenir compte des difficultés rencontrées dans le passé et à prendre des mesures concrètes comme celle du gardiennage des locaux inoccupés pour éviter les dégradations accélérées et les coûteuses remises en état. Je vous suggère également de marquer notre extrême vigilance à l'égard de la dimension humaine des restructurations. Je me félicite que M. Jean-Paul Bodin ait réaffirmé l'engagement du ministère de la Défense à procéder au suivi personnalisé et attentif qui doit permettre à l'intégralité des agents de trouver une solution positive.
Voici les principales observations que je tire de l'analyse du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » qui est le reflet budgétaire des mutations en cours.
Ce qui frappe d'emblée, c'est la chute en 2012 des autorisations d'engagement par rapport à 2011 : - 21,1 % avec 3,4 milliards d'euros contre 4,4 en 2011. L'évolution des crédits de paiements suit une pente moins heurtée et progresse de 4 % (3,1 milliards d'euros en 2012). Techniquement, je rappelle que ce programme 212 connaît un déséquilibre structurel entre les autorisations d'engagements et les crédits de paiement. L'explication réside pour l'essentiel dans la politique immobilière, qui représente près de la moitié des dotations de ce programme et qui engage des programmes d'infrastructures dont le financement est ensuite étalé dans le temps. La chute constatée en 2012 s'interprète donc comme un retour à la normale après la hausse ponctuelle des AE consacrées en 2011 au lancement de l'opération Balard (plus de 900 millions d'euros). A cette explication traditionnelle s'ajoute le fait que seule une part résiduelle des dépenses immobilières est financée par le compte d'affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » en raison de l'insuffisance des cessions d'emprises parisiennes attendues depuis 2009 et qui ne devraient être réalisées qu'en 2013.
Dans sa totalité, ce programme 212 comprend neuf actions : les crédits liés à la politique immobilière (47 % des crédits de paiement du programme) et aux restructurations (16 %) en constituent les deux principaux piliers. Jean-Paul Bodin a également eu raison de souligner, lors de son audition, les deux principales priorités qui s'expriment dans l'allocation des crédits budgétaires : le premier enjeu majeur est d'accompagner les restructurations territoriales et le second consiste pour le SGA à rationaliser sa propre organisation.
Les crédits de paiement du titre 5 consacrés à l'investissement se stabilisent en 2012 à un haut niveau (1 milliard d'euros).
Je laisse, par ailleurs, le soin à Mme Michèle Demessine de commenter la progression de 13,7 % des dépenses de rémunération et charges sociales du titre 2 (1,17 milliard d'euros en 2012). Je rappelle que la tendance générale est bien la baisse des effectifs de la Défense mais que l'évolution du périmètre du programme 212, liée à la réorganisation des services, se traduit par des transferts entrants d'emplois supérieurs aux transferts sortants, ce qui explique cette hausse.
Je rappelle que le premier « rabot » adopté par l'Assemblée nationale se traduit par une minoration de 0,9 % des autorisations d'engagement et de 1,42 % des crédits de paiement du programme 212. Ce sont d'abord les crédits dédiés aux opérations d'infrastructures qui sont diminués (de 30 millions d'euros en AE et de 34 millions d'euros en CP). Il s'agit de décaler dans le temps des opérations et non de les abandonner. D'autre part, le ministère nous a rassurés à propos de la diminution de 10 millions d'euros des CP destinés au Fonds pour les restructurations de la défense (FRED). Il s'agit de « jouer » sur le décalage entre la signature des contrats et les décaissements et je propose de demander en séance publique au Gouvernement de garantir que le « rabot » ne portera pas atteinte au plan de financement économique des restructurations (dont 213 millions d'euros sont financés par le FRED).
Quelques indications sur le financement des dépenses immobilières et d'infrastructure par des recettes exceptionnelles plus faibles que prévu et des économies de fonctionnement, qui seront, je l'espère, au rendez-vous.
La fragilité des prévisions de recettes issues des cessions immobilières a été soulignée avec pertinence et conviction par notre collègue Didier Boulaud dès 2009, puis en 2010.
Où en est-on aujourd'hui en matière d'encaissements et de prévisions de recettes immobilières ?
Les encaissements se sont chiffrés en 2009 à 65 millions d'euros dont 50 millions d'euros au titre d'emprises situées en province et, en 2010, à 102 millions d'euros dont 88 millions au titre d'emprises régionales. Pour 2011, de nombreux chiffres circulent, mais je m'en tiens aux précisions apportées par le SGA. Les encaissements avoisineront vraisemblablement 120 millions d'euros et non pas 160 ; en revanche, les prévisions pour 2012 qui avaient été fixées à 163 millions d'euros sont réévaluées à 181 millions d'euros. Il s'agit tout simplement du décalage de la vente de la caserne de Reuilly qui devrait être finalisé début d'année 2012.
À Paris, le regroupement des administrations centrales à Balard doit libérer fin 2014 des emprises de grande valeur. En 2013, le montant prévisionnel des cessions est évalué à 672 millions d'euros avec la vente, d'un certain nombre d'emprises parisiennes comprenant l'Îlot St Germain, l'Hôtel de l'Artillerie l'Hôtel du Génie, l'Abbaye de Penthemont, l'Hôtel de Penthemont et la caserne de la Pépinière.
