Intervention de le Dr. Pascale Giravalli

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 avril 2009 : 1ère réunion
Les femmes dans les lieux privatifs de liberté — Audition de Mme Le Docteur pascale giravalli psychiatre en charge des soins psychiatriques délivrés aux femmes détenues au centre pénitentiaire pour femmes des baumettes et aux mineurs de l'etablissement pénitentiaire de la valentine

le Dr. Pascale Giravalli :

Après avoir accueilli l'intervenante, Mme Michèle André, présidente, a indiqué aux membres de la délégation que celle-ci était également présidente de l'association Relais Enfants Parents. Elle a rappelé que son audition s'inscrivait dans le cadre du thème de réflexion que la délégation s'était assigné cette année, qui porte sur la question des femmes dans les lieux privatifs de liberté, et qui fera l'objet d'un rapport rendu en fin d'année. Elle a ensuite fait part à Mme le Dr. Pascale Giravalli des différents points sur lesquels la délégation souhaitait l'interroger.

Elle a lui tout d'abord demandé de bien vouloir présenter l'Association des secteurs de psychiatrie en prison et d'évoquer les conditions de sa création. Elle a ensuite souhaité connaître son appréciation sur l'état sanitaire, plus spécifiquement sous l'angle psychiatrique, de la population carcérale féminine, l'interrogeant notamment sur les caractéristiques particulières que pouvaient présenter les mineures. Elle a également abordé la question de l'articulation entre incarcération et hospitalisation en établissement psychiatrique, s'enquérant des voies d'amélioration possibles en la matière. Elle lui a aussi demandé de détailler l'organisation des services médicaux psychiatriques, de préciser leur lien avec l'administration pénitentiaire et d'évaluer les moyens matériels et en personnels au regard des besoins correspondants. Enfin, elle a souhaité avoir des éléments d'information concernant le suivi psychiatrique à la sortie de prison.

Après avoir indiqué que l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, l'ASPMP, présidée par le Dr. Catherine Paulet, avait été créée à la fin des années 1980 par des psychiatres, le Dr. Pascale Giravalli a expliqué qu'elle avait été réactivée à partir de 1995, à la suite de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale qui concernait la prise en charge sanitaire des détenus, et qu'elle était ouverte à tous les professionnels exerçant dans les prisons dans le champ de la santé mentale. Elle a ajouté que l'ASPMP était en relation avec une association homologue pour les soins somatiques, l'Association des professionnels de santé exerçant en prison (APSEP), présidée par le Dr. Patrick Serre, et qu'elle était régulièrement sollicitée pour travailler sur des dossiers relatifs à la santé et à la justice.

Après avoir insisté sur l'importance de la place du dispositif sanitaire, qu'il soit somatique ou psychiatrique, en milieu pénitentiaire, le Dr. Pascale Giravalli a indiqué qu'il était dépendant d'une bonne articulation avec les différents dispositifs prévus en amont et en aval de la période d'incarcération. Elle a en effet considéré, d'une part, que l'état des dispositifs sanitaires, ou encore sociaux comme l'hébergement ou l'accès au droit, prévus en amont et en aval de la période d'incarcération, avait un impact sur le dispositif sanitaire mis en oeuvre en prison, et que d'autre part, à l'intérieur de la prison, ce dispositif devait être articulé avec les autres partenaires intervenant en milieu carcéral, tout en gardant une certaine souplesse et une capacité de décentrement. Elle a ainsi insisté sur la nécessité, pour soigner, de préserver l'indépendance technique et statutaire des personnels soignants ainsi que l'information, la confidentialité et le consentement des détenus à recevoir des soins. Elle a rappelé à cet égard le travail pédagogique accompli depuis la loi de 1994, qui a prévu des temps d'articulation avec les services de l'administration pénitentiaire, par le biais de structures destinées à faciliter les échanges.

Elle s'est inquiétée de l'état sanitaire de la population carcérale, de plus en plus fragilisée, paupérisée et malade, notant à cet égard une aggravation de la situation depuis quelques années. Elle a indiqué que le développement de peines de plus en plus longues faisait surgir des problèmes nouveaux, liés en général au vieillissement de la population carcérale, au handicap mais aussi à la démence dans certains cas. Elle a, à cet égard, jugé que ces éléments étaient à mettre en relation avec ce qui se passait à l'extérieur des prisons, citant par exemple la diminution de moyens budgétaires à laquelle est confronté le milieu psychiatrique ou encore les difficultés rencontrées par le secteur hospitalier d'une manière plus générale.

a indiqué que, du fait de leur faible nombre, les femmes étaient souvent défavorisées en milieu carcéral, illustrant son propos par la prison des Baumettes à Marseille, qui concentre sur un même lieu une maison d'arrêt et un centre de rétention des mineures mais aussi des mères avec leurs bébés, avec des conditions d'accueil qui ne sont pas toujours adaptées. Elle a également souligné que le faible nombre de places pour les femmes en centre de détention, particulièrement dans le Sud de la France comme au centre pénitentiaire des Baumettes, où il n'y en a que trente-huit, ainsi que l'inadaptation de ces centres - dépourvus notamment de quartiers « portes ouvertes » - pouvaient poser problème et rendre la vie quotidienne plus difficile pour les femmes détenues.

Concernant la prise en charge des femmes dans le domaine de la psychiatrie, elle a indiqué qu'elles concentraient un certain nombre de difficultés : problèmes sociaux, troubles psychiques, difficultés liés à la prise de produits toxiques ou à l'alcoolisation. Elle a précisé que 80 % de la population féminine incarcérée faisait l'objet d'un suivi psychiatrique. Elle a jugé que cette forte proportion n'était pas liée à des troubles mentaux plus graves ou plus fréquents mais qu'elle résultait d'une plus grande propension des femmes à faire appel à des soins psychiatriques. Elle a ajouté que les problèmes liés à l'éloignement des enfants ou à la difficulté de préserver les liens familiaux conduisaient aussi les femmes à demander un tel suivi. Par ailleurs, elle a ajouté que certaines violences et certains états de désespérance nécessitaient un accompagnement psychologique mais aussi social et juridique. Elle a, sur ce sujet, salué le travail du médiateur de la République à Marseille.

a considéré que les femmes étaient défavorisées en matière de soins psychiatriques, dans la mesure où la plupart des établissements ne leur offrait qu'une possibilité de consultation, contrairement aux hommes qui peuvent souvent bénéficier d'une prise en charge renforcée en hôpital de jour, dans les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) par exemple.

Sur la question de l'hospitalisation, elle a jugé que les difficultés rencontrées concernaient aussi bien les hommes que les femmes. Elle a indiqué que, pour les femmes en particulier, les hospitalisations ou les consultations s'effectuaient dans des conditions parfois peu dignes, regrettant que les équipes hospitalières soient tenues de soigner et de surveiller avec des moyens réduits.

Elle a ensuite considéré que les projets de construction des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), créées par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, constituaient une avancée importante dans la mesure où elles permettraient l'accueil d'hospitalisations psychiatriques, en hospitalisation libre comme en hospitalisation contrainte, des hommes, des femmes et des mineurs, améliorant ainsi le système actuel qui consiste à accueillir les détenus dans les hôpitaux psychiatriques, souvent maintenus dans des conditions peu adaptées, comme les chambres d'isolement strict. Elle a indiqué que la première UHSA devrait voir le jour en 2010. Elle a rappelé que le programme prévoyait la création de 19 UHSA, qui seront construites en deux vagues, la première comportant 9 unités situées notamment à Lyon, Nantes, Toulouse et Marseille. Elle a ajouté que des difficultés existaient, notamment au niveau du choix des terrains destinés à accueillir ces unités, prenant l'exemple de Marseille, où l'UHSA était prévue sur le terrain d'un hôpital psychiatrique mais géré par l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille. Insistant sur le fait que ces UHSA nécessiteraient une très grande articulation avec les dispositifs internes aux prisons, elle a indiqué qu'un groupe de travail avait été constitué au ministère de la santé pour réfléchir à l'évolution du dispositif de soins psychiatriques dans les prisons en vue de l'ouverture des UHSA.

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