Au sein du programme 146, je suis plus particulièrement chargé des deux actions « dissuasion » et « commandement et maîtrise de l'information ». La dissuasion tout d'abord. Les dotations qui lui sont consacrées en 2011, sur l'ensemble du budget de la défense, tous programmes confondus, sont de 4 milliards d'euros pour les autorisations d'engagement, soit une augmentation de 21 %, et de 3,4 milliards d'euros pour les crédits de paiement, en diminution de 1,2 %. Sur ces sommes 3,1 milliards en autorisations d'engagement et 2,7 milliards en crédits de paiement sont inscrits sur le programme 146.
Cette évolution des dotations traduit l'état d'avancement normal des programmes et les variations des besoins financiers d'une année sur l'autre et n'appelle pas de commentaires particuliers.
Les principaux événements prévus en 2012 sont les suivants :
- commande des deux dernières adaptations des SNLE Triomphant et Téméraire au missile M51 ;
- commande d'une tranche de production du missile balistique M51.2 ;
- commande d'une tranche de soutien du missile MSBS M45 ;
- lancement de la réalisation du programme TRANSOUM relatif aux transmissions stratégiques ;
- poursuite de la rénovation des avions ravitailleurs C135 participant à la composante aéroportée.
L'année 2010 a été une année riche en évènements concernant l'environnement stratégique international, dont le premier avait été la publication de la Nuclear Posture Review américaine en avril, suivie immédiatement par la signature du nouveau traité START.
En mai 2010, s'est tenue à New York la huitième conférence d'examen du TNP qui est parvenue à adopter, par consensus, un document final comportant des plans d'action sur les trois volets du traité ; le désarmement nucléaire ; la non-prolifération et la promotion des usages civils de l'énergie nucléaire. Le 20 octobre 2010, lors du Sommet de Lisbonne, l'OTAN a adopté son nouveau concept stratégique, et surtout a pris la décision de se doter d'une capacité de défense anti-missile des populations et des territoires de l'Alliance à l'horizon 2020, en coopération avec la Russie. En novembre 2010, le Royaume-Uni et la France ont signé le traité EPURE par lequel nos deux pays s'engagent à coopérer étroitement en matière de simulation des essais d'armes nucléaires. Enfin, en décembre 2010, le Sénat américain et la Douma russe ont ratifié le nouveau traité START de réduction des armements.
Par contraste l'année 2011 s'est révélée comme une année de transition.
La crise économique et financière a un peu douché les espoirs des promoteurs la défense anti-missile (DAMB) en Europe. En outre, aucun progrès ou presque n'a été enregistré du point de vue de la coopération entre l'OTAN et la Russie. Il faut reconnaître que la mise en place de la DAMB risque, à terme, de porter atteinte peut être à la crédibilité de l'ensemble des Etats dotés, y compris le nôtre, et de créer une seconde division au sein du club nucléaire, où figureront tous les pays qui ne maîtrisent pas l'ensemble des maillons de la chaîne DAMB.
De ce point de vue, je regrette que le gouvernement n'ait toujours pas fait connaître ses orientations sur la façon dont il entend se préparer au sommet de Chicago et que même la constitution, pourtant peu onéreuse, d'un centre national de la défense anti-missile, sorte de forum permettant de décloisonner les compétences, de favoriser la circulation de l'information et de permettre de meilleures délibérations, n'a pas été concrétisée.
Ce manque de stratégie sur un sujet engageant l'indépendance nationale pourrait nuire gravement à nos intérêts.
J'en reviens aux aspects plus directement budgétaires avec la seconde action qui relève de mon rapport : l'action « commandement et maîtrise de l'information ». Première remarque, comme les années précédentes, il est prévu de financer une partie des programmes concernés, à hauteur de 750 millions d'euros, par des ressources extrabudgétaires du compte d'affectation spéciale « fréquences hertziennes ».
En 2009 et en 2010, ce compte n'a encaissé aucune recette. Par conséquent, il a fallu trouver des mesures palliatives en consommant les crédits de reports.
Pour 2011 la vente des fréquences en mars 2011 pour Rubis et en juillet pour Felin devrait permettre d'abonder le CAS fréquences de 850 millions d'euros, dont 750 iront sur le programme 146, 50 millions sur le Programme 144 et encore 50 millions sur le Programme 178.
Autre élément positif, la consultation des industriels vient enfin d'être lancée pour l'externalisation de l'exploitation du satellite de télécommunications Syracuse III. Cette opération d'environ 400 millions d'euros, devrait se réaliser sur 2012.
Les recettes exceptionnelles sur le compte « fréquences hertziennes » sont désormais en voie de se concrétiser et conduisent à lever la plupart des réserves que nous avions émises, si ce n'est sur le calendrier, mais cela a été sans conséquences sur le financement des programmes, puisque le budget de l'Etat a compensé par des crédits budgétaires le décalage temporel de ces recettes.
Au sujet de Syracuse III, je rappelle que les armées conserveraient environ 90 % des capacités du système, l'opérateur pouvant louer à d'autres clients les 10 % restant. Il s'agit d'inciter les armées à être plus sélectives dans l'usage des liaisons hautement protégées qui devraient être réservées aux communications le justifiant véritablement, et de diminuer le coût d'exploitation du système. Toutefois, plus le temps passe, moins l'opération présentera d'intérêt pour l'opérateur et pour les armées, car on se rapprochera de la fin de vie des satellites, prévue en 2016 pour le premier et 2018 pour le second.
J'ajoute que les télécommunications par satellites sont mentionnées dans la déclaration de Londres du 2 novembre. La France et le Royaume-Uni vont lancer l'an prochain une étude de concept commune pour les futurs satellites qui entreront en service entre 2018 et 2022. Les Britanniques ont déjà externalisé leurs télécommunications satellitaires avec le système Paradigm, exploité par Astrium.
Je souhaiterais maintenant évoquer de manière plus globale les programmes spatiaux. L'espace constitue une des priorités du Livre blanc. Les crédits affectés à l'espace connaissent de grandes fluctuations elles-mêmes liées en grande partie au lancement des programmes. Ainsi, l'écart constaté entre 2010 et 2011 résulte principalement de l'affectation en 2011 des autorisations d'engagement permettant de compléter les tranches fonctionnelles MUSIS et SYRACUSE III afin de couvrir le périmètre de réalisation de ces deux programmes. Il n'en reste pas moins que sur la longue période on constate une diminution constante des crédits de paiement liés à l'espace, qui est préoccupante.
Les crédits destinés aux satellites d'observation Musis ont été majorés, afin de pouvoir lancer le programme sur une base nationale, sans attendre le co-financement par des partenaires européens. La commande de 2 satellites doit intervenir d'ici la fin de l'année, avec une mise en service prévue en 2016 pour le premier et 2017 pour le second. La continuité devrait ainsi être garantie avec Helios II. Plusieurs pays européens devraient à terme rejoindre ce programme et apporter une contribution financière.
En revanche, le lancement du programme de satellite de renseignement électromagnétique Ceres est à nouveau décalé. La mise en orbite, initialement envisagée en 2016, a été reportée en 2020. L'écoute spatiale présente un double intérêt : détecter les signaux radars adverses en cas d'opération, intercepter les communications. Nous avons déjà effectué, sur ce plan, des réalisations expérimentales, avec des démonstrateurs. C'est le cas des quatre micro-satellites Essaim, dédiés à l'interception des communications, qui ont été lancés fin 2004 mais dont l'exploitation se termine cette année. Fin 2011 sera lancé le démonstrateur Elisa, dédié à la détection des signaux radar. Le report du programme Ceres va créer un « trou » entre ces démonstrateurs, qui ont fourni du renseignement intéressant, et une capacité opérationnelle pérenne.
Enfin, toujours dans le domaine spatial, la réalisation d'un satellite d'alerte avancée pour la détection des tirs de missiles balistiques, a été décalée à 2020 tandis qu'a été décidé, sur le programme 144, de lancer les études amont permettant de construire un démonstrateur pour un radar de surveillance très longue portée. Le radar lui-même pourrait être lancé en 2015 pour une mise en service en 2018.
Je rappelle que l'utilité optimale de ce radar nécessite qu'il soit placé à proximité de la menace - en l'occurrence, cela aurait du sens de le placer dans un pays du Golfe ou en Turquie, si on considère que la menace balistique est l'Iran. A défaut d'utilisation dans une configuration anti-balistique, mes collègues Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même nous interrogeons sur l'utilité de ce radar.
Je terminerai par les drones.
C'est un domaine que le Sénat a suivi de près toutes ces dernières années. Dans mon intervention de l'an dernier, je déplorais déjà l'insuffisance des moyens et le flou des perspectives.
Force est de reconnaître que pour ce qui est de l'insuffisance des moyens la situation a changé du tout au tout, puisque le projet de loi de finances pour 2012 prévoit de demander au Gouvernement l'autorisation d'inscrire 318 millions d'autorisation d'engagements pour l'acquisition d'une capacité de drones MALE capable de faire la soudure entre, d'une part, le drone MALE Harfang de première génération, actuellement déployé en Afghanistan et dont nous possédons quatre exemplaires (dont seulement deux volent) et deux stations sol et, d'autre part, le drone MALE de troisième génération, qui devrait être le programme futur franco-britannique sur lequel des incertitudes fortes pèsent encore, notamment en ce qui concerne le fait de savoir si l'on peut dire d'emblée qu'il sera confié à des constructeurs européens - Dassault et BAé - pour ne pas les nommer ou bien s'il fera l'objet d'un appel d'offres, ce qui pourrait laisser le maximum de chances au drone américain de troisième génération, l'Avenger, dont le prototype vole déjà.
Observons au passage que plus personne ne parle du programme Advanced UAV, qui avait pris la suite du projet Euromale. Exit donc toutes les années passées entre les forces aériennes allemandes, espagnoles et françaises à définir le même besoin opérationnel et exit également les 57 millions d'euros des Etats et les 150 millions d'euros de l'industriel investis sur ce projet.
Observons également que quoiqu'il en soit il faudra traiter les obsolescences du drone Harfang afin de lui permettre de tenir le coup jusqu'en octobre 2013, date à laquelle le contrat de maintenance vient à échéance et à laquelle il sera peu probable.
Pour le reste, mon collègue Daniel Reiner vous a présenté les tenants et les aboutissants de la solution retenue. Je n'y reviens pas, mais je confirme en effet que je cosigne l'amendement qu'il vous a présenté.
En conclusion, je porte une appréciation positive sur les actions qui relèvent de mon rapport :
- la dissuasion, avec un déroulement très satisfaisant des programmes et la coopération franco-britannique qui s'engage ;
- les programmes liés à la fonction connaissance et anticipation, en particulier les programmes spatiaux qui, en dépit de quelques glissements, sont globalement maintenus dans la nouvelle programmation financière.
Au bénéfice de ces observations, à titre personnel ; je voterai, vous le comprendrez en faveur de l'adoption de ces crédits. En tant que rapporteur, il me revient de vous proposer une solution qui pourrait recueillir la majorité des suffrages de la commission et qui serait en cohérence avec l'amendement que nous souhaitons proposer, Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même. Cette position pourrait être l'abstention.