Ces biens seront vendus séparément, en fonction de la date de leur libération, ce qui évitera au ministère de la Défense d'avoir à régler des loyers.
Un seul constat final sur ce point : en dépit de toutes les critiques qu'on peut lui adresser, ce processus de cession pourrait finalement aboutir à vendre de l'immobilier parisien dans une conjoncture favorable.
S'agissant des ventes d'emprises régionales, l'analyse la plus utile, à mon sens, consiste à déterminer le meilleur point d'équilibre entre l'intérêt de l'Etat et celui des collectivités territoriales.
Je rappelle que la moitié des emprises cessibles est éligible au dispositif de cession à l'euro symbolique, assorti de la clause de retour à meilleure fortune, prévu par l'article 67 de la loi de finances pour 2009. C'est un progrès considérable par rapport à la situation que nous avons connue dans le passé. A ma demande, on nous a communiqué le bilan détaillé de l'application de ce dispositif au 20 octobre 2010 : il en résulte que depuis 2009, 43 emprises d'une valeur estimée à 92,3 millions d'euros (16,1 millions en 2009, 24,5 en 2010 et 51,6 en 2011) ont été cédées à l'euro symbolique, principalement à des communes éligibles au dispositif et dont les moyens financiers sont extrêmement limités.
La première priorité, à la fois pour l'Etat et les collectivités territoriales est d'éviter de laisser s'installer des zones de « friches militaires » qui s'accompagnent trop souvent d'une dégradation très rapide des immeubles et donnent lieu à de regrettables épisodes de pillages. Cela permet à l'Etat de réaliser des économies en termes de coûts d'entretien et aux collectivités territoriales de participer à la mise en oeuvre de projets susceptibles de générer de nouvelles recettes pour l'Etat.
Une brève remarque sur le projet du regroupement de l'administration centrale à Balard qui donne lieu à de très nombreux échanges d'arguments contradictoires et, parfois, à des polémiques. Il s'agit d'une expérience à la fois importante et inédite d'installation de 9 300 personnels en 2014 sur un site nouveau dont la construction, l'acquisition et le fonctionnement, dans toutes ses composantes, seront couverts par une redevance de 150 millions par an jusqu'en 2041. Elle sera versée à un opérateur qui a remporté un marché public sans qu'aucun de ses concurrents ne conteste la régularité de la procédure, ce qui constitue à tout le moins un indice du sérieux de cette opération.
Un certain nombre de critiques portent sur l'aspect financier de ce projet et le Gouvernement me semble avoir, en toute clarté, présenté la décomposition exacte de cette redevance. A mon sens, la raison qui justifie que ce pari vaut d'être pris est de nature plus économique que financière : Balard sera payé pour une somme correspondant au coût actuel de fonctionnement de l'administration du ministère, et par ailleurs, l'impact de l'ensemble du projet de janvier 2012 à juin 2014 est estimé à environ 2 000 emplois dans les bureaux d'études, cabinets d'architectes et entreprises du BTP.
Un mot, enfin, sur le sort de l'hôtel de la Marine. Comme vous le savez, le ministère de la Défense avait envisagé 300 millions d'euros de recettes supplémentaires en ayant recours non pas à une vente mais à un dispositif de bail à long terme mais il a, compte tenu des polémiques suscitées par cette opération, très vite ramené ses prévisions de recettes de 300 à 60 millions d'euros puis, plus récemment, à « epsilon » : aujourd'hui, « nous sommes en phase d'incertitude » a précisé le SGA lors de son audition.
Il me semble opportun de saluer les perspectives d'affectation de ce monument exceptionnel tracées par la commission de réflexion sur l'avenir de l'hôtel de la Marine présidée par Valéry Giscard d'Estaing. A partir d'une analyse de la vocation historique et architecturale de l'hôtel de la Marine, cette commission propose d'en faire un trait d'union entre, d'une part le Louvre, l'Orangerie, le Musée d'Orsay, le Jeu de Paume et d'autre part le Grand et le Petit Palais et autres grands musées de la rive droite. Une telle orientation ne peut que rendre Paris encore plus attractif, mais l'essentiel, du point de vue de notre commission, est la préservation du lien de ce bâtiment avec la marine.
Plusieurs questions méritent à mon sens d'être posées et de faire l'objet d'un suivi attentif. Elles portent, tout d'abord, sur les modalités juridiques du dispositif de préfiguration. Dans la phase de lancement, la mise en place d'un établissement public est envisageable, suivie, dans un second temps, de celle d'une société publique de capitaux dont il reste à déterminer l'actionnariat, le rôle que pourrait y jouer la Caisse des Dépôts et Consignations et les modalités de gouvernance.
On peut également se demander si la gestion immobilière de l'hôtel de la Marine sera filialisée et si les travaux, puis le fonctionnement courant, pourront être financés par des cessions domaniales des futurs occupants - comme la Cour des comptes, par des produits de baux commerciaux ou de locations de bureaux. On peut enfin se demander quelle sera la contribution du mécénat d'entreprise à cette opération.
Il s'agit là de questions très concrètes auxquelles les réponses seront déterminantes pour la réussite de ce projet.