Intervention de Marisol Touraine

Commission mixte paritaire — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Marisol Touraine, députée :

Nous n'irons sans doute pas très loin dans cette discussion. Nous partageons en tout cas pleinement les orientations du texte adopté par le Sénat, dont les perspectives pour une politique différente en matière d'assurance maladie sont très claires.

Je l'ai déjà dit quand le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été engagé, il y a quelques semaines : ce projet de loi de financement n'est pas le plus spectaculaire des dernières années, mais, en tant que dernier de la législature, il présente l'intérêt de donner l'occasion d'établir un bilan de l'action du Gouvernement, qui n'a fait qu'accroître les déficits. Les déficits cumulés de la sécurité sociale s'élèvent, en effet, à 140 milliards d'euros, tandis que la dette sociale a été multipliée par deux depuis 2007. Pour un Gouvernement qui prétend faire du rétablissement des comptes sa priorité et donner des leçons de bonne gestion à ses interlocuteurs nationaux ou internationaux, c'est assez osé.

Au-delà de l'absence de rétablissement des comptes, les difficultés auxquelles nos concitoyens sont confrontés en matière d'assurance maladie et d'accès aux soins ne sont pas réduites, bien au contraire. Les inégalités sociales, territoriales et sanitaires se sont accrues dans notre pays, alors que l'égalité dans l'accès aux soins est pour nous une priorité.

Le renchérissement du coût de l'accès aux soins, à travers notamment les dépassements d'honoraires, a accru les inégalités sociales. Nous ne pouvons d'ailleurs pas souscrire au « secteur optionnel » proposé par le texte, même s'il n'est pas nommé ainsi. Il graverait en effet dans le marbre ce niveau élevé de dépassements d'honoraires, que les organismes complémentaires devraient prendre en charge.

Nous avons eu l'occasion de débattre à plusieurs reprises des difficultés territoriales d'accès aux soins, comme le creusement des déserts médicaux. Les lois de financement successives n'ont néanmoins porté aucune mesure structurelle. J'en veux pour preuve la ponction, année après année, des ressources du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs), qui a précisément l'objectif de favoriser des projets innovants en matière d'accès aux soins de premiers recours.

Les politiques de prévention sont les grandes perdantes des politiques suivies ces dernières années, ce qui a accentué les inégalités sanitaires. Ce projet de loi ne fait pas exception à la règle.

Nous le disons clairement : il était important de définir une autre perspective, qui s'attache à marquer le possible rétablissement de la trajectoire financière. Il va en effet de soi que la poursuite du creusement des déficits n'est pas acceptable : ce serait tirer un trait sur notre protection sociale.

Les propos tenus hier par le Président de la République sur la fraude sociale ne nous rassurent pas. Il ne s'agit à l'évidence que d'agiter des étendards purement politiques ou plutôt politiciens : le thème de la fraude n'a en effet pas d'impact financier sérieux. Une concertation est également annoncée pour envisager comment les Français pourraient supporter encore davantage le poids de la protection sociale. Cela n'est pas acceptable.

Nous devons consolider notre système de protection sociale. Le rétablissement de la trajectoire financière implique de trouver des ressources nouvelles. Il faut pour cela mettre à contribution l'ensemble les revenus, et en particulier solliciter davantage les revenus du capital, comme nous le proposons depuis 2007. En cela, nous partageons les mesures adoptées par le Sénat. Il est impératif de supprimer le paquet fiscal qui pèse très lourd sur les comptes publics et en particulier les comptes sociaux.

Deuxièmement, des réformes structurelles doivent être mises en place pour mieux maîtriser l'évolution des comptes et garantir un meilleur accès de nos concitoyens à l'assurance maladie. Sans les détailler, il s'agit de consolider l'accès aux soins de premiers recours, de garantir la qualité du travail dans les hôpitaux publics en reconnaissant leur spécificité - c'est pourquoi nous sommes opposés à toute convergence de leur tarification avec les établissements privés -, de lutter contre les dépassements d'honoraires, de mettre en place des politiques de prévention, etc. Ces réformes doivent être centrées sur la diminution des inégalités.

La réforme des retraites engagée en 2010 ne permet pas de consolider durablement les comptes de l'assurance vieillesse. Il s'agit d'une politique à courte vue, comme l'illustre la suppression du fonds de réserve pour les retraites que nous avons contestée. Ce fonds donnait en effet à nos concitoyens des garanties sur la durée.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons le texte du Sénat. Nous comprenons bien que, pour la majorité présidentielle, ce texte marque un décalage très fort avec le projet adopté par l'Assemblée nationale. Rapprocher des points de vue opposés est sous doute vain et même si certains articles ont été votés conformes, il n'est peut-être pas très utile d'engager la discussion des articles. Je remarque néanmoins que, pour la première fois, deux perspectives différentes sont proposées à la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce n'est pas sans intérêt dans la période qui s'ouvre.

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