Venant de prendre la direction du cabinet du préfet, je n'ai pas participé à l'exercice de janvier à Gravelines. En revanche, pour avoir organisé un exercice similaire à la centrale de Penly en Seine-Maritime à l'automne 2010, je sais que la communication est la clé de la gestion de crise. Il faut délivrer un message compréhensible, adapté aux objectifs - informer, alerter ou protéger ? - et aux préoccupations de la population et des médias. Le nucléaire, associé à la mémoire des accidents de Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima, est une question particulièrement angoissante. Je vous renvoie également à la forte réaction internationale suscitée lors de la reprise des essais nucléaires par la France en 1995, bien que le nucléaire civil et le nucléaire militaire forment deux sujets totalement distincts. Depuis Tchernobyl, la population se méfie de l'information officielle : d'après le baromètre de l'IRSN en 2007, 65% des personnes interrogées affirment ne pas avoir confiance en les autorités pour les protéger contre le risque nucléaire. L'exigence de transparence est très forte.
Deux raisons expliquent la difficulté de la communication de crise nucléaire. Et d'abord l'unité de mesure de la radioactivité, le millisievert. Comment expliquer l'écart de 1 à 20 entre la dose annuelle admise pour les travailleurs du nucléaire et celle pour les populations ? D'autant qu'il n'existe pas de seuils en dessous duquel le risque cancérigène avéré est nul. D'où la difficulté à délivrer un message intelligible. Même logique concernant les mesures en cas de crise : pourquoi privilégier la mise à l'abri des personnes âgées dans les maisons médicalisées quand on évacue d'autres catégories ? Tout simplement, parce que l'évacuation présenterait un plus grand risque, mais encore faut-il l'expliquer. Autre difficulté qu'a révélée l'exercice, le phénomène d'accoutumance à l'information préventive au sein de la population habitant à proximité de la centrale complique la mobilisation des populations en cas de crise.
En cas de crise, préfet, ASN et EDF partagent la responsabilité de la communication : il revient au préfet d'informer les populations des mesures de protection, à l'ASN de faire connaître aux habitants, à l'industriel et au Gouvernement son analyse de la situation et, enfin, à EDF de communiquer sur l'état de l'installation accidentée et son évolution. S'il n'y a pas d'articulation entre les trois acteurs, une crise de communication s'ajoute à la crise nucléaire. D'où la nécessité de la coordination.