Intervention de Jack Ralite

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 5 mai 2010 : 2ème réunion
Sauvegarde du service public de la télévision — Examen du rapport

Photo de Jack RaliteJack Ralite, rapporteur :

J'ai déposé la proposition de loi avec les collègues de mon groupe le 6 avril dernier. En raison de délais extrêmement courts, je n'ai pu organiser d'auditions ni compléter le travail mené initialement. Je répète néanmoins ma déclaration de principe : si l'envahissement de la publicité est un mal, le sacrifice de l'indépendance de France Télévisions n'est pas le bon remède. Notre débat ne sera donc pas financier, il portera sur l'indépendance et le devenir du plus grand outil culturel de notre pays.

La loi relative au nouveau service public de télévision du 5 mars 2009, en supprimant en deux étapes les ressources publicitaires de France Télévisions, n'a pas renforcé le groupe, ni notre modèle original de télévision publique populaire et de qualité. Elle a au contraire affaibli France Télévisions, elle a réduit son indépendance et mis en péril sa capacité à assumer ses missions de service public. Mais pouvait-il en être autrement ? Au sein de la commission Copé, avant d'en démissionner, j'avais souligné les dangers que comportait la sous-estimation des besoins financiers. La diminution de la recette publicitaire constatée dès 2008, du fait des turbulences provoquées par l'annonce impromptue du Président de la République, s'est bien évidemment confirmée en 2009.

Malgré le bon report de la publicité de soirée vers les programmes diurnes, les recettes ont diminué. Le gouvernement avait annoncé des mesures de compensation, à l'euro près, mais il y a loin de la promesse à l'acte, les collectivités le savent bien. Le nouveau mode de financement, fondé sur deux taxes non affectées et une dotation budgétaire, est très fortement contesté depuis sa création. Par la Commission européenne, tout d'abord, qui a interrogé la France sur la nature des 450 millions d'euros attribués à France Télévisions. La taxe sur les opérateurs de communication électronique ne serait pas non plus conforme au droit européen. Les redevables des deux taxes n'ont pas été en reste pour les contester auprès des instances de l'Union... Les chaînes de télévision privées, grâce à un lobbying intensif, ont même obtenu une baisse du taux de la taxe, avant même sa première application. La menace juridique qui plane n'a pas empêché l'État de priver France Télévisions de 35 millions d'euros en 2009, au mépris du montant de dotation voté par le Parlement, au motif que les recettes publicitaires sur l'année avaient été sous-estimées.

La remise en cause du financement mixte de France Télévisions a un impact direct sur son indépendance. La contribution à l'audiovisuel public, taxe affectée aux organismes de l'audiovisuel public, a représenté 73 % du budget du groupe en 2008 et les recettes publicitaires, 27 %. Supprimer la publicité, c'est mettre le groupe sous la coupe de l'Etat, financeur unique. Pas moins de trois grandes juridictions françaises se sont inquiétées des risques pour l'indépendance de France Télévisions. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi relative au nouveau service public de télévision, avait ainsi considéré que la suppression de la publicité sur France Télévisions affectait la garantie de ses ressources et donc son indépendance. C'était écrit noir sur blanc dans le considérant n° 19 !

La Cour des comptes, dans son récent rapport public sur France Télévisions, s'inquiète de la situation financière actuelle et prévisionnelle du groupe, « très fragile ». La disparition totale d'écrans publicitaires ne fera qu'accentuer les difficultés structurelles. Enfin, le Conseil d'Etat, dans une décision du 11 février 2010, a annulé l'ingérence du pouvoir exécutif dans le législatif et dans le conseil d'administration de France Télévisions : le gouvernement en effet demandait d'appliquer une loi que le Sénat n'avait pas encore examinée ! Le Conseil d'Etat a aussi repris l'argument du Conseil constitutionnel sur le lien entre suppression de la publicité et perte de l'indépendance. Nous prônons un panachage des financements. Des parlementaires de la majorité se sont exprimés également en ce sens lors d'une audition par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale le 7 avril 2010.

Le président Patrick de Carolis a interrogé vainement le Premier ministre et le ministre de la culture sur le financement de France Télévisions. Il a donc tenu compte de la réserve exprimée par le Conseil constitutionnel et a demandé au conseil d'administration de suspendre la privatisation de la régie publicitaire. Hormis les représentants de l'Etat, tous les membres, y compris les parlementaires, ont voté cette décision. La proposition de loi arrive donc à point nommé pour répondre aux menaces qui pèsent sur France Télévisions.

L'article 1er supprime la suppression de la publicité sur France Télévisions à compter de l'extinction de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique. L'article 2 prévoit la possibilité d'un moratoire sur la suppression de la publicité en soirée, selon la situation financière du groupe. L'article 3 prohibe en conséquence la privatisation de la régie publicitaire. L'article 4 renforce l'indépendance de France Télévisions et de son conseil d'administration, en interdisant toute ingérence du pouvoir exécutif. Nous suivons mot à mot les recommandations du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat, car les interventions de l'exécutif sont quasi-quotidiennes ! Les articles 5 et 6 visent enfin à renforcer les ressources du groupe en élargissant l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public aux résidences secondaires et en augmentant le taux de taxation applicable aux chaînes privées. Ces mesures sont seules à même de sauvegarder les missions de service public de France Télévisions et son indépendance. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter ce texte sans l'amender.

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