Ce projet de loi de finances rectificative traite de la fiscalité du patrimoine mais aussi de différents aspects budgétaires. C'est donc un collectif comme les autres.
Tout d'abord, quelques considérations sur la crise de la dette souveraine. L'actualité éclaire à nouveau de manière crue la situation de la Grèce. Les dépenses ont été supérieures aux prévisions en 2010. Les analyses de la Commission européenne mettent en évidence les problèmes de gouvernance propres à cet État (fraude fiscale et mauvaise collecte des impôts). Le nouveau plan de mesures annoncé le 3 juin comporte des projets de privatisations à hauteur de 50 milliards sur lesquelles il est impossible de se faire une opinion sérieuse. Il y a deux scenarii possibles : un rose et un noir. La dette grecque s'élève à 150 points de PIB. Dans le scénario rose, elle devra, dans un premier temps, se stabiliser en valeur absolue grâce à un solde budgétaire proche de l'équilibre, avant, dans un deuxième temps, de se réduire progressivement en points de PIB grâce à la croissance. Si les Etats de la zone euro continuent de lui prêter à un taux de l'ordre de 5 % aussi longtemps que nécessaire, il n'y a aucune raison qu'elle fasse défaut. C'est toute la logique du plan d'ajustement. Si nous craignons un défaut de la Grèce - ce qui correspond au scénario noir -, c'est parce que nous ne pouvons pas analyser rationnellement ce plan. La BCE estime que les conséquences psychologiques d'un défaut de ce pays seraient de nature à remettre en cause la solidité des banques. Même si les pertes de ces grands établissements financiers ne seraient pas de nature à remettre en cause leurs grands équilibres, un tel phénomène ferait fuir les investisseurs et les effets en seraient difficiles à prévoir. Les engagements des banques françaises sur les titres de dette publique représentent 11 milliards - et 17 milliards pour les banques allemandes. Si une fraction de ces créances devait être abandonnée, il ne se passerait de ce seul fait rien de grave pour ces banques, mais les appréciations portées sur les créances des autres pays pourraient devenir incontrôlables, et les banques risquent de cesser de se prêter entre elles, suscitant une crise analogue à celle de 2008-2009. Nous nous orientons probablement vers un scénario ni noir, ni rose : les États de la zone euro cherchent à gagner du temps pour atteindre 2013 et la mise en place du mécanisme européen de stabilité (MES). D'ici là, d'autres stress tests auront lieu. Lorsque le MES entrera en vigueur, il incorporera la possibilité de défaut d'un État puisque les créanciers pourront prendre leur décision à la majorité qualifiée.
J'en reviens à l'article 33 du projet de loi de finances rectificative, qui porte sur le Fonds européen de solidarité financière (FESF) : par amendement, l'Assemblée nationale a augmenté le plafond de la garantie de la France à ses émissions. Le Fonds ne peut bénéficier de la meilleure notation qu'à condition que ses prêts n'excèdent pas la garantie apportée par les seuls Etats bénéficiant du « triple A ». Cette réalité avait été négligée durant la première étape, de sorte qu'au lieu des 440 milliards prévus, la capacité de prêt du FESF n'aurait plus été que de 255 milliards, d'où la nécessité de relever les montants de garantie à l'article 33. A compter de la mi-2013, le MES devrait disposer d'une capacité de prêt de 500 milliards. Notre participation au capital, de 16,3 milliards, devra être versée en cinq ans, à un rythme susceptible d'être accéléré. Je tiens à faire remarquer que, même s'ils ne dégradent pas le solde public au sens de la comptabilité nationale, ces 16,3 milliards sont des dépenses budgétaires. Il faut donc être bien conscient que la solidarité européenne n'est pas une solidarité morale : elle dégrade nos finances publiques et sa mise en jeu va ralentir et compliquer la trajectoire de dette que nous nous sommes fixée. Je suis assez surpris que personne n'ait soulevé cette question dans le débat public. Pour l'instant, tout se passe comme si la solidarité était strictement morale.