Intervention de Catherine Vautrin

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 15 mars 2006 : 1ère réunion
Audition de Mme Catherine Vautrin ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité

Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité :

a estimé que la définition des règles d'entrée et de séjour sur le territoire était un élément clé de la souveraineté d'un Etat. Elle a observé que l'ouverture croissante des frontières, les inégalités de richesse à travers le monde et le développement des moyens de transport avaient engendré une forte immigration clandestine mettant à mal la cohésion sociale et nationale. Elle a souligné que le Gouvernement s'attachait à renforcer la lutte contre ce phénomène et s'est félicitée de la création de la commission d'enquête sénatoriale.

a rappelé que la lutte contre l'immigration clandestine n'entrait pas dans ses attributions, à l'exception des dispositifs d'aide au retour qui constituent une alternative à la reconduite à la frontière. Elle a toutefois observé que l'immigration clandestine avait un double impact sur les politiques relevant de ses compétences :

- un impact sur le dispositif d'accueil et d'hébergement qui peut, pour des raisons humanitaires, être ouvert aux étrangers en situation irrégulière, en particulier aux familles ;

- un impact sur l'efficacité de la politique que le Gouvernement mène en matière d'intégration, car elle entretient, dans une partie de l'opinion, une suspicion permanente et des amalgames à l'égard des étrangers en situation régulière, qui nuisent à leur bonne intégration.

a ensuite évoqué les réflexions et réformes engagées depuis 2003 en ce qui concerne la politique d'asile, ainsi que les grandes lignes de la politique d'intégration, à laquelle elle s'est déclarée particulièrement attachée.

Elle a exposé, en premier lieu, que la France enregistrait environ 18 % du total des demandes d'asile présentées dans les pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), précisant que les flux connaissaient une diminution très limitée par rapport aux autres pays européens : -10 % entre 2005 et 2004, -24 % en janvier et février 2006 par rapport aux deux premiers mois de l'année 2005.

Elle a estimé que cette baisse était à porter au crédit de la réforme ambitieuse de l'asile opérée par la loi du 10 décembre 2003, dont l'objectif était d'accélérer la procédure d'instruction des demandes dans le respect de la convention de Genève, aussi bien dans l'intérêt des réfugiés que pour dissuader ceux qui voudraient en abuser pour se maintenir sur le territoire national. Elle a indiqué qu'il était en effet inacceptable que les demandeurs d'asile attendent jusqu'à deux ou trois ans une réponse, ce délai ayant par ailleurs pour conséquence de favoriser l'installation des familles sur le territoire français.

a souligné que, grâce à un renforcement des moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Commission des recours des réfugiés (CRR), le délai d'instruction d'une demande d'asile avait baissé de 24 mois à 6-7 mois dans le courant du 1er trimestre 2006, le délai moyen d'instruction des demandes par l'OFPRA étant désormais de 2 à 3 mois, contre 6 à 12 mois il y a deux ans, et le délai d'instruction des recours par la CRR de 5 mois. Elle a jugé difficile de réduire davantage ces délais, en faisant notamment valoir que les demandeurs d'asile devaient être convoqués à un entretien individuel et avaient souvent besoin d'un interprète.

a également mis en relief le développement qualitatif et quantitatif de l'offre d'hébergement en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA). Elle a exposé que 9.000 places avaient été créées depuis 2002, ce qui avait permis de porter leur nombre à 17.500, et que tous les départements, à l'exception de la Corse, disposaient désormais d'au moins un centre. Elle a précisé que 2.000 places supplémentaires seraient créées en 2006, soit 1.000 de plus que les objectifs du plan de cohésion sociale.

Elle a expliqué que ces centres constituaient un mode d'hébergement approprié pour les demandeurs d'asile, en leur offrant un accompagnement social et en permettant un meilleur suivi par l'Etat. Elle a ainsi souligné que deux tiers des personnes hébergées en CADA voyaient leur demande d'asile acceptée, alors que 84 % du total des demandes d'asile faisaient l'objet d'un rejet définitif.

a reconnu qu'en dépit des efforts consentis, la capacité totale des centres ne permettait pas d'y accueillir tous les demandeurs d'asile et qu'il s'était avéré nécessaire de développer des structures d'hébergement d'urgence, les demandeurs d'asile pouvant ainsi disposer d'un total de 35.000 places d'hébergement spécifiques. Elle a précisé que les demandeurs d'asile qui n'étaient pas hébergés en CADA bénéficiaient d'une allocation financière -l'allocation temporaire d'attente- sauf s'ils avaient refusé une proposition d'hébergement, y compris dans un autre département. Enfin, elle a observé que 40 % des personnes hébergées en CADA n'étaient pas des demandeurs d'asile : 18 % étant des déboutés de l'asile et 22 % des réfugiés.

Elle a marqué sa volonté d'assurer une plus grande fluidité dans la gestion du dispositif, afin de réduire à 20-25 % du total des personnes hébergées le taux des publics déboutés de l'asile ou réfugiés présents dans les CADA. Pour y parvenir, elle a souhaité la mise en place de tableaux de bord trimestriels de suivi des publics, notamment en CADA, la mobilisation des dispositifs d'accès au logement et, le cas échéant, le recours à des solutions intermédiaires dans d'autres dispositifs, résidences hôtelières, centres provisoires d'hébergement... Enfin, elle a évoqué le dispositif expérimental d'aide au retour volontaire des étrangers en situation irrégulière, mis en place dans une vingtaine de départements afin d'encourager les déboutés de l'asile à quitter le territoire français.

Au total, elle a estimé que l'effort considérable pour augmenter le nombre de places de CADA, conjugué à la baisse constatée des nouvelles demandes d'asile, au resserrement des délais d'instruction et à une gestion plus efficace des admissions et des sorties de CADA assurant une rotation plus forte, devait permettre d'offrir une solution d'hébergement accompagné à de plus en plus de demandeurs d'asile.

a exposé, en second lieu, que la lutte contre l'immigration irrégulière, pour être mieux comprise et mieux acceptée, devait nécessairement s'accompagner d'une politique d'intégration volontariste et respectueuse des étrangers en situation régulière.

A cet égard elle a rappelé la refonte de la politique d'intégration décidée en 2002, avec la création du contrat d'accueil et d'intégration et d'un nouveau service public de l'accueil piloté par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations. Elle a estimé que le contrat d'accueil et d'intégration permettait de donner un contenu symbolique fort à l'accueil du nouvel arrivant et de lui proposer de s'inscrire dans une démarche volontariste d'intégration, l'Etat s'engageant à lui offrir une formation à la langue, aux institutions et aux modes de vie de son pays d'accueil.

a souligné que le contrat d'accueil et d'intégration constituait d'ores et déjà un succès -92 % des primo arrivants à qui il est proposé ont accepté de s'engager dans cette démarche et 115.000 personnes l'ont signé depuis 2003- et serait généralisé à l'ensemble du territoire à la fin du 1er semestre 2006. Elle a marqué la volonté du Gouvernement de le rendre obligatoire.

Elle a indiqué que cet effort sur l'accueil, qui est une phase-clef de l'intégration, s'articulait avec ceux mis en place pour renforcer l'intégration des immigrants, mentionnant diverses actions destinées à favoriser l'apprentissage de la langue française, l'égalité des chances dans l'accès à l'emploi, la réussite scolaire, l'accès à la santé et la lutte contre les discriminations.

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