Intervention de Yves Daudigny

Commission mixte paritaire — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny, rapporteur pour le Sénat :

Après cinq jours de débats nourris, le Sénat a adopté, dans la nuit de lundi à mardi, un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 profondément remanié par rapport à celui du Gouvernement, ainsi que par rapport au texte que l'Assemblée nationale nous a transmis.

Nous avons à la fois voulu marquer notre opposition claire à la politique menée par le Gouvernement et montrer que des solutions alternatives sont possibles.

Plus précisément, qu'avons-nous fait ? Le Sénat s'est d'abord opposé à la première partie du projet de loi sur les comptes de l'année 2010. Nous avons en effet voulu dénoncer le déficit historique de 2010, soit 28 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse. Comme la Cour des comptes l'a dit, la crise n'explique qu'une partie de ce déficit. Plus des deux tiers ont une origine structurelle, liée aux 10 milliards d'euros de déficits annuels constatés, année après année, depuis 2004. C'est la majorité présidentielle actuelle, que vous soutenez, qui en porte l'entière responsabilité.

Notre vote ne remet nullement en cause l'excellent travail de certification des comptes réalisé par la Cour des comptes : il marque néanmoins notre opposition résolue à la politique portée par ces comptes.

Le Sénat s'est ensuite opposé à la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, celle qui concerne les comptes de l'exercice en cours. Là encore, le niveau des déficits, soit plus de 20 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse, le transfert de 65 milliards d'euros de dettes à la Cades, la caisse d'amortissement de la dette sociale, et l'absence totale de mesures de redressement des comptes à caractère structurant nous ont conduits à rejeter les comptes rectifiés proposés par le Gouvernement.

Le Sénat s'est également opposé à l'équilibre présenté pour 2012 pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que le cadrage économique, même rectifié à la marge pour 2012, est, tous les observateurs le disent, irréaliste : une croissance du PIB de 1 % et de la masse salariale de 3 % en 2012 est, selon toutes les prévisions rendues publiques ces derniers jours, excessivement optimiste. Nos partenaires européens n'hésitent même plus à nous le reprocher.

De plus, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale maintient un niveau de déficit bien trop élevé, près de 18 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse.

Par ailleurs, il n'apporte pas une seule des solutions nécessaires à la sauvegarde de notre système de protection sociale. Il ne résout, en effet, ni la question des déficits, ni celle du manque structurel de recettes des branches maladie et famille ou du fonds de solidarité vieillesse, ni le problème, pourtant fondamental, de l'accès aux soins, ni la douloureuse question du reste à charge, ni les problèmes financiers des hôpitaux, bref aucun des sujets qui appellent des réponses urgentes !

Enfin, le Sénat s'est opposé à l'accumulation irresponsable des déficits sociaux qui ont atteint des sommets, soit plus de 70 milliards d'euros en trois ans, pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse. La dette sociale a doublé depuis 2007 et nous la transférons, sans états d'âme, à nos enfants et petits-enfants !

Le Gouvernement continue de laisser filer les déficits : d'après l'annexe B, ils s'établiront encore à plus de 10 milliards d'euros par an jusqu'en 2015.

C'est pourquoi, la majorité de gauche du Sénat a rejeté le projet du Gouvernement et tous les tableaux d'équilibre qu'il comportait. Elle a aussi voulu montrer qu'une autre politique est possible. Elle a donc décidé d'imposer sa vision d'un budget de la sécurité sociale.

Le Sénat a d'abord imposé une gestion plus responsable des comptes en réduisant d'au moins 3,5 milliards d'euros le déficit de la sécurité sociale pour 2012 et les années suivantes. Nous avons considéré nécessaire d'adopter, dès cette année, des mesures à caractère pérenne et non ponctuel, comme l'a trop souvent fait le Gouvernement, pour commencer à diminuer le déficit de façon significative.

L'abrogation des exonérations de la loi du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « Tepa », applicables aux heures supplémentaires, qui permet d'apporter 3,5 milliards d'euros à la sécurité sociale, est la mesure phare de nos propositions. Il s'agit de supprimer un dispositif à la fois coûteux et inefficace. Il aura certes un impact sur certains de nos concitoyens mais nous assumons nos responsabilités car, pour nous, la priorité est claire, c'est le redressement des comptes sociaux et l'emploi.

Le Sénat a ensuite imposé une nouvelle politique en matière de ressources afin de combler le manque structurel de recettes de la sécurité sociale, régulièrement dénoncé par la Cour des comptes. Cette augmentation des recettes s'est faite de manière responsable. D'une part, les mesures proposées par la commission et nos collègues des groupes communiste et socialiste ont consisté à réduire des niches sociales existantes sur lesquelles des marges de progression ont été repérées depuis longtemps : le forfait social, les stock-options et les attributions gratuites d'actions, les retraites « chapeau » et les parachutes dorés. D'autre part, nous avons également cherché à rendre plus efficaces ces niches, en commençant à mieux cibler les allégements généraux de cotisations sociales, afin de limiter les effets d'aubaine.

Contrairement à ce qu'a dit la ministre du budget, qui nous a accusés d'avoir créé dix-sept nouvelles taxes, nous n'avons adopté que quatre mesures véritablement nouvelles. Toutes les autres ne sont que des réductions de niches existantes. Sur ces quatre nouvelles taxes, deux ont été adoptées au Sénat à l'unanimité : la création d'une contribution patronale additionnelle sur les bonus des traders et la création d'une taxe sur les produits cosmétiques au profit de l'agence française de sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé.

Le Sénat a par ailleurs imposé un meilleur accès aux soins. Nous avons abrogé l'augmentation de la taxe sur les assurances complémentaires votée en septembre dernier, et nous avons plus que largement gagé cette perte de 1,1 milliard d'euros pour les comptes sociaux. Nous avons exonéré de cette taxe les contrats responsables destinés aux étudiants et supprimé l'article visant à mettre en place un secteur optionnel car nous ne voulons pas légitimer des dépassements d'honoraires contre lesquels nous sommes bien décidés à lutter. Nous avons également refusé le rabotage annoncé des indemnités journalières et restreint le bénéfice des financements publics aux seules maisons de santé qui appliquent les tarifs opposables et le tiers payant. Nous souhaitions aussi supprimer la franchise sur les boîtes de médicaments et mettre un terme à la convergence tarifaire entre les secteurs hospitaliers public et privé. Malheureusement, l'article 40 de la Constitution nous a empêchés de le faire.

Enfin, le Sénat a eu le souci de placer l'humain au coeur des choix politiques en matière de sécurité sociale. C'est pourquoi nous avons refusé de retarder de trois mois la revalorisation des prestations familiales et demandé l'amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles. Une réflexion sur plusieurs chantiers a été ouverte, notamment sur le versement de la pension de réversion au partenaire d'un pacte civil de solidarité ou l'amélioration des droits à la retraite des apprentis.

La nouvelle majorité du Sénat est donc parvenue à imprimer sa marque sur ce projet de loi de financement. Le texte que nous avons voté ne ressemble en rien à celui du Gouvernement.

Il représente pour nous l'esquisse de ce que pourrait être un vrai projet de gauche pour la sécurité sociale, un projet fondé sur les valeurs de sécurité et de solidarité, un projet qui ne renie pas les acquis d'un système hérité du Conseil national de la Résistance et que nous avons le devoir, vis-à-vis de nos concitoyens et des générations futures, de préserver au plus haut niveau.

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