a précisé que le CSA abordait la question du dividende numérique de manière pragmatique et souhaitait éviter tout affrontement stérile entre le secteur audiovisuel et celui des télécommunications pour la défense d'un quelconque pré carré. Il a affirmé que la question du dividende numérique ne pouvait être séparée de son cadre général à savoir le passage de l'audiovisuel au « tout numérique ». En effet, la loi du 5 mars 2007, relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, considère comme un ensemble l'arrêt de la diffusion analogique de la télévision, le développement de nouveaux services audiovisuels et l'obtention d'un dividende constitué des fréquences audiovisuelles rendues disponibles.
Il a souligné que le Conseil supérieur de l'audiovisuel appréhendait le sujet du dividende au regard des trois impératifs qui guident son action quotidienne : le respect de la loi, la volonté de répondre aux attentes du public et l'exigence de tirer le meilleur parti des apports de la croissance découlant des nouvelles technologies.
Il a estimé qu'il revenait aux opérateurs audiovisuels d'être les éléments moteurs du passage au « tout numérique », opération complexe engagée depuis 2002 sous la direction des pouvoirs publics, notamment du CSA, encadrée par la loi du 5 mars 2007 et financée par les opérateurs audiovisuels, contrairement à d'autres pays où la mise en place de la télévision numérique terrestre est payée par les téléspectateurs ou par l'Etat. L'investissement financier, très élevé, des opérateurs audiovisuels a pour contrepartie, affirmée par la loi, la possibilité de développer de nouveaux services audiovisuels.
Il a rappelé que le passage au « tout numérique » était subordonné à l'extinction de la diffusion analogique. Celle-ci est nécessaire pour plusieurs motifs : garantir l'extension de la télévision numérique terrestre et assurer une continuité de service au téléspectateur, mettre fin à une double diffusion, analogique et numérique, extrêmement coûteuse pour les chaînes et développer de nouveaux services utilisant la ressource hertzienne tels que la haute définition, la télévision mobile personnelle, la radio numérique, mais aussi des applications liées aux télécommunications.
Il a affirmé que l'extinction de la diffusion analogique n'aurait lieu de façon pertinente que si plusieurs conditions étaient remplies : commencer suffisamment tôt pour permettre la poursuite de l'extension de la diffusion numérique terrestre ; être progressif pour assurer la maîtrise technique du processus autant que la communication auprès du public ; avoir pour horizon le plan-cible, le plan définitif des fréquences, afin de permettre à tous les usages numériques d'y prendre place, sans que le dividende numérique se trouve compromis par des choix prématurés.
Il a insisté sur l'importance de commencer l'extinction le plus tôt possible, dès 2009 pour deux régions, dans un souci de pédagogie à l'intention des Français, de réduction des coûts pour les diffuseurs et de continuité de service pour les téléspectateurs. Afin de faire pleinement adhérer le téléspectateur à la démarche, le Conseil entend leur apporter trois garanties : la continuité dans la réception des services de télévision, la simplicité, avec un processus d'extinction reproduisant largement le découpage des régions de France 3 pour faciliter l'information du public et l'action du groupement d'intérêt public « France Télé numérique », le moindre coût, avec la mise en oeuvre du Fonds d'accompagnement du numérique, qui évitera toute fracture d'ordre social.
Il a estimé que la méthode pragmatique proposée par le CSA permettait notamment de mieux préparer la libération effective des fréquences, comme le souhaite la Commission du dividende numérique. En engageant le processus suffisamment tôt, en particulier si le schéma d'extinction de la diffusion analogique relevant de la compétence du Premier ministre est adopté à l'été 2008, les opérations pourront être menées à bien dans les meilleures conditions. Il a toutefois tenu a préciser que si ce schéma n'était pas encore approuvé au mois de septembre 2008 et si la préférence était donnée à une formule dans laquelle le basculement se ferait d'une seule traite en fin de processus, il deviendrait très difficile de respecter la date du 30 novembre 2011, fixée par la loi, et donc de rendre disponible un dividende numérique à cette date.
Il a indiqué que la mise en oeuvre de la méthode recommandée par le Conseil permettrait de parvenir à un plan-cible libérant des fréquences pour de nouveaux usages.
Il a rappelé que lors de la Conférence mondiale des radiocommunications de Genève en 2007, une sous-bande de neuf canaux avait été définie à l'échelle européenne, dans le haut de la bande UHF, celle-ci devant être libérée au plus tard en 2015 afin d'accueillir des usages strictement audiovisuels. Le dividende numérique, sur lequel porte la concurrence entre plusieurs catégories d'usages, concerne les canaux de cette sous-bande qui doit d'ailleurs être encore stabilisée au niveau international.
S'agissant des besoins exprimés auxquels le dividende numérique pourrait apporter une réponse, M. Michel Boyon a affirmé que ceux de l'audiovisuel étaient facilement identifiables et correspondaient à l'enrichissement de l'offre en télévision numérique terrestre et le développement de nouveaux services audiovisuels prévus par la loi du 5 mars 2007.
Il a affirmé que le Conseil était déterminé à donner son plein effet à la loi, qui érige en objectifs d'intérêt national le développement des télévisions locales, le passage à la haute définition, le lancement de la télévision mobile personnelle et l'essor de la radio numérique correspondant à des attentes fortement exprimées par nos concitoyens.
Il a souligné que ces innovations avaient toute leur place en diffusion hertzienne. En effet, 70 % des Français regardent uniquement la télévision par ce mode de diffusion, le seul gratuit pour l'usager. La disponibilité de la ressource hertzienne commande donc le développement de la TNT sur tout le territoire et le lancement des nouveaux services. Réserver les innovations au câble, au satellite ou à 1'ADSL créerait une fracture numérique d'ordre social, et serait hasardeux à l'heure où l'on constate le poids croissant des nouvelles technologies dans le budget des ménages.
Il a insisté, par ailleurs, sur le fait que la place de la diffusion hertzienne demeurait centrale dans le système économique et culturel de régulation de l'audiovisuel mis en place il y a plus de vingt cinq ans en France. L'attribution gratuite de fréquences en échange d'obligations culturelles et sociales est le socle d'un système qui a permis le développement d'une grande industrie de contenus nécessaire dans le contexte de compétition internationale auquel nos entreprises audiovisuelles sont aujourd'hui confrontées.
Il a noté que l'évaluation de ces besoins en termes de fréquences ne pouvait être faite aujourd'hui avec une précision suffisante, celle-ci étant liée aux gains de compression de la haute définition et du nombre des fréquences nécessaires pour parvenir à une couverture optimale de notre territoire. Selon les progrès de la compression MPEG-4, le besoin pour la TNT en haute définition s'élève à huit, neuf ou dix multiplexes, avec trois ou quatre chaînes par multiplexe, pour une vingtaine de chaînes gratuites et dix payantes, ce qui correspond au paysage actuel et aux « chaînes bonus» prévues par la loi.
Il a rappelé qu'il fallait ajouter deux multiplexes de TMP, car le nombre des réponses au premier appel à candidatures lancé par le CSA montre que les opérateurs croient au succès de la mobilité et aux potentialités de croissance que celle-ci représente pour l'audiovisuel comme pour les télécommunications.
Enfin, il a estimé nécessaire de réserver un multiplex pour les télévisions locales au regard des besoins exprimés notamment par les collectivités territoriales. La France a un retard pour la télévision de proximité par rapport à ses voisins européens, un retard qu'elle commence à combler grâce au programme très volontariste adopté par le Conseil.
Il a indiqué que le besoin en termes de fréquences dépendait également de la couverture souhaitée. Afin de garantir le taux de couverture de 95 % prévu par la loi pour la TNT, une partie des canaux de la sous-bande sera nécessaire. Il a noté qu'une étude réalisée par TDF montrait qu'en renonçant aux neuf canaux de la sous-bande, il serait impossible de satisfaire tous les besoins audiovisuels sans une dégradation très forte de la couverture, y compris celle des premiers multiplexes de la TNT, dont la desserte ne serait que de 90 %, contre les 95 % prévus par la loi.
Il a par conséquent estimé qu'il revenait au pouvoir politique de fixer le curseur et a déclaré que le CSA était tout à fait disposé à déplacer celui-ci entre la bande qui lui est affectée et celle qui est offerte au secteur des télécommunications, pour permettre le développement de nouveaux usages dans ce secteur.
Enfin, il a évoqué la surconsommation temporaire qui sera indispensable pour le passage à la haute définition, une double diffusion, simple définition et haute définition étant nécessaire tant que le parc ne sera pas équipé en récepteurs MPEG-4. Cette surconsommation, que l'on peut évaluer à deux multiplexes, pourra prendre fin en 2015, date correspondant à la libération effective de la sous-bande pour d'autres usages, telle qu'elle a été prévue par la Conférence de Genève de 2007. C'est donc cet horizon qu'il faut prendre en compte pour définir les usages qui pourront prendre place à terme sur la sous-bande, qu'ils soient audiovisuels ou de télécommunications.
Il a considéré que les besoins exprimés par les télécommunications étaient tout aussi importants pour l'avenir de notre pays mais que leur développement pouvait se faire sur d'autres bases. Le développement du très haut débit, qu'il soit fixe avec la fibre optique et le Wimax, ou qu'il soit mobile avec la 4 G, est un enjeu pour la croissance et l'aménagement du territoire mais la question que pose le dividende numérique est en fait marginale vis-à-vis de celui-ci car :
- elle correspond à une faible partie du spectre qui peut être utilisée pour les usages de télécommunication ;
- le dividende numérique n'est pas nécessaire pour couvrir en GSM ou en 3 G les « zones blanches » en milieu rural, où de nombreuses fréquences restent disponibles, la seule raison pour laquelle ces zones ne sont pas desservies aujourd'hui étant financière ;
- la 4 G n'existe pas encore et ne sera pas stabilisée ni développée avant plusieurs années.
Il a précisé que la 4 G était de surcroît présentée par certains comme une grande innovation pour la fourniture de contenus audiovisuels alors que la candidature d'Orange à deux canaux de télévision mobile personnelle montre que la technologie la plus adaptée à l'heure actuelle pour cet usage est bien celle que développe le CSA.
Il a souligné que la question de l'arbitrage dans le temps entre les usages était fondamentale dans une situation appelée à évoluer. Il a souhaité que l'on évite de raisonner en pensant qu'il faudrait dès aujourd'hui attribuer des fréquences pour des usages lointains qui pourront être réalisés par d'autres moyens grâce au progrès technologique et à l'optimisation du spectre et que l'on parte au contraire des usages connus, déjà en développement, générateurs de croissance immédiate, pour décider de l'attribution de ces canaux.
Affirmant que l'enjeu économique du dividende numérique était celui de la valorisation de la ressource hertzienne, il s'est félicité que, dans un contexte de rareté de la ressource, le secteur de l'audiovisuel connaisse une croissance intensive, le passage au numérique permettant de développer la haute définition, de lancer la mobilité et d'enrichir l'offre de programmes sans recourir à de nouvelles fréquences.
Après avoir souligné l'ampleur des investissements réalisés par les éditeurs dans la numérisation puis l'extinction de la diffusion analogique pour libérer des fréquences, il a considéré comme normal le fait que ceux qui profiteront des fréquences libérées, s'ils n'ont pas financé l'ensemble du processus, contribuent financièrement à l'extinction de la diffusion analogique et à l'arrivée au plan-cible. Les opérateurs de télécommunications notamment doivent être partie du processus s'ils veulent en bénéficier.
Il a ajouté que cet effort d'intensification devait être accompli sur l'ensemble du spectre. Il a rappelé que si la gestion du spectre affectée au Conseil pouvait être qualifiée d'optimale dans la mesure où toute fréquence libre doit être attribuée à un opérateur qui le demande, cela n'était pas le cas dans le domaine des télécommunications. D'une part, une partie des fréquences allouées à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) peut rester inexploitée comme en témoigne la partie du spectre prévue pour une quatrième licence UMTS et d'autre part les opérateurs télécoms n'ont aucune obligation d'utiliser complètement la partie du spectre qui leur est allouée et il n'a pas été pris acte de l'évolution technologique en organisant un basculement entre normes, la 2 G, la 3 G et bientôt la 4 G étant appelées à cohabiter.
S'interrogeant sur le caractère raisonnable de cette juxtaposition à long terme, il a souligné que les fréquences utilisées pour le GSM étaient également des fréquences dites « en or » dont les qualités de propagation correspondent le mieux aux usages de demain.
Concernant la question de la valorisation des fréquences, il a rappelé que les opérateurs de la télévision numérique terrestre bénéficiaient gratuitement de fréquences en contrepartie d'obligations ayant notamment trait au financement de la création. Il a précisé que le poids de ces obligations est estimé à environ 25 % du chiffre d'affaires des grands groupes privés, alors que le coût de l'amortissement des licences et des taxes pour les entreprises de télécommunications représente 1 % seulement de leur chiffre d'affaires.
Soulignant que dans les pays où les licences sont attribuées aux enchères pour les entreprises audiovisuelles, c'est l'Etat qui assure intégralement, mais sans grand succès, le soutien à la création, il a estimé que le système français permettait une valorisation économique, sociale et culturelle de long terme et même une valorisation financière de court terme des fréquences compte tenu du coût d'un basculement de normes.
Il a considéré que si la mise aux enchères apparaissait souvent comme le système le plus prometteur sur le plan des profits financiers, il convenait cependant de privilégier les bénéfices de long terme pour notre société.
Il a enfin insisté sur le fait que l'audiovisuel demeurait un secteur innovant, qui investit dans les nouvelles technologies. La croissance de l'audiovisuel représente une magnifique potentialité et ouvre des possibilités de création de richesses économiques et culturelles, une occasion aussi de renforcer nos entreprises de contenus. Il a déclaré que l'audiovisuel était un secteur économique à part entière constitué d'entreprises, dont beaucoup de petites et moyennes oeuvrent dans le domaine de la production ou dans la filière technique. Il rassemble aujourd'hui plus de 250.000 emplois, et continue d'en créer, contrairement à la tendance observée dans les entreprises de télécommunications.
Il a précisé qu'afin de garantir la croissance de toute la chaîne de valeur, d'assurer la constitution de groupes audiovisuels forts fournissant des contenus créatifs assurant aussi l'avenir économique des réseaux, le Conseil désirait aller au terme de la loi du 5 mars 2007. La « remontée » des opérateurs de télécommunications vers les contenus et leur attrait pour la diffusion linéaire montrent bien l'importance cruciale des contenus pour l'économie générale du numérique.
C'est avec la connaissance de la ressource disponible, du dividende numérique utile au sein de la sous-bande, avec une vision claire des projets actuels et futurs et de leurs besoins en fréquences, avec une anticipation des progrès technologiques à venir, que le débat sur le dividende numérique pourra se dérouler dans la sérénité et la transparence. Il a estimé que le dividende n'était pas une occasion unique mais une opportunité en un instant donné, dans un contexte particulier pour un secteur qui réalise sa mue technologique.
Un large débat a suivi l'intervention de M. Michel Boyon.