Intervention de Leila Aïchi

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission action extérieure de l'etat - programme moyens de l'action internationale - examen du rapport pour avis

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi, co-rapporteure pour avis :

En 2012, le programme 105 « Moyens de l'action internationale » devrait connaître, avec 1 788,81 millions d'euros en crédits de paiement, soit 60,93 % du total de la mission « Action extérieure de l'Etat », une légère régression de 5,5 millions d'euros par rapport au budget 2011, ces crédits ayant été légèrement minorés à l'Assemblée nationale par deux amendements du gouvernement déposés dans le cadre du nouveau plan de rigueur.

Cette légère baisse en 2012 est permise pour l'essentiel par un financement minoré des opérations de maintien de la paix (OMP), les quelques marges budgétaires subsistantes étant, pour l'essentiel, affectées aux contributions obligatoires ainsi qu'à la sécurisation des implantations diplomatiques situées dans les zones sensibles.

Concernant le réseau diplomatique, le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, a souligné, lors de son audition par notre commission, que la réduction des effectifs du Quai d'Orsay avait commencé bien avant la révision générale des politiques publiques et, qu'entre 1995 et 2005, la baisse a été de 15 %, quand l'effectif des autres ministères civils augmentait en moyenne de 5 %.

Pour la période 2009-2011, le ministère a supprimé 700 emplois, pour 900 départs en retraite, ce qui correspond au non-remplacement de trois départs sur quatre appliqué à toutes les catégories de personnel.

Il ressort d'ailleurs des différentes auditions menées dans le cadre de notre commission que le système a atteint le point critique au-delà duquel l'existence même de notre réseau diplomatique serait remise en question. C'est la conséquence directe de la RGPP, qui a été exclusivement abordée sous le prisme de la réduction des coûts, en faisant fi de la réévaluation des besoins exprimés sur le terrain.

Au 1er décembre 2010, le programme 105 comptait 8 030 ETPT, contre 8 470 en 2007, leur répartition géographique étant la conséquence du redéploiement intervenu entre 2006 et 2009 des zones de présence traditionnelle - Afrique, Europe occidentale - vers les pays émergents, telles que la Russie, la Chine et l'Inde.

Le maintien d'un vaste réseau - le deuxième au monde après celui des Etats-Unis d'Amérique - malgré des effectifs réduits, a conduit à un redimensionnement. Ont ainsi été distinguées 30 ambassades à missions élargies, dont 8 à format d'exception, une centaine à missions prioritaires, et une trentaine de postes de présence diplomatique.

Concernant la coopération de sécurité et de défense, après la baisse notable des crédits qui sont passés de 106,5 millions d'euros en 2006 à 95,4 millions d'euros en 2010, on observe une légère amélioration en 2011, et un maintien des crédits en 2012 avec 97,5 millions d'euros.

On ne peut toutefois que s'étonner que ces moyens aient été réduits au moment même où nous étions fortement engagés en Afrique sub-saharienne, où les besoins de formation, comme les formations financées au titre de la coopération de sécurité et de défense des cadres militaires, sont pourtant prioritaires.

Enfin, s'agissant de l'action de la direction générale de l'administration et de la modernisation, à laquelle 248 millions d'euros en crédits de paiement sont affectés au titre des fonctions support des cinq domaines, dont l'immobilier, je souhaiterais attirer votre attention sur les découvertes pour le moins étonnantes que révèlent l'étude des cessions en cours de finalisation.

D'une part, on constate que des cessions avaient été effectuées sans avoir été discutées dans le cadre de la discussion du dernier budget : ainsi en a-t-il été ce de la cession d'un appartement en Allemagne à hauteur de 150 000 euros, d'un immeuble abritant l'Alliance française en Argentine pour 80 500 euros, d'une parcelle de terrain au Koweït pour 640 000 euros, et d'un ancien immeuble du centre de coopération linguistique au Malawi pour 1 392 000 euros, soit un total de 2 262 500 euros.

D'autre part, les estimations peuvent se révéler jusqu'à trois fois inférieures ou supérieures aux prix de vente effectifs. C'est ainsi qu'à Madagascar, la cession de la Villa Alligator s'est faite pour 171 000 euros au lieu de 49 000 euros, et qu'à l'inverse, à Alger, l'estimation à 10 millions d'euros de la villa dites des Zebboudjs s'est révélée deux fois supérieure à la somme obtenue.

L'absence de gestion planifiée et cohérente du parc immobilier aurait ainsi coûté 12 280 381 euros au ministère en erreurs d'évaluation, alors même qu'il a accepté d'asseoir le financement de sa politique immobilière sur les recettes issues de cessions réalisées à l'étranger.

Pour conclure l'examen du budget du programme 105, je ne peux qu'émettre des réserves quant à la réalité de la « correction de trajectoire » budgétaire mise en avant par Alain Juppé lors de la présentation des crédits de la mission.

La fiabilité même des précisions est sujette à caution du seul fait de la dépendance de plusieurs lignes budgétaires du programme 105 au taux de change euro-dollar.

Enfin, la présentation de ce budget ne permet pas à l'élue de la République que je suis d'avoir une appréciation éclairée de l'ensemble des éléments financiers, alors que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 à laquelle renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, dispose en son article 14 que « tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

Le manque de lisibilité du programme 105 constitue une raison supplémentaire pour donner un avis négatif à son adoption.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion