Intervention de Michèle Debonneuil

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 janvier 2009 : 1ère réunion
Services à la personne : bilan et perspectives — Audition de Mme Michèle deBonneuil inspectrice générale des finances membre du conseil d'analyse économique

Michèle Debonneuil, inspectrice générale des finances et membre du conseil d'analyse économique :

inspectrice générale des finances, a souhaité resituer l'exécution du plan de développement des services à la personne, lancé en 2005 par M. Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, dans un contexte économique et temporel plus large, en lien avec la crise actuelle. Ainsi est-elle revenue sur les causes de l'épuisement du modèle économique occidental qui fondait, depuis l'après-guerre, la croissance économique sur la production de biens et l'équipement des ménages. D'une société de la mécanisation et de « l'avoir plus », l'introduction des nouvelles technologies a réorienté les objectifs de production, vers l'information et l'accession au « mieux être ». En corollaire, elle a décrit les mutations à attendre du concept de gain de productivité qui, dans une approche industrielle, consiste à produire davantage et plus vite, alors que, dans la société de l'information, il s'agit de diversifier la production et de mieux l'adapter à la demande. Cela revient, en matière de services, à élargir l'offre, améliorer la qualité et assurer une meilleure satisfaction des besoins.

Elle a rappelé que les services à la personne représentaient non seulement un gisement d'emplois, mais aussi un gisement de gains de productivité. Rappelant la définition des services qui consiste en « la mise à disposition temporaire d'une personne, de savoir ou de savoir-faire », elle a rappelé que le rapprochement de l'offre et de la demande devait s'appuyer sur les nouvelles technologies afin d'obtenir une organisation véritablement productive et mise à disposition sur les lieux de consommation. Elle a affirmé que, à l'avenir, la croissance ne pourrait reposer que sur le développement des services, dans le cadre d'une « économie quaternaire ».

S'agissant d'une révolution de civilisation qui estompe la frontière entre le secteur secondaire et le secteur tertiaire, elle a annoncé que la transition entre la société industrielle et la future « économie quaternaire » serait appelée à créer un chômage de masse, à l'image de la transition qu'a connue l'Occident entre le vieux modèle agricole et l'ère industrielle.

Revenant sur les causes profondes de la crise économique actuelle, Mme Michèle Debonneuil a souligné que l'émergence des nouvelles technologies avait fortement contribué aux gains de productivité dans l'industrie, contribuant ainsi à rendre inutiles de très nombreux postes de travail. Or, afin de continuer à employer ces personnes provisoirement sorties des emplois productifs, les Etats-Unis d'Amérique ont largement prôné un recours aux « petits boulots », soutenus dans leur consommation par un endettement généralisé. Elle a estimé que ce changement de modèle économique était une des causes de la crise, à l'image des « subprimes », constituant un cas typique d'une mutation structurelle qui s'opère dans le passage d'une ancienne économie à une nouvelle. Elle a annoncé que l'entrée dans un modèle quaternaire continuerait à détruire le tissu industriel, notamment dans le secteur automobile, faute d'introduction de nouveaux modes de production et de satisfaction des besoins des consommateurs. Elle a considéré que le soutien à l'industrie automobile dans sa configuration actuelle était celui d'un modèle de développement « totalement dépassé ». Elle a redouté que le stade ultime d'affaiblissement des organismes bancaires et du système industriel ne conduise en dernier recours les Etats à s'endetter massivement.

Devant ce constat, Mme Michèle Debonneuil a fait valoir que l'Etat était le seul acteur capable de jouer un rôle d'accélérateur et de catalyseur pour la réforme d'organisations complexes telles que l'économie des services à la personne. Elle a estimé que si le marché pouvait assumer a priori toutes les mutations, celui-ci réagirait trop lentement, une fois les « dégâts » sociaux réalisés. Or, en cette période de crise très profonde, elle a observé que des Etats libéraux tels que les Etats-Unis étaient amenés à intervenir dans des circuits jusqu'alors strictement privés, justifiant ainsi la pleine légitimité de l'Etat pour coordonner des politiques à mettre en oeuvre d'urgence.

Revenant sur le bilan du plan de développement des services à la personne, Mme Michèle Debonneuil a estimé - au-delà des fonctions de base de ces métiers anciennement tournés vers les tâches domestiques et l'aide aux personnes fragiles - que les métiers de services devaient faire l'objet d'une vaste diversification. Elle a mis en lumière la nécessité de soutenir les entreprises à hauteur de 50 % du coût des prestations afin d'amorcer le développement du secteur privé. Elle a rappelé que cette « solvabilisation » avait déjà été mise en place dans le cadre du plan « Borloo » mais qu'elle devait être intensifiée grâce notamment à un nouveau dispositif d'agrément des entreprises et des associations. Même si l'essentiel des créations d'emplois chez les particuliers employeurs est réalisé en raison des nombreux avantages fiscaux et sociaux, il s'agissait d'encourager la déclaration des employés et de réduire le « travail au noir ».

a mis en exergue la nécessité de soutenir le secteur des services à la personne par un « mot d'ordre mobilisateur » selon lequel si chaque famille française recourait à trois heures de services par semaine, cela créerait deux millions d'emplois à temps plein. Dans cette perspective, elle s'est déclarée favorable à la mise en place d'une réduction immédiate de 50 % du coût des services à la personne qui se substituerait au crédit ou à la réduction d'impôt dont le retour sur investissement n'intervient qu'avec un an de décalage. A cette fin, elle a suggéré la diffusion d'un outil de solvabilisation immédiate sous la forme d'une carte de paiement dite « 50 % » permettant d'acheter une gamme de services. Elle a précisé que ce dispositif pourrait s'appuyer sur la technologie des cartes et téléphones portables « sans contact », qui présentent des potentialités de développement très importantes et dont le coût serait maîtrisé si l'Etat en généralisait l'usage. Elle a souligné que l'utilisation des ordinateurs et des téléphones par les entreprises des services à la personne, sur des plateformes techniques distinctes et redondantes, représentait 30 % du prix des services rendus.

a souligné que seul l'Etat était apte à susciter une demande de masse, à sécuriser le dispositif, à définir des formations propres à assurer l'attractivité des métiers de service. A cet égard, elle a proposé que soit mis en place un dispositif incitatif permettant aux salariés, le plus souvent employés à temps partiel, d'être payés à temps plein la première année à la condition qu'ils suivent une formation. Elle a souhaité que les ministères chargés du travail, de la santé, de l'agriculture mais également de l'éducation nationale, se coordonnent pour mettre en oeuvre un « véritable parcours de formation » tout au long de la vie.

En conclusion, Mme Michèle Debonneuil a affirmé que le secteur de l'automobile serait également amené à entrer dans l'économie quaternaire, du fait des nouvelles exigences en matière de mobilité, de redéploiement des emplois et de protection de l'environnement. Elle a cité en exemple les projets de mise à disposition de véhicules électriques urbains qui, à court terme, pourraient conduire à un renouvellement accéléré du parc de véhicules et pourvoir un très grand nombre d'emplois de services.

Un débat s'est alors instauré.

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