Intervention de Pierre Méhaignerie

Commission mixte paritaire — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Pierre Méhaignerie, député, président :

Merci madame Jouanno, je voudrais ajouter quelques mots, j'ai toujours pensé que la vérité était dans la nuance, donc j'aurais pu accepter quelques amendements, mais il y a trois points qui rendent impossible l'élaboration d'un compromis.

Le premier de ces désaccords porte sur votre affirmation selon laquelle le Gouvernement laisse filer les déficits. Lorsque le budget avait été élaboré en 2007, je rappelle que non seulement l'Ondam avait été respecté mais aussi que les dépenses augmentaient moins vite que la richesse nationale. Sans la crise qui nous a touchés, au même titre que les autres pays, le déficit ne se serait pas aggravé.

Si le Gouvernement n'a pas voulu supprimer complètement le déficit, c'est parce qu'il s'agissait de ne pas casser en même temps la croissance. La masse très importante d'augmentation de dépenses sociales de l'ordre de 3 % par an a été un facteur de correction des inégalités dans la société française, au point qu'aujourd'hui sur les vingt-sept pays de l'Union européenne, nous nous situons au troisième ou au quatrième rang dans la lutte contre la pauvreté, et ce du fait du poids de ces dépenses sociales qui ont augmenté fortement. Ne caricaturons donc pas les déficits, ils nous ont permis d'être le seul pays à avoir pu maintenir le pouvoir d'achat durant la crise.

Le deuxième point de désaccord porte sur les heures supplémentaires, elles ne sont que la conséquence de ce que j'appelle, comme le font nos voisins allemands, la catastrophe des trente-cinq heures. Autant j'étais favorable aux trente-cinq heures pour les métiers pénibles, autant l'extension de ce dispositif à tous les autres secteurs a été un facteur d'aggravation des inégalités. Expliquez-moi comment vous faites dans les bassins industriels ou dans la construction pour recruter si nous supprimons, comme vous le préconisez, la défiscalisation des heures supplémentaires. La défiscalisation des heures supplémentaires permet à ceux qui en ont le plus besoin de pouvoir améliorer leur pouvoir d'achat. Nous n'avons pas voulu supprimer les trente-cinq heures pour ne pas déclencher une guerre idéologique, mais il a bien fallu leur apporter des corrections par le biais de la défiscalisation des heures supplémentaires.

Le troisième et dernier point concerne la contribution des autres revenus que ceux du travail. S'il est vrai qu'on peut y trouver des marges, je voudrais vous rappeler que nous sommes dans un monde ouvert où les capitaux peuvent circuler. Je me rappelle des années 1982 et 1983, où le Gouvernement de l'époque avait mené une politique budgétaire exactement contraire à celle qui avait été annoncée en 1981, période durant laquelle la part du travail dans le partage de la valeur ajoutée a baissé de huit points et où le pouvoir d'achat s'est érodé. Aussi, mes chers collègues, je vous enjoins à vous souvenir de cela et à faire preuve d'humilité lorsque l'on établit un budget.

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