Intervention de Robert del Picchia

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission action extérieure de l'etat - programme français de l'étranger - examen du rapport pour avis

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia, co-rapporteur pour avis :

Compte tenu du contexte de crise, j'estime que nous pouvons nous satisfaire des crédits qui nous sont proposés dont le maintien doit beaucoup à l'engagement personnel du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères. Les Français de l'étranger comprennent eux aussi les difficultés auxquelles est confronté le Gouvernement, et acceptent dans leur grande majorité les mesures prises pour y faire face.

Ma première observation sur le programme 151 « Français de l'étranger » portera sur les consulats, onze d'entre eux ayant été fermés en 2011, ce qui n'est naturellement pas toujours bien perçu par les Français résidant dans ces pays, et appelle un travail d'explication. La fermeture de ces postes doit en effet être mise en parallèle avec l'ouverture de nouvelles implantations dans les pays émergents.

Certes, le développement de la télé-administration facilite les demandes consulaires, mais la réorganisation du réseau consulaire demeure une question très sensible qui mériterait sans doute la consultation préalable des élus locaux que sont les conseillers de l'Assemblée des français de l'étranger.

Quant aux services proposés par nos postes, il convient d'en noter la qualité, même si l'accueil pourrait parfois être amélioré alors que nos concitoyens considèrent en quelque sorte ces services comme leur mairie.

En matière d'élections, l'on ne peut que se satisfaire de l'élection en 2012 de députés par les Français établis hors de France, demande ancienne des élus à l'Assemblée des français de l'étranger, cohérente avec notre système bicaméral.

Le budget consacré à l'organisation de ces élections à l'étranger - soit 8 millions d'euros provenant essentiellement du ministère de l'Intérieur - devrait répondre aux besoins particuliers de ces élections organisées à l'étranger, tout ayant été fait pour encourager la participation électorale.

Pourtant, force est de constater que la mise en oeuvre du vote par internet suscite des inquiétudes. Dans ce contexte, le nouveau report au 29 janvier prochain, pour des raisons que nous ignorions, du test grandeur nature n'est pas une bonne nouvelle puisque les délais seront ensuite trop courts pour corriger, avant l'élection réelle, les défaillances révélées par le test.

Or, les risques de dysfonctionnements sont d'autant plus grands que ce type d'élection est inédit. Il serait fâcheux que la participation de plus d'un million de nos compatriotes à la vie démocratique du pays ne puisse pas se dérouler dans les meilleures conditions, notamment de sécurité juridique.

En matière de scolarité, il convient de noter que le budget augmente tous les ans. Le nombre d'enfants boursiers croît régulièrement, parallèlement aux difficultés financières que rencontrent en cette période de crise notre communauté expatriée, dont une grand partie - contrairement aux idées reçues - a un niveau de vie modeste, comme c'est le cas par exemple pour certains binationaux qui représentent plus de la moitié des Français à l'étranger.

La somme consacrée aux bourses a ainsi doublé depuis 2007, passant de 47 à 93,6 millions d'euros. Ce montant permet d'aider à la scolarisation plus de 22 000 élèves.

Quant à la prise en charge de frais de scolarité (PEC), devenue l'objet de critiques injustes dans les hémicycles, je vous rappelle qu'elle vise à permettre la poursuite des études dans le système éducatif français après la 3ème pour les jeunes ayant dépassé l'âge de la scolarité obligatoire, et pour les plus méritants, l'accès à notre enseignement supérieur.

Elle est très appréciée des familles qui en sont bénéficiaires, soit 40 % des familles françaises ayant des enfants au lycée, sachant qu'elle ne bénéficie pas aux familles qui perçoivent déjà une bourse, tandis que les fonctionnaires et assimilés perçoivent déjà un avantage familial qui est précisément destiné à couvrir les frais de scolarité de leurs enfants.

Que n'a-t-on pourtant pas entendu comme faux arguments contre la PEC ? On entend qu'elle coûte cher, alors que la prise en charge des lycéens à l'étranger coûte deux fois et demie moins cher qu'en France.

On dit aussi parfois qu'elle existe aux dépens des bourses, alors que le budget des bourses a été multiplié par deux depuis la création de la PEC en 2007, et que les crédits consacrés aux bourses sont fois plus élevés que le coût de la PEC, soit respectivement 93,6 et 31,9 millions d'euros.

Certains prétendront encore que la PEC favoriserait les riches. Ceci est faux puisque les plus aisés enverraient leurs enfants dans les lycées français avec ou sans PEC, et que de surcroît les familles très aisées demandent rarement le bénéfice de la mesure.

En fait, cette prise en charge profite aux familles de classes moyennes du secteur privé qui constituent la majorité de nos compatriotes à l'étranger, comme en France.

Si on supprime la PEC, nous n'accueillerons plus que les enfants français de familles aux revenus très modestes bénéficiaires des bourses, les enfants de fonctionnaires et les enfants de familles très aisées, qu'elles soient françaises ou étrangères.

La même conséquence serait obtenue si l'on fixait un plafond de revenus, comme le suggère notre collègue Richard Yung. Les enfants des familles des classes moyennes du secteur privé en seraient exclus, car trop aisées pour obtenir une bourse, mais pas assez pour payer la scolarité.

En outre, l'AEFE nous a signalé qu'un plafonnement par rapport aux revenus serait presque impossible à mettre en oeuvre à l'étranger.

On prétend que la PEC exclut les enfants étrangers. Or, que les frais de scolarité soient payés par l'Etat ou par les familles, ils le sont de la même façon. Au lycée, là où la PEC est en vigueur, il y a près de deux fois plus d'élèves étrangers que de français. Il n'y a pas d'effet d'éviction. Au contraire, le nombre des élèves étrangers augmente.

On avance que la PEC entraîne l'augmentation des écolages : c'est faux. On soutient que c'est un cadeau aux entreprises. 50 % des Français établis à l'étranger sont binationaux. Les expatriés d'entreprises sont une petite minorité. La majorité des Français à l'étranger sont des résidents établis. Le désengagement des entreprises est une légende malicieusement entretenue. Le rapport de l'Assemblée nationale sur le budget 2012 précise qu'il reste marginal. En 2010, selon l'audit de la révision générale des politiques publiques (RGPP), il ne concernait que quatre entreprises sur 200. Si la PEC bénéficie aux PME-PMI, tant mieux ! Cela les aide à conquérir des marchés et à stimuler des exportations dont la France a bien besoin, ce qui compense largement la dépense correspondante.

Ce budget a été dégagé par Bercy spécialement pour la PEC. Si la PEC était supprimée, il retournerait dans les caisses de Bercy et n'irait ni aux bourses ni à d'autres actions semblables.

Au total, 10 565 élèves reçoivent une aide à la scolarité sur 18 917, soit 56 % des élèves français. Pour le reste, soit les écolages sont pris en charge par l'employeur, soit les familles ne souhaitent pas être enregistrées, parce qu'elles sont très aisées, soit, pour 10 % à 15 % d'entre elles, elles ne sont pas informées. Cela permet de conclure à une hausse limitée pour les prochaines années. Sinon, il serait envisageable de transférer les aides à la scolarité au ministère de l'Education nationale, qui détient l'expertise de la gestion des bourses et dispose d'un budget global beaucoup plus conséquent que les Affaires étrangères.

Je vous propose d'adopter les crédits du programme 151.

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