Intervention de Jean-Noël Jeanneney

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 25 janvier 2006 : 1ère réunion
Culture — Audition de M. Jean-Noël Jeanneney président de la bibliothèque nationale de france

Jean-Noël Jeanneney, président de la Bibliothèque nationale de France :

a rappelé qu'il avait déjà eu l'occasion, dans d'autres fonctions, de venir devant la commission, en 1992, à l'occasion de la discussion de la loi relative au dépôt légal audiovisuel et qu'il se réjouissait, en qualité de président de la Bibliothèque nationale de France, que cette loi ait contribué depuis à enrichir son fonds grâce à cette nouvelle catégorie de dépôt légal.

Présentant le projet de bibliothèque numérique européenne, il a rappelé les grandes étapes de sa chronologie. Celui-ci avait été déclenché par l'annonce faite, par le moteur de recherche « Google » en décembre 2004, de son ambition de numériser 15 millions d'ouvrages pour les mettre à la disposition des internautes du monde entier.

Si l'élargissement de l'accès à la culture qui devait en résulter était en soi très positif, il convenait cependant d'être attentif aux risques que présentait un projet doublement marqué par son origine exclusivement anglo-saxonne -qui l'avait conduit d'emblée à contracter avec cinq bibliothèques américaines ou anglaises- et par une construction fortement marquée par la recherche du profit et sa dépendance envers des recettes publicitaires. Il a redouté que ces caractéristiques n'aboutissent à marginaliser les autres cultures.

Ces considérations l'avaient conduit à alerter les pouvoirs publics, sans négliger de prendre le détour de l'opinion publique par le truchement d'un article publié dans un grand quotidien du soir, puis d'un court ouvrage intitulés, l'un comme l'autre, « Quand Google défie l'Europe ».

Il avait alors considéré que cette annonce devait nous inciter à nous lancer également dans la numérisation de notre fonds, certes déjà engagée à travers la bibliothèque numérique « Gallica », mais qui progressait au rythme insuffisant de 8.000 ouvrages par an. Il fallait, en outre, moderniser les modalités de cette saisie, pour passer du mode image au mode texte, plus propice à la consultation des ouvrages.

Il s'est réjoui que sa demande ait suscité l'intérêt des médias et retenu l'attention du Président de la République devant lequel il avait eu l'occasion de développer les raisons qui devaient nous inciter à nous engager sans tarder dans ce projet, et à lui conférer d'emblée une dimension européenne, au service de la diversité culturelle, sans exclure la participation de nations originaires des autres continents, avec l'ambition d'offrir un miroir sur le passé qui nous soit propre.

Indiquant que le Président de la République avait convaincu nos partenaires européens de se joindre à nous pour saisir la Commission européenne. Parallèlement à cette démarche politique, M. Jean-Noël Jeanneney a rappelé qu'il avait réuni les responsables des 22 bibliothèques nationales européennes qui avaient confirmé leur intérêt pour ce projet. Les résultats du référendum sur la Constitution européenne n'avaient heureusement pas entraîné de fléchissement dans la volonté de porter ce grand projet culturel.

Il a ensuite précisé les trois grandes orientations que le comité de pilotage, créé par le Gouvernement français, et placé sous la présidence du ministre de la culture et de la communication avait assignées à la BnF dans la conduite de ce projet.

- Il convient tout d'abord de resserrer les contacts avec les autres pays regroupés au sein du comité européen des bibliothèques nationales pour développer des coopérations renforcées ouvertes à tous les partenaires intéressés.

- Il est ensuite nécessaire de conduire une double réflexion sur les technologies les plus à même de permettre aux internautes de s'orienter dans le fonds numérisé, et sur les entreprises susceptibles de participer à la réalisation et au financement du projet dont le coût global pouvait être évalué, en première analyse, à 3,5 millions d'euros pour la transposition de « Gallica » en mode texte et à son extension à quelques grands journaux ou périodiques, et à 6 ou 7 millions d'euros (à raison de 100.000 euros par an à compter de 2007) pour la poursuite de la numérisation du fonds.

- Enfin, la troisième orientation reflète la nécessité de conduire avec les éditeurs, les auteurs et les libraires une réflexion sur la protection des ayants droit, et sur leur rémunération pour la partie du projet portant sur les oeuvres qui ne relèvent pas encore du domaine public, de façon à ne pas reproduire les pratiques de « Google » qui avait numérisé certaines oeuvres sans en avoir obtenu l'autorisation préalable.

Un débat a suivi l'exposé du président de la Bibliothèque nationale de France.

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