Intervention de Bernard Moriau

Mission commune d'information sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion — Réunion du 26 février 2008 : 1ère réunion
Audition de M. Bernard Moriau responsable de missions de médecins du monde

Bernard Moriau :

responsable de missions de Médecins du Monde, a tout d'abord rappelé que la mission France de Médecins du Monde, créée en 1986, était composée de plus de 2 000 bénévoles et d'une vingtaine de salariés. Elle regroupe vingt et un centres de soins et d'orientation dotés de professionnels médicaux et sociaux et seize missions mobiles spécialisées, qui contribuent à la mise en oeuvre d'une centaine de programmes d'accès à la prévention et aux soins.

Son action s'inscrit dans le cadre de la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et la loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle (CMU), qui ont représenté de réelles avancées pour les personnes en situation précaire.

Il a néanmoins regretté que les plafonds de la CMU-c et de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (« Chèque santé » depuis le 1er janvier 2008), fixés respectivement à 606 euros et 727 euros par mois, ne permettent pas à certaines personnes ayant pourtant des revenus inférieurs au seuil de pauvreté (817 euros), de bénéficier de ces aides. Ainsi, les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du minimum vieillesse, qui ne peuvent bénéficier de la CMU-c, doivent assumer chaque année un reste à charge de 390 euros en moyenne, malgré le versement du chèque santé. Leur situation devrait encore s'aggraver avec l'instauration des franchises médicales.

En outre, M. Bernard Moriau s'est inquiété d'une nouvelle disposition qui prévoit d'accorder le bénéfice de la CMU-c pour une durée ramenée de douze à trois mois, afin de limiter les fraudes ou les indus liés à l'évolution des ressources des personnes bénéficiaires. Or, les démarches sont déjà particulièrement lourdes, avec des délais d'ouverture compris entre un et trois mois, ce qui peut expliquer qu'un million sur les six millions de bénéficiaires potentiels n'aient pas recours à la CMU-c et que, sur 2,2 millions éligibles à l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire santé, seules, 274 000 perçoivent le chèque santé. Il a estimé souhaitable que les délais d'ouverture des droits n'excèdent pas un mois et que la CMU soit automatiquement accordée aux personnes titulaires du RMI.

Par ailleurs, il a fait observer que les publics bénéficiaires présentent un état de santé nettement plus dégradé que celui de la population générale, conséquence directe d'un recours tardif aux soins, nécessitant dans plus de 10 % des cas des interventions urgentes.

Il a également déploré le durcissement des conditions d'accès des étrangers en situation irrégulière à l'aide médicale d'Etat (AME), qui a conduit le Conseil économique et social, ainsi que de nombreuses associations, à proposer son remplacement par une CMU élargie, afin de garantir un meilleur accès aux soins.

A cet égard, il s'est inquiété de l'augmentation des refus de soins aux bénéficiaires de la CMU et de l'AME, observée notamment pour les médecins appartenant au secteur 2. D'après les résultats de l'enquête menée par Médecins du Monde auprès des médecins réticents, leur refus s'expliquerait principalement par la lourdeur des formalités administratives et la longueur des délais de remboursement, mais aussi par les difficultés d'échanges avec le patient du fait de la barrière linguistique. L'amélioration de la situation passe par un dialogue avec les médecins concernés, une meilleure information sur le fonctionnement de l'AME et de la CMU et la délivrance d'une carte vitale aux bénéficiaires de l'AME.

s'est dit également favorable à la généralisation des permanences d'accès aux soins de santé (PASS), dont la mission est de garantir aux personnes démunies l'accès aux soins et le recouvrement de leur droit à une couverture maladie. L'objectif est de porter le nombre de PASS à cinq cents, de développer les unités mobiles pour répondre aux besoins des populations très marginalisées et de créer des PASS dentaires, pédiatriques et psychiatriques pour pallier les carences de soins et les défauts de prise en charge dans ces trois spécialités.

Enfin, il est nécessaire de développer des programmes de prévention et de dépistage de la tuberculose, du VIH, des hépatites B et C, pathologies prévalentes chez les publics précaires.

